La liberté de penser consiste-t-elle à penser ce que l'on veut ?
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«
[Introduction]
Si on entend par liberté de penser la faculté de donner libre cours à sa pensée, alors il peut paraître étonnant d'y
voir une limite possible : pourquoi pourrions-nous ne pas penser ce que nous voulons ? L'expérience nous donne à
voir cependant que certaines pensées sont condamnables, voire dangereuses.
À y regarder de plus près, on
constate même le danger qu'il pourrait y avoir à penser et peut-être même à préméditer une idéologie destructrice.
Autrement dit, tout doit-il pouvoir être objet de pensée, à ce point qu'aucune pensée ne pourrait être qualifiée ni de
dangereuse, ni de nuisible ?
[I.
La liberté de penser consiste à penser ce que l'on veut]
En première analyse, si la volonté est interprétée comme faculté souveraine de décider, d'arrêter et de choisir, alors
oui, la liberté de penser consiste indéniablement à penser ce que l'on veut.
La liberté de penser est inaliénable chez
l'homme : le pouvoir peut arrêter l'acte, la parole mais pas la pensée.
Épicure disait qu'un prisonnier reste libre de
ses pensées.
La liberté de penser est donc sacrée, inviolable.
Mais qu'entendon par penser ? Descartes, dans sa deuxième Méditation métaphysique,
définit la pensée par la faculté de « douter, concevoir, affirmer, nier, vouloir,
ne pas vouloir, imaginer aussi et sentir ».
Si penser revient à vouloir, il est
donc logique que la liberté de penser consiste à penser ce que l'on veut.
En plus d'être un droit fondamental — « nul ne peut être inquiété pour ses
convictions et ses opinions », est-il inscrit dans la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen —, la liberté de penser est une garantie d'un bon
exercice de la volonté.
Être libre, c'est être maître de sa liberté.
Penser, c'est
contrôler ses pensées.
On comprend donc pourquoi penser ce que l'on veut,
penser ce que l'on choisit de penser, c'est immanquablement garantir sa
liberté de penser.
Du reste, c'est parce qu'elle est libre que la pensée est créative et plus
généralement facteur de progrès pour l'esprit humain.
Renoncer à penser,
c'est refuser d'honorer son humanité.
Contraindre la pensée, c'est entraver
toute possibilité de progrès pour l'esprit humain.
C'est avec Kant que l'on
comprend, dans son ouvrage Qu'est-ce que les Lumières ?, que la liberté de
penser est fondamentale pour garantir l'accès aux Lumières.
C'est par le libre
exercice de la pensée que les hommes peuvent sortir d'un état de tutelle
appelé aussi « minorité ».
Penser ce que l'on veut revient donc à décider de
donner libre cours à une pensée qui permettra à l'homme de s'éloigner
d'autant plus de l'état de nature.
[II.
La liberté de penser ne peut pas se réduire à penser ce que l'on veut]
Si la volonté est associée au désir, au caprice, alors il est évident qu'une liberté de penser entraîne avec elle le
risque et le danger d'une pensée mal maîtrisée ou mal intentionnée.
Réfléchissons : si la liberté de penser se définit
véritablement par la pensée de ce que l'on veut, alors, en droit, rien ne m'interdirait de penser le mal, de le désirer,
de le vouloir, de le préméditer et finalement de l'organiser.
Si toute pensée était libre, alors un tyran n'aurait rien à
se reprocher : tel est ici l'enjeu de la publicisation d'une pensée malsaine, au travers notamment de sa publication.
Sous prétexte d'une liberté de penser, est-on en droit de penser le mal, le massacre et l'extermination, dans le
cadre d'un projet politique par exemple ? L'enjeu est donc celui de l'articulation de la liberté et de la sécurité : plus il
y a de liberté et moins il y a de sécurité.
Pourtant il n'est pas vrai non plus que l'on puisse sacrifier la liberté au nom
de la sécurité.
Plus près de nous, l'exemple des sectes nous donne à réfléchir à l'égard de la liberté de penser.
Penser ce que l'on
veut est une chose, l'imposer aux autres en est une autre.
De manière générale, on mesure bien le danger qu'il y a à
autoriser toute pensée à délirer et à divulguer son délire.
La pensée, lorsqu'elle est publique, est comme l'acte : elle
doit tomber sous le coup de la loi.
La loi n'est pas nécessairement juridique, elle peut être aussi morale.
Ce sont les
religions qui condamnent les « mauvaises pensées ».
Le croyant risque de tomber sous le coup de la faute s'il
confond liberté et licence, pensée de l'autre et convoitise de l'autre.
La religion soumet donc la liberté de penser à
un droit de regard du confesseur.
Dans la religion catholique par exemple, la mauvaise pensée est appelée «péché »,
exactement au même titre que l'action et que l'omission, lorsqu'elles sont dénaturées.
L'aspect moral d'une limitation de la pensée débouche sur la culpabilité lorsqu'une mauvaise pensée est entretenue
avec délice dans le secret d'une interdiction transgressée.
Sous le regard de Dieu, il serait donc possible de se
compromettre en faisant un usage libre de notre pensée.
Pourtant, la spiritualité est parfois considérée elle-même
comme l'illustration d'une pensée à ce point libre qu'elle va jusqu'à inventer une instance divine supérieure (cf.
Nietzsche)..
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