La liberté,est-ce l'absence de contraintes?
Extrait du document
«
Vous devrez partir d'une définition très courante de la liberté, celle qui veut qu'être libre, c'est ne subir aucune
contrainte, quelle qu'elle soit.
Explorez les différents champs de votre existence et voyez ce à quoi vous aboutissez
quand vous vous affranchissez de toutes les contraintes.
Faut-il toujours s'en réjouir ? Mais, dans ces situations,
êtes-vous certain du reste qu'il n'y a précisément aucune contrainte ? Si non, quelles sont-elles et sont-elles à
placer sur un même niveau selon que ces contraintes sont physiques, psychologiques, politiques ou morales ? Vous
devriez alors saisir une difficulté majeure qui travaille tout le sujet, dès lors où on oppose liberté et contraintes.
Pourquoi, au fond, cette opposition est-elle peu satisfaisante philosophiquement ? Vous pouvez vous reporter aux
analyses de Spinoza sur les rapports entre le déterminisme et la liberté.
La liberté comme spontanéité de l'agir
• C'est le sophiste Calliclès qui définit la liberté comme absence de contraintes.
Pour ce personnage du dialogue de
Platon intitulé Gorgias, être libre, c'est faire tout ce que l'on veut sans se soucier d'autre chose que de satisfaire
ses désirs.
Le discours de Calliclès.
" Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.
C'est donc en fonction d'euxmêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent des
blâmes.
Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu'eux et qui peuvent leur être supérieurs.
C'est pour empêcher
que ces hommes ne leur soient supérieurs qu'ils disent qu'il est vilain, qu'il est injuste, d'avoir plus que les autres et
que l'injustice consiste justement à vouloir avoir plus.
Car, ce qui plaît aux faibles, c'est d'avoir l'air d'être égaux à
de tels hommes, alors qu'ils leur sont inférieurs.
Et quand on dit qu'il est injuste, qu'il est vilain, de vouloir avoir plus que la plupart des gens, on s'exprime en se
référant à la loi.
Or, au contraire, il est évident, selon moi, que la justice consiste en ce que le meilleur ait plus que
le moins bon et le plus fort plus que le moins fort.
Partout il en est ainsi, c'est ce que la nature enseigne, chez
toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités !
Si le plus fort domine le moins fort et s'il est supérieur à lui, c'est là le signe que c'est juste.
De quelle justice Xerxès s'est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce (1), ou son père quand il fit la
guerre aux Scythes ? Et encore, ce sont là deux cas parmi des milliers d'autres à citer ! Eh bien, Xerxès et son père
ont agi, j'en suis sûr, conformément à la nature du droit - c'est-à-dire conformément à la loi, oui, par Zeus, à la loi
de la nature -, mais ils n'ont certainement pas agi en respectant la loi que nous établissons, nous !
Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge,
comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisons
des esclaves, en leur répétant qu'il faut être égal aux autres et que l'égalité est ce qui est beau et juste.
Mais, j'en
suis sûr, s'il arrivait qu'un homme eût la nature qu'il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s'en
délivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussi
toutes nos lois qui sont contraires à la nature - si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nous
apparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat.
"
PLATON, Gorgias, 483b-484a, trad.
Canto, Garnier-Flammarion, 1987, pp.
212-213.
(1) allusion à la seconde guerre médique conduite par Xerxès, roi des Perses, qui envahit la Grèce en 480 av.
JC
Exercice : reprenez chacun des arguments de Calliclès qui parle ici, et discutez-le.
Le discours de Calliclès (Gorgias 483b - 484a)
Introduction
Calliclès entend pratiquer une critique " généalogique " des lois en débusquant le type de vie qui se dissimule derrière
leur apparente impartialité.
Les arguments de Calliclès
1.
Faite par la masse, la loi en exprime forcément les intérêts et les valeurs.
Elle n'est donc universelle qu'en
apparence.
2.
Cette loi est un instrument d'oppression non par la force mais par un mécanisme d'intériorisation.
Elle n'est
donc juste qu'en apparence.
3.
Les valeurs prônées par cette loi n'ont pas de réalité propre : elles consistent dans le retournement axiologique
de la réalité de la force, et l'égalité de droit n'est que la dénégation de l'inégalité de fait.
Elle est donc sans
consistance.
4..
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