La liberté n'est elle qu'illusion ? - L’idée de liberté totale a-t-elle un sens ?
Publié le 27/09/2023
Extrait du document
«
L’idée de liberté totale a-t-elle un sens ? : textes de complément.
L’obéissance aux désirs comme aliénation
Expressions du langage ordinaire : être l’esclave de ses désirs ; être le jouet de ses passions (exple :
toutes les sortes d’addictions, au sens large ; pas seulement drogues mais conduites impulsives,
incontrôlées – boulimie, jeu, etc.).
Un exemple littéraire célèbre de la faiblesse de la raison et de la soumission aux passions :
Jean Racine, Phèdre, acte I, scène 3 :
ŒNONE
Aimez-vous ?
PHÈDRE
De l'amour j'ai toutes les fureurs.
ŒNONE
Pour qui ?
PHÈDRE
Tu vas ouïr le comble des horreurs.
J'aime...
A ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J'aime...
ŒNONE
Qui ?
PHÈDRE
Tu connais ce fils de l'Amazone,
Ce prince si longtemps par moi-même opprimé ?
ŒNONE
Hippolyte ? Grands dieux !
PHÈDRE
C'est toi qui l'as nommé !
ŒNONE
Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !
O désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !
Voyage infortuné ! Rivage malheureux,
Fallait-il approcher de tes bords dangereux !
PHÈDRE
Mon mal vient de plus loin.
À peine au fils d'Egée
Sous ses lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;
Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler ;
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit, tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
D'un incurable amour remèdes impuissants !
Pierre-Narcisse Guérin, Phèdre et Hippolyte (détail), 1802
Critique de l’intempérance et la vie déréglée (= soumission aux désirs irrationnels ≠ modération)
par Platon
Socrate « - Mais peut-être crois-tu qu’il est inutile d’être maître de soi, et qu’il importe
seulement de commander aux autres ?
Calliclès – Comment conçois-tu cette maîtrise de soi-même ?
S – D’une façon très simple et comme tout le monde : elle consiste à être tempérant et à se
dominer, à commander en soi aux plaisirs et aux passions.
C – Tu es plaisant, Socrate : ceux que tu appelles les tempérants, ce sont les imbéciles !
S – Comment cela ? Tout le monde peut voir que ce n’est pas d’eux que je parle.
C – Tu parles d’eux très expressément, Socrate.
Qui donc, en effet, peut être heureux, s’il est
esclave de qui que ce soit ? Non ; le beau et le juste, selon la nature, c’est ce que je suis en train de
t’expliquer sans déguisement : à savoir que, pour bien vivre, il faut entretenir en soi-même les plus
forts désirs au lieu de les réprimer, et qu’à ces désirs, quelques forts qu’ils soient, il faut se mettre
en état de donner satisfaction (…).
La vérité, Socrate, que tu prétends chercher, la voici : la vie
facile, l’intempérance, la licence, quand elles sont favorisées, font la vertu et le bonheur ; le reste,
toutes ces fantasmagories qui reposent sur les conventions humaines contraires à la nature, n’est
que sottise et néant.
S – Ton exposé, Calliclès, ne manque ni de bravoure ni de franchise : tu as exprimé clairement
ce que les autres pensent, mais n’osent pas dire.
Je te prie donc de ne faire aucune concession,
afin que nous apparaisse en toute évidence la vérité sur la meilleure manière de vivre.
Dis-moi : les
désirs, à ton avis, ne doivent en rien être combattus, si l’on veut être tel qu’on doit être ; il faut au
contraire les laisser grandir autant que possible, les satisfaisant par tous les moyens (…).
C – Telle est en effet mon affirmation.
S – On a donc tort de prétendre que ceux qui n’ont pas de désirs sont heureux.
C – Oui, car à ce compte, il faudrait appeler heureux les pierres et les morts.
S – Cependant, cette vie même que tu nous dépeins est redoutable.
»
Platon, Gorgias
La liberté et la loi : dimension sociale et politique de l’hypothèse de la liberté totale
L’état de nature (≠ état civil ; ce terme désigne la situation –hypothétique– d’une société
dépourvue....
»
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