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La liberté d'expression peut-elle menacer l'ordre public?

Extrait du document

« Certains hommes politiques jouent sur la peur du désordre, soigneusement entretenue, pour tenter de restreindre telle ou telle forme de liberté.

Bien entendu, dans le discours apparent, la liberté, comme la sécurité, reste une valeur de référence – mais la pratique effective est bien différente.

Le cas le plus extrême d'une telle attitude est celui des dictatures, où le culte de l'ordre sert à justifier l'atteinte aux libertés les plus élémentaires, dont la liberté d'expression.

Par-delà les faux-semblants, une question très réelle se pose : la liberté d'expression constitue-t-elle réellement une menace pour l'ordre public ? La thèse selon laquelle la liberté d'expression représente une menace pour l'ordre public peut être explicitée de la façon suivante.

Une telle liberté conduit les hommes à rendre manifestes leurs désaccords éventuels avec le gouvernement qui, par les mesures qu'il prend, s'efforce d'assurer l'ordre public.

La « publicité » ainsi faite aux désaccords est un facteur de trouble, car elle tend à détruire la confiance des citoyens envers le gouvernement, voire à les inciter à la révolte, à la subversion.

C'est, à terme, l'ordre public qui est aussi menacé. Un tel raisonnement procède de plusieurs présupposés.

Le premier consiste à poser que l'ordre est une fin en soi, en tout cas supérieure à la liberté d'expression.

Le deuxième réside dans l'identification de l'ordre public à un certain ordre, imposé ou maintenu par un gouvernement donné.

Le troisième est que la libre expression du pluralisme (des avis, des opinions, des points de vue) entraînerait ipso facto l'affaiblissement du pouvoir et, partant, de l'ordre (ce troisième présupposé s'articule, comme on le voit, au deuxième). Afin de répondre à la question initiale, il convient donc d'examiner chacun de ces présupposés, et d'en apprécier la valeur, réelle ou supposée. Introduction La liberté d'expression est à ranger au nombre des critères principaux permettant de distinguer les États démocratiques des États totalitaires ou dictatoriaux.

Tous les ans, Amnesty Internationale publie un compte rendu du statut des journalistes dans les différents pays du monde.

Pourtant, la liberté d'expression ne se limite pas là : elle concerne chacun d'entre nous, dans son quotidien.

Risque-t-on d'être inquiété pour avoir dit ou écrit quelque chose ? Pourtant, assimiler trop vite la liberté d'expression au problème des États totalitaires, c'est aussi biaiser le problème et le supposer déjà résolu, puisqu'en fin de compte, même dans les États qui se targuent de prôner la liberté d'expression, la diffamation est condamnée par la justice, les insultes raciales ou sexistes sont punies par là loi.

Comment définir alors ce qui constitue une liberté et ce qui constitue une menace ? La limite n'est pas si nette qu'elle peut paraitre.

A partir de quel moment la liberté d'expression menace-t-elle l'ordre public ? en quoi le garantit-elle ? Et faut-il restreindre la liberté d'expression sous prétexte qu'elle menace l'ordre publique ? N'est-ce pas là sa principale fonction ? I. La liberté d'expression menace effectivement l'ordre public, car elle a un pouvoir contestataire. Il faudrait être démagogue ou ignorer ce que peut signifier la liberté d'expression pour dire qu'elle ne menace pas l'ordre publique.

Celle-ci ne se limite pas en effet à pouvoir dire ce que l'on pense d'une mesure gouvernementale à son voisin de palier sans risquer d'être inquiété par les autorités, ni même d'avoir le droit de publier des critiques en sa qualité de journaliste.

L'exemple des manifestations nous montre avec une évidence certaine que la liberté d'expression menace l'ordre publique.

Même en considérant les altercations ou violences qui s'y produisent parfois comme des déviances qui ne relèvent pas en propre de la manifestation, on voit que le simple rassemblement en masse, aussi pacifique soit-il, suppose que l'ordre public soit chamboulé.

Les rues doivent être bloquées, ou du moins fermées à la circulation, l'accès aux magasins n'est plus possible.

Les grèves nous montrent de manière plus évidente encore que la liberté d'expression menace effectivement l'ordre public. C'est pourquoi l'un des principaux soucis d'un pouvoir fort, c'est de maintenir cet ordre public dont sa survie dépend, et de canaliser ce genre de manifestation.

Hobbes, dans le chapitre 29 du Léviathan, en exposant les principales sources d'affaiblissement et de dissolution de l'État y cite, en deuxième place, le droit des citoyens de porter un jugement sur ce que le Léviathan (= le pouvoir, l'État) commande.

Il ne faut pas, selon lui, donner la possibilité aux citoyens de remettre en question les lois et décrets du Souverain. Tout en en tirant des conclusions bien différentes, Bourdieu, dans son article intitulé « Décrire et prescrire » explique que selon lui l'action politique commence lorsqu'il est possible de décrire d'autres ordres que l'ordre établit. Le simple fait donc de « décrire « - activité qui semble pourtant objective et neutre – revient à prescrire, c'est-àdire que même un écrit utopique, ou la simple description de la conception du pouvoir chez nos voisins constitue un acte de subversion de l'ordre actuel, puisque par ce geste de description, on met en évidence que l'ordre actuel est contingent, et non pas naturel.

Chez Bourdieu, la liberté d'expression menace effectivement l'ordre public, et constitue l'essence même de toute action politique.

Reste que c'est là justement son principal intérêt, et que c'est donc loin de constituer un défaut. Transition : dire que la liberté d'expression menace l'ordre public, ce n'est donc pas nécessairement une critique qu'on lui adresse, mais cela peut bien au contraire être une définition de son principe et de sa fonction.

Et c'est de cela que l'on tient compte lorsqu'on essaie de trouver un juste milieu permettant à la fois de conserver la liberté d'expression et de conserver l'ordre public.. »

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