La liberté est-elle d'abord la reconnaissance de la nécessité?
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«
VOCABULAIRE:
NÉCESSITÉ: Caractère de ce qui ne peut pas ne pas être.
Une proposition est nécessaire quand elle est
rigoureusement démontrée, qu'on ne peut la refuser; synonyme: apodictique; contraire: contingent.
Liberté:
Contre le sens commun, qui définit la liberté par la possibilité de l'assouvissement des désirs, Kant montre qu'il n'y a
de liberté que dans l'autonomie, c'est-à-dire l'obéissance à la loi morale, qui, issue de la raison, assure notre
indépendance à l'égard de tout motif extérieur et pathologique.
La liberté est alors non pas tant un fait qu'une exigence dont l'homme doit se montrer digne.
Pour les philosophies de la nécessité, comme la philosophie stoïcienne, ou le spinozisme, l'homme n'est qu'un
élément du cosmos, une petite partie de la Nature déterminée par l'ensemble, un simple rouage dans la machine du
monde.
La science moderne n'enrichit-elle pas de preuves précises cette philosophie du déterminisme universel? Une
lecture biologique, psychologique, sociologique du comportement humain paraît en expulser toute contingence.
La
biologie ne rend-elle pas compte de tous nos gestes par le jeu des échanges chimiques, l'action des hormones? La
psychanalyse n'éclaire-t-elle pas nos comportements les plus mystérieux à partir des « complexes » que les
circonstances de notre enfance ont, à notre insu, noués dans notre psychisme? La sociologie retrouvera à la source
de nos actes les déterminations de notre éducation, de notre classe sociale, etc.
Cependant, des philosophies comme le stoïcisme, le spinozisme, nous offrent un moyen de convertir en liberté cette
nécessité inéluctable.
Pour être libre il suffit de consentir à la nécessité, de dire oui à la succession inévitable des
causes et des effets.
Les stoïciens faisaient consister la liberté dans l'obéissance à la divine nécessité.
« Parere Deo
est libertas.
» Adopter de bon coeur le déterminisme inéluctable c'est être libre.
Ce que Rousseau nous demandait à
l'égard de la loi civile, faisons-le devant les lois du cosmos : « L'obéissance à
la loi qu'on s'est prescrite est liberté.
»
On oppose communément la liberté à la loi.
Se soumettre à la loi, ce serait ne
pas ou ne plus être libre.
Mais n'obéir à aucune loi, serait-ce être libre ? Mais
il faut s'entendre sur le terme liberté et sur le terme loi..
Il y a un premier sens du mot libre qui est négatif : être libre c'est ne pas être
empêché de faire ce qu'on a envie de faire.
On emploie le terme libre dans ce
sens à propos des choses comme à propos des hommes : retirer d'un chemin
les arbres qui font obstruction, c'est libérer le passage, ne pas retenir un
oiseau dans sa cage, c'est le laisser libre de s'envoler, ne pas empêcher
quelqu'un de s'étendre sur le gazon d'un jardin public, c'est le laisser libre de
le faire.
Toute loi comporte des interdictions.
Dès lors toute loi réfrène la
liberté, prise en ce sens négatif.
C'est le seul sens que Hobbes donne au mot
liberté.
Selon Hobbes, dans l'état de nature, chacun est empêché à tout
moment, dans ses mouvements et ses entreprises, par autrui qui est
virtuellement son ennemi.
Mais les lois d'un Etat - institué en vue justement
de mettre fin à cet état de guerre qu'est l'état de nature - empêchent les
individus de se nuire les uns aux autres.
L'autre sens du mot liberté n'est réservé qu'à l'homme, et caractérise ce que
Kant appelle l'autonomie : obéir, à la loi dont on est, en tant qu'être
raisonnable, l'auteur, ou encore, obéir à sa propre raison.
Obéir à sa raison,
c'est être pleinement responsable de sa conduite.
Etre libre, c'est s'obliger soi-même à une conduite raisonnable,
s'interdire certains débordements, en un mot c'est obéir à la loi qu'on s'est prescrite.
La loi peut s'entendre ici dans un sens moral, comme dans un sens politique.
Autrement dit, les obligations
auxquelles on se soumet volontairement et librement (alors qu'on subit bon gré malgré une contrainte) sont morales,
ou bien civiques.
C'est dans ce sens-ci d'obligation civique que Rousseau l'entend d'abord.
Rousseau dans le Contrat
Social jette les bases d'un Etat dont les lois constituent des obligations et non des contraintes : car c'est le peuple
souverain, plus exactement la volonté générale (selon la règle de la majorité) qui décide des lois.
Ainsi chacun
d'entre nous, en tant que citoyen, est libre parce qu'il se soumet aux lois dont il est l'auteur, en tant que membre
de la volonté générale.
L'obéissance
au
seul
appétit est esclavage et
l'obéissance à la loi qu'on
s'est prescrite est liberté.
(Du Contrat Social)
La liberté ne consiste pas à suivre nos désirs.
Elle
n'est pas dans l'absence de contraintes mais dans
le libre choix des contraintes que l'on se donne à
soi-même.
On peut appliquer cette idée au peuple.
Un peuple libre est celui qui se donne à lui-même
ses propres lois, ce qui définit la démocratie.
Analysons, chez Spinoza, le mécanisme de cette conversion de la nécessité en liberté.
Être libre ce serait pour
Spinoza être la cause adéquate de ses actes.
Or, nous ne sommes pas spontanément la cause entière de nos
actes.
Nous sommes des êtres finis et faibles dans la nature, et nous sommes d'abord esclaves, c'est-à-dire que
nos actes expriment notre peur de tout ce qui nous menace, bien avant de refléter nos volontés.
La joie qui exprime
l'accroissement de notre pouvoir est plus rare dans la vie que la tristesse qui reflète la diminution de notre.
»
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