La logique suffit-elle à fonder une science ?
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«
Introduction :
La science se caractérise par sa rigueur, sa rationalité et ses démonstrations logiques.
La science nous apparaît donc comme la discipline logique par
excellence, celle qui peut atteindre à des certitudes indubitables, car découlant nécessairement d'un raisonnement logique.
La logique semble donc être au
fondement même de la science, mais est-elle pour autant suffisante à fonder une science ? Autrement dit, d'autres conditions que l'application de la logique
sont-elles requises pour fonder la science ?
1ère partie : La logique est une condition nécessaire pour fonder une science.
- La logique nous garantie de l'erreur, elle nous permet d'affirmer que nous avons affaire à une « science exacte », c'est-à-dire qui contient des vérités, des
certitudes apodictiques, nécessaires et vraies.
C'est la logique qui légitime la science, et la distingue de la croyance ou de l'opinion, qui sont irrationnelles
et sans logique rigoureuse.
La logique nous conduit à « l'évidence » des connaissances obtenues, car on ne peut contredire un énoncé qui découle d'une
démonstration logique.
C'est donc parce qu'elle procède logiquement que la science peut obtenir des vérités, sur lesquelles elle peut s'appuyer fermement,
et donc poursuivre le développement des connaissances scientifiques et faire progresser le savoir.
- Aristote, le fondateur de la logique en Occident, la place au point de départ de la science comme une « propédeutique », c'est-à-dire une introduction à la
science.
Pour lui, la logique est nécessaire pour accéder à la science, car elle nous permet d'apprendre à user correctement des concepts, à manier le
jugement avec rigueur, à procéder correctement dans nos raisonnements.
Il faut donc connaître la logique avant même de se livrer à l'étude scientifique de
la nature.
Une pensée incohérente ne peut pas faire d'étude solide.
- Il y a du logique partout où se présente une méthode.
La logique est inhérente à tout savoir organisé, elle est inhérente aux mathématiques, comme à la
biologie, ou à la physique.
Il semble que la logique soit même présente en toute théorie, et pas seulement dans les théories scientifiques.
2ème partie : La logique n'est pas suffisante à fonder une science.
- La logique ne considère que la validité formelle du raisonnement, mais ne dit rien de la vérité.
En ce sens elle n'apporte pas de connaissance comme le
ferait une science.
Elle ne s'occupe que de la structure du raisonnement, et non de son contenu.
La logique est d'abord concernée par le raisonnement et sa
valeur et non par l'observation.
Elle peut très bien opérer avec des propositions qui ne comportent pas d'évidence factuelle, pas de certitude liée à une
constatation.
Le paradigme du raisonnement logique est le syllogisme, qui se compose de trois propositions : deux prémisses et une conclusion qui en découle.
Ex : Tous
les hommes sont mortels.
/ Socrate est un homme.
/ (Donc) Socrate est mortel.
Or la logique accepte tout à fait la validité d'un syllogisme quand bien même son contenu est faux.
Ex : Tous les chefs de gares sont des crocodiles.
/ Michel
est chef de gare.
/ (Donc) Michel est un crocodile.
L'erreur ici n'est pas logique mais tient au contenu de l'énoncé de la première prémisse.
La logique ne valide
pas la connaissance singulière des propositions qui servent de prémisses, mais seulement de la conclusion, relativement aux prémisses posées.
- Le syllogisme est donc, selon la définition d'Aristote « un discours dans lequel, certaines choses ayant été posées, quelque chose d'autre qu'elles résulte
nécessairement de leur vérité, sans qu'il soit besoin d'aucun terme en dehors » ( Premiers analytiques, 24 b 18-22 ; Topiques, 100 a 25-27).
Le syllogisme
rend le raisonnement correct, mais non pas vrai.
Pour Aristote, les principes dont découlent les syllogismes démonstratifs sont des définitions, des
principes ou des axiomes, c'est-à-dire des universels, des pré-savoirs d'où découle tout type de savoir.
Il entend ainsi que la science procède toujours d'un
présavoir.
