La lucidité est-elle un obstacle au bonheur ?
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Corrigé envoyé par: Laure Lauriston
Classe: TS3
Année: 2004-2005
Corrigé demandé en échange: Quelle conception de l'homme l'hypothèse de l'inconscient remet-elle en cause ?
Les enjeux du sujet
Si l'on choisit de «mettre en sommeil» sa conscience, ses facultés intellectuelles et morales pour accéder au
bonheur, quelles conséquences doit-on assumer ?
En quoi les illusions peuvent-elles être à plus ou moins long terme source de malheur ?
Montrez pourquoi c'est dans la réalité, même imparfaite, que l'homme peut espérer trouver un véritable bonheur,
peut-être imparfait lui aussi.
Pour construire une problématique
La conscience aiguë des imperfections de sa propre personne, de ceux qui nous sont chers et des sociétés
humaines, le fait de voir la réalité en face, les injustices, la misère ne peuvent que nous attrister et nous rendre
malheureux.
Analysez la satisfaction éprouvée par ceux qui se réjouissent du malheur des autres : est-ce un
bonheur serein ?
Examinez la position pessimiste, qui prétend à la lucidité suprême sur la condition humaine et affirme son absurdité
fondamentale et son malheur radical.
La conscience somnolente ou la fuite dans l'imaginaire peuvent apparaître comme condition du bonheur : le type de
bonheur qui en découle vous semble-t-il correspondre aux capacités et à la dignité humaines ?
Expliquez pourquoi les illusions «agréables» peuvent être source de déception, voire d'un malheur plus grand que
celui qui accompagne, le cas échéant, la lucidité.
Quel rapport y a-t-il entre te degré de conscience et le degré de bonheur, de même qu'entre la capacité au bonheur
et la capacité au malheur ?
Dans quelle mesure la lucidité pourrait-elle contribuer à accroître le bonheur possible dans une réalité imparfaite ?
Etre lucide, c'est ne pas vivre dans l'erreur ou l'illusion.
L'homme lucide porte sur lui et sur les autres un regard
objectif sans faux-fuyants, ni faux-semblants.
Mais ce rapport honnête à la vérité peut nous conduire au désespoir.
Etre lucide, c'est ne trouver aucun refuge, aucune consolation par lesquels je me protège contre la dureté du
monde (Cf.
le rôle de l'illusion religieuse pour Freud).
Si la lucidité nous rend triste et malheureux, que vaut pourtant
un bonheur qui serait privé de toute clairvoyance ? Faut-il préférer une illusion réconfortante à une lucidité
blessante ?
I) Lucidité et malheur de l'existence humaine.
Le pessimisme de Schopenhauer.
Que l'on puisse définir le bouddhisme comme une sagesse ou comme une
religion sans Dieu est confirmé par le fait que ses principales affirmations
sont reprises par Schopenhauer.
Ce philosophe du milieu du XIX ième est
rigoureusement athée.
Il en tire les conséquences radicales : si Dieu n'existe
pas, la vie est absurde ; en effet, nous vivons, nous souffrons, nous faisons
des efforts, tout cela pour finir par mourir, cad pour rien.
Aucun paradis,
aucune récompense ne nous attend.
De plus, la vie est essentiellement faite
de souffrance.
Si nous examinons lucidement notre expérience de la vie, sans
la brouiller de faux espoirs, et que nous faisons le compte des biens et des
maux, nous découvrons que la somme totale des souffrances est très
supérieure à la somme des plaisirs éprouvés dans une vie.
Donc la vie ne vaut
pas la peine d'être vécue.
Tout ce qu'il nous reste à faire, c'est échapper à la
souffrance en tuant en nous le désir de vivre...
Les illusions de la conscience réalisent la volonté de la nature (pessimisme et
nihilisme de Schopenhauer).
Notre nature est animée d'une tendance et d'une prétention à connaître et à
vouloir plus que nous ne pouvons.
Chacun selon son « naturel », mélancolique
et sanguin, produit les illusions dont il a besoin.
Mais ce besoin, nous n'en
avons pas conscience.
Nous voulons ce à quoi nous croyons, mais nous ne
croyons pas ce que nous voulons ; nous ne commandons pas à nos illusions.
Qui donc veut l'illusion ? Quelle est cette nature qui me fait obéir aux passions et me fait vivre en dupe ? C'est que
l'illusion seule fait vivre, et « la connaissance de soi se paie toujours trop cher » (Cioran).
L'homme a besoin de
raisons de vivre, et la raison seule ne nous en donne pas.
Or la Nature n'a d'autre sens que sa perpétuation, ce qui
se traduit chez les espèces animales par le mécanisme de la reproduction.
Belle raison de vivre pour la belle âme
humaine ! Si l'on savait la vérité, l'espèce humaine s'éteindrait en peu de temps.
La volonté de la Nature est donc
que l'individu soit la due de l'espèce.
D'où les illusions : le noble sentiment amoureux n'est qu'une ruse de l'instinct.
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