La libération passe t-elle par le refus de l'inconscience?
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Introduction
Depuis la naissance de la psychanalyse, il est courant de penser que l'inconscient détermine nos actions de part à part.
Ce n'est pas ce
que Freud pensait ; mais cette opinion commune pose tout de même le problème suivant : comment utiliser les ressources de
l'inconscience pour favoriser la libération de l'être humain ? Faut-il refuser l'inconscience pour promouvoir une suprématie de la
conscience comme condition de toute liberté ? Mais comment la conscience pourrait s'affranchir d'une inconscience fondamentale,
nécessaire à la vie humaine ? Et si elle ne le peut pas, quelle libération peut-on concevoir face à l'irréductibilité de l'inconscience ?
I La conscience comme objet de la volonté : Descartes et Spinoza
-Descartes : le cogito (Discours de la méthode) permet de fonder la certitude de mon existence et
fournit une base certaine pour l'édification de la science humaine.
La forme du cogito est la
conscience, dès lors dressée comme valeur suprême, car ses qualités de clarté et de distinction
permettent à l'homme de se débarrasser des préjugés dont il a hérité par la tradition.
La libération
de l'entendement se fait donc par la liberté de la volonté, qui se porte vers une effort de
conscience de soi (le cogito), et provoque une rupture dans la chaîne des déterminations
inconscientes, notamment celles de nos préjugés.
-Spinoza : cependant, il n'est pas sûr que cette volonté soit libre en elle-même, comme le pense
Descartes.
Dès lors, la libération de l'entendement humain se fera par la compréhension des
déterminations de la volonté humaine : c'est ce que dit Spinoza dans l' Ethique.
Se libérer consiste
donc à comprendre en quoi nous sommes inconsciemment déterminés par nos affects, nos
passions.
Selon Spinoza, cette conscience de notre absence de liberté provoque une libération de
l'homme, qui participe ainsi à la puissance divine, par la compréhension de ses déterminations.
II Nécessité
Nietzsche
de prendre en compte l'irréductibilité de l'inconscience : Freud et
-Freud : le problème que Freud va exposer est que contrairement à ce que pense Spinoza, le fait
de mettre à jour de façon consciente nos déterminations inconscientes ne supprime pas cette
inconscience de la détermination qui nous constitue.
L'inconscience ne peut être éliminée : le
conscient n'est qu'une instance de régulation
de la vie fondamentale psychique
inconsciente(L'Interprétation des rêves).
Donc refuser toute prise en compte définitive de l'inconscience, c'est s'enfermer dans l'illusion
de liberté de la conscience, et ne pas se donner les conditions d'une véritable libération.
-Nietzsche va aller plus loin, en signalant la nécessité de mettre en avant le rôle de l'inconscient pour libérer les puissances de vie
humaines.
Ainsi, dans La Généalogie de la morale, Nietzsche souligne le rôle positif de l'oubli comme retour du conscient vers
l'inconscient.
Ceci permet à l'organisme humain ne pas fixer son énergie vitale sur les difficultés rencontrées dans l'existence, de ne
pas surinvestir ses forces dans ces obstacles, et d'éviter ainsi d'affaiblir sa puissance naturelle.
L'oubli comme force positive
d'inconscience est donc la condition d'une libération des puissances de vie enfermées dans la mémoire consciente et ses passions
tristes, le regret, le ressentiment, la rancune…
III Au-delà de l'opposition conscience/inconscience : la conscience comme libération de l'inconscient : Bergson et
Breton
-Bergson articule cette critique fondamentale que l'inconscient exerce sur la pseudo-suprématie de la
conscience en renversant la relation : c'est la conscience qui va être dérivée de l'inconscient ( Matière
et mémoire).
La conscience a une fonction sélective par rapport à l'inconscient : elle vient achever la
vie inconsciente psychique en la révélant à la conscience humaine, mais la renouvelle et la relance
par-là même.
Refuser l'inconscience, ce serait donc refuser également la conscience et son origine.
Et à l'inverse, mettre en avant la conscience en sa réelle nature que précise Bergson, c'est offrir la
possibilité d'un dynamisme vital de notre vie inconsciente, réactualisée par les états de conscience.
-En définitive, la libération de l'homme passe au contraire par une volonté d'explorer l'inconscient, à
l'opposé d'un refus de cette part obscure de l'existence.
Cette exploration, certains artistes ont pu la
mener à bien, comme Breton dans le mouvement surréaliste ( Les Champs magnétiques ).
A travers
des procédés littéraires (l'écriture automatique), psychologiques (l'hypnose), ou chimiques (drogues),
il s'agit de pousser nos possibilités inconscientes le plus loin possible : libération par l'extension des
possibilités inconscientes donc, mais aussi libération par la prise de conscience qui provient de ses
expériences inconscientes.
Conclusion
-Refuser l'inconscience, c'est condamner l'existence à une libération factice, un sentiment illusoire de
liberté que nous fournit spontanément la conscience.
-L'alternative conscience/inconscience n'est pas exclusive (soit tout l'un, soit tout l'autre) : il est possible de ne pas refuser
l'inconscience tout en maintenant l'utilité décisive de la conscience humaine.
-Dès lors, le sentiment de liberté que nous fournit la conscience ne peut être légitime que s'il est le signe d'une libération plus profonde,
celle de l'inconscience.
Pour cela, la conscience doit être comprise à travers son rôle de sélection de la vie inconsciente fondamentale,
qu'elle contribue à renouveler..
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