Pour Aristote la science est un système déductif fondé sur des prémisses premières non démontrées et constitué d'un nombre fini de déduction
de forme syllogistique.
La logique ne suffit alors pas à fonder la science, encore faut-il disposer d'une connaissance préalable qui en soit au principe.
- En outre, si la logique ne suffit pas à fonder une science car elle peut valider de manière formelle des raisonnements dont le contenu est faux, il apparaît
que parfois, l'apparence logique d'un raisonnement est trompeuse.
C'est le cas des sophismes et des paralogismes, raisonnements spécieux qui nous
induisent en erreur et nuisent à la formation du savoir scientifique.
L'attitude logique du scientifique doit alors être assortie d'une réflexion critique, et d'un
esprit philosophique, ouvert à l'inconnu et disposé à remettre en questions ses idées les plus profondément ancrées.
Le philosophe empiriste David Hume a
relevé cette propension humaine à voir du « logique » là où il n'y en a pas, en constatant que du fait de l'habitude, l'homme créé de lui-même des liens de
causalité entre les évènements, qui pourtant ne sont absolument pas démontré.
Ainsi, parce que l'on a toujours vu le soleil se lever chaque matin, on trouve
logique qu'il se lève encore demain.
Mais pour Hume, rien ne me garanti que parce que j'ai été rassasié en mangeant du pain hier, que le pain que je
mangerait aujourd'hui me nourrira.
Nombre de nos déductions « logiques » ne sont donc que des raisonnements hâtifs et des inductions infondées.
3ème partie : La logique peut elle-même être considérée comme une science (générale).
- La science est très différente de la logique dans la mesure ou elle est particulière à un genre déterminé, contrairement à la logique qui concerne toutes les
sciences.
Aristote distingue les sciences selon la partie qu'elles étudient.
Chaque science est un organisme clos, limité par les limites même de
l'organisme qui la fonde, tandis que toutes participent néanmoins au sein de leur région précise à une même logique.
La logique apparaît alors pour Aristote
comme un « organon » c'est-à-dire en grec, en « instrument », utilisé par toutes les sciences.
Mais si la logique est nécessaire, il n'en reste pas moins que
chaque science développe sa propre méthode, adaptée à l'objet qu'elle étudie.
La logique est donc utile à la science à titre général, mais ne suffit pas à la
déterminer spécifiquement.
- Le logicien apparaît alors comme celui qui se propose de dégager ce qu'il peut y avoir de commun dans les divers procédés de la pensée.
Il s'élève au
dessus des différents discours du savoir, pour expliciter ce qu'est un discours vrai.
La logique semble donc la science des conditions de la pensée vraie et
du raisonnement valide.
La logique ne fonde pas la science, mais est elle-même une sorte de science, une « méta-science », qui régit toutes les sciences.
- Partant, la logique a été développée aussi pour elle-même, comme science à part entière, et non plus comme outil, ou méthode pour les sciences.
En se
prenant elle-même pour objet, elle devient alors une spéculation pure qui rejoint de près les mathématiques et la théorie de la démonstration.
Elle n'est plus
au service des sciences, mais peut avoir une autonomie à part entière à titre de science.
Conclusion :
L'attitude logique est nécessaire dans tous les domaines de la connaissance, sans quoi le savoir ne parvient pas à se structurer, sans quoi il n'est pas de
science possible, puisque la science est une connaissance en forme de système .
Et néanmoins, la logique ne suffit pas à fonder la science, car cette
dernière, dans chacune de ses spécialisations, requiert un savoir préalable que la seule réflexion logique ne peut nullement lui fournir.
La logique met en
forme et permet d'opérer les connexions qui nous permettrons d'obtenir certaines connaissances, et néanmoins, elle n'est pas au fondement même de la
connaissance scientifique dans la mesure où elle ne nous donne pas le premier principe, la pierre fondamentale nécessaire à toute science.
La logique est nécessaire pour la construction scientifique et le développement de la science, mais pas suffisante pour fonder, de façon inaugurale, la
science..
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