La liberté est-elle le pouvoir d'agir sans motifs ?
Extrait du document
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INTRODUCTION.
— Le sens commun, suivi sur ce point par certains philosophes, n'en doute pas : l'homme peut
exécuter certains actes par la seule raison qu'il le veut, par exemple lever la main, évoquer une image inattendue...
Ce serait même là la prérogative essentielle de la liberté, qu'on pourrait par conséquent définir comme le pouvoir de
se décider sans motif.
Cette conception est-elle acceptable ?
A.
Nous répondons sans hésiter par la négative.
La liberté n'est pas le pouvoir de se décider sans motif.
Cette
réponse se fonde d'abord sur l'expérience.
Analysons les faits apportés à l'appui de la conception populaire de la
liberté; nous trouverons toujours une raison de l'acte qu'on dit accompli sans raison, en particulier dans les cas
apportés par les partisans de cette conception, qui agissent dans le but de prouver leur thèse.
Mais l'argument essentiel est d'ordre rationnel : un acte sans motif n'aurait pas de raison suffisante et violerait ainsi
un principe universel et nécessaire.
B.
La liberté est, au contraire, le pouvoir de se décider pour des motifs : Les choses sont déterminées par des
causes : les animaux, par des mobiles : seul l'homme peut se déterminer par des motifs ou des raisons, et alors
seulement il est libre.
Consultons notre expérience : nous ne nous sentons jamais plus libres que lorsque nous avons une conscience
parfaitement nette des motifs de notre action.
Ce sentiment n'est pas aveugle et implique une conception fort rationnelle de l'activité humaine.
Agir librement
consiste à agir par soi-même, sans subir la pression d'une force extérieure : qu'on songe à la chute d'un corps en
chute libre, au mouvement d'une roue libre.
Or, un acte libre de l'homme est celui dans lequel c'est ce qui le fait
homme, la raison, qui agit librement, sans être gêné, non seulement par les contraintes physiques qui peuvent
s'exercer sur ses membres, mais aussi par l'impulsion d'une affectivité étrangère à la raison.
C.
Il nous reste à écarter une objection : si la liberté consiste à agir pour des motifs, ce sont les motifs qui nous
déterminent et nous ne faisons jamais de ces choix qui 'semblent constituer l'essentiel de la liberté.
Nous le reconnaissons, si nous nous plaçons au niveau des motifs, nous nous déterminons toujours pour le motif le
plus fort et, si l'on veut, c'est le motif qui nous détermine sans qu'il y ait de possibilité de choix.
Mais nous ne sommes pas naturellement au niveau des motifs : il faut nous y élever.
Quand nous nous laissons aller
à nous-mêmes, nous sommes menés par les mobiles, c'est-à-dire par l'attrait que les choses exercent sur nous.
Nous ne sommes amenés à tenir compte des motifs ou des raisons que par un effort de volonté qui doit être
renouvelé sans cesse.
L'acte libre consiste précisément à choisir entre l'ordre des mobiles et celui des motifs.
On ne
peut pas dire que ces derniers sont nécessairement plus forts : ils le sont pour celui qui s'est déjà élevé au niveau
rationnel, pour celui qui a fait son option; pour celui qui reste au niveau du sensible, aucune raison ne prévaut
contre le moindre des attraits qu'il éprouve.
Ainsi, quoique conçue comme déterminée par les motifs, la liberté implique un pouvoir de choisir qui passe pour lui
être essentiel.
CONCLUSION.
— En définitive, la liberté est une conséquence du pouvoir de nous élever de l'individuel et du
sensible à l'universel et au rationnel.
Ainsi comprise, la liberté ne s'oppose ni au principe du déterminisme fondé sur
le principe.
de raison suffisante, ni à l'expérience que nous avons de pouvoir choisir : nous agissons librement
lorsque nous substituions le déterminisme des motifs à celui des mobiles..
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