La liberté se définit-elle comme un pouvoir de refuser ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
DIRE: signifie ici affirmer en connaissance de cause, mais cela désigne aussi l'opinion qui dit n'importe quoi, qui se contente d'affirmer
ce qu'elle affirme, qui transforme son désir en vérité universelle.
POUVOIR:
Du latin populaire potere, réfection du latin classique posse, «être capable de ».
1° Verbe : avoir la possibilité, la faculté de.
2° Avoir le droit, l'autorisation de.
3° Nom : puissance, aptitude à agir.
4° En politique,
ressource qui permet à quelqu'un d'imposer sa volonté à un autre, autorité.
5° Employé seul (le pouvoir), les institutions exerçant
l'autorité politique, le gouvernement de l'État.
LIBERTÉ:
Ce mot, en philosophie a trois sens :
1° Libre arbitre.
Pouvoir mystérieux de choisir entre les motifs qui me sollicitent sans être déterminé par aucun d'eux.
2° Liberté de spontanéité.
S'oppose non plus au déterminisme mais à la contrainte : état de celui qui agit sans être contraint par une
force extérieure.
3° Liberté du sage.
État de celui qui est délivré des passions et agit à la lumière de la raison.
Refuser de: ne pas consentir à, refuser d'obéir, d'obtempérer, se rebeller, se révolter.
[Introduction]
La liberté est certainement l'une des idées les plus discutées dans l'histoire de la philosophie.
Correspond-elle à un simple désir de
l'individu ? Est-elle immédiatement donnée ? Faut-il au contraire la conquérir peu à peu ? La signification du mot reste-t-elle constante
selon qu'on l'examine relativement à un individu ou à une collectivité ? Doit-on en distinguer différentes acceptions (morale, politique,
sociale...), ou peut-on espérer les harmoniser dans une définition globale ? Veut-il mieux tenter de la définir de manière positive (par
référence à ce qu'elle autorise) ou de façon négative – comme pouvoir de refuser, sans plus de précision ? À moins d'en venir à concevoir
que son éventuelle négativité ne serait qu'une préparation à une dimension positive ?
[I.
Du politique à l'anthropologique]
L'une des définitions les plus célèbres de la liberté est incontestablement celle de Rousseau : « La
liberté est l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite ».
L'obéissance
au
seul
appétit est esclavage et
l'obéissance à la loi
qu'on s'est prescrite est
liberté.
(Du
Contrat
Social)
La liberté ne consiste pas à suivre nos désirs.
Elle n'est pas dans l'absence de contraintes
mais dans le libre choix des contraintes que
l'on se donne à soi-même.
On peut appliquer
cette idée au peuple.
Un peuple libre est celui
qui se donne à lui-même ses propres lois, ce
qui définit la démocratie.
Mais il s'agit de la liberté civile ou politique, c'est-à-dire de celle qui doit se déployer dans un corps
social organisé pour garantir le bonheur de ses membres.
L'élaboration de la société, l'entrée dans l'ordre politique, n'est certainement pas un phénomène
caractérisant l'humanité dès ses débuts.
En conséquence, la liberté politique telle que la comprend
Rousseau pourrait ne pas désigner la forme la plus radicale de la liberté, qui devrait être cherchée en
amont du social ou du politique.
Cet amont, pour Rousseau, c'est l'homme de la nature, qui n'est encore qu'un animal solitaire et ne
présente en fait, tel qu'il est décrit dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi
les hommes, aucun des caractères de l'homme.
À son propos, Rousseau évoque, non pas la liberté,
mais ce qu'il nomme son « indépendance naturelle », simple capacité à ne vivre qu'en suivant ses
impulsions et intérêts immédiats.
Si l'on conserve du schéma rousseauiste – et même en sachant qu'il est plus théorique qu'historique, mais aussi qu'il a l'avantage,
comme l'a remarqué Lévi-Strauss, de poser le problème du passage de la nature à la culture – l'idée d'une différence importante entre
l'indépendance initiale et la liberté sociale, on peut deviner que c'est précisément au moment où se met en place la culture comme
phénomène d'humanisation que l'on a quelque chance de voir affleurer les effets de la liberté et donc d'en saisir la nature première.
[II.
Liberté et existence de la culture]
L'anthropologie moderne considère que la culture humaine s'établit à partir d'un ensemble de phénomènes qui sont tous, de manière plus
ou moins évidente, des refus :
– instauration d'interdits (parmi lesquels le plus fondamental serait la prohibition de l'inceste, qui est refus de la consommation sexuelle
la plus facile), qui constituent une mise à distance de l'animalité ;
– instauration du travail, qui transforme le donné naturel et refuse ainsi
que s'en perpétue l'état premier ;
– instauration de rituels – d'une grande variété – ayant pour objet de préserver le cadavre humain d'une décomposition « naturelle »,
comme si, remarque Georges Bataille, le scandale que constitue la mort risquait d'être contagieux et qu'il convenait donc de s'en protéger.
Ainsi considérée, toute culture se fonde sur un ensemble de négations de la nature immédiate.
Et s'il est vrai que l'homme doit se
concevoir davantage par son héritage culturel que par référence à une nature héréditaire, on en vient aisément à considérer que son
humanité même n'existe que grâce au refus de ce qui serait en lui naturel, c'est-à-dire son animalité.
L'animal n'a pas le pouvoir de refuser, car il est entièrement déterminé par son hérédité, c'est-à-dire par les comportements instinctifs qui
lui sont obligatoires.
En d'autres termes, l'animal n'est pas libre, et l'on peut admettre que la liberté humaine se manifeste en même
temps que le pouvoir de refuser, qui ouvre la possibilité du choix.
Considérer que l'homme est un être «dénaturé» ou qu'il est libre, c'est
faire valoir que tous les éléments positifs de la culture humaine se fondent sur un refus premier..
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