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La justice sociale est-elle incompatible avec la liberté ?

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« Cette question peut surprendre aux premiers abords, pourquoi en effet la justice sociale serait incompatible avec la liberté, pourquoi une juste répartition des richesses et des mérites nuirait à la liberté ? L'égalité des conditions nuitelle forcément à la liberté, au sens où la justice empêcherait la libre expression des individus, leur volonté de se développer, d'entreprendre, de créer, de se différencier.

L'égalité sociale entraînerait un sacrifice individuel pour le bien supposé de tous ou le partage des richesses acquises individuellement au profit de tous.

Aussi, il faut réfléchir à la possibilité d'une justice sociale compatible avec une certaine liberté, ou plutôt à l'heure du libéralisme, comment maintenir une justice sociale à l'heure de la liberté économique et morale ? 1) Les origines de la justice sociale. En rappelant, dans Les Deux Sources de la morale et de la religion, que « la justice a toujours évoqué les idées d'égalité, de proportion, de compensation », Bergson se soutenait d'une tradition qui prend sa source dans l'Antiquité.

La justice dans la cité est, en effet, la préoccupation majeure de Platon.

Pour l'auteur de la République, chacun doit, dans la cité, exercer un seul devoir, celui pour lequel la nature l'à le mieux doué.

« Exercice par chacun de la tâche qui lui incombe », la justice exclut que l'on se mêle des affaires d'autrui, en confondant les statuts et les fonctions.

On retrouve chez Aristote cette représentation de la totalité sociale, harmonieuse et ordonnée, comme indissociable de la justice.

Mais Éthique à Nicomaque introduit, à propos de ce que doit être une répartition équilibrée et équitable, raisonnée et raisonnable, fonction du mérite et proportionnée aux valeurs, une série de précisions qui procèdent de la fameuse distinction entre justice distributive, justice corrective et justice commutative.

La justice qui préside à la distribution des honneurs et des richesses se fonde sur une égalité proportionnelle entre les personnes et les biens, non sur une égalité arithmétique, comme dans le cas de la justice corrective.

Elle ne peut être que controversée, car la discrimination entre les personnes selon le mérite est une opération politique, l'importance accordée à la naissance, à la vertu, à la richesse différant selon les régimes.

La réciprocité qui est au principe de la justice commutative intéresse principalement les transactions économiques et les compensations justes, c'est-à-dire l'échange qui ne requiert pas la présence d'un tiers, juge ou responsable politique.

Une fois posé que le juste nous fait nous conformer aux lois et à l'égalité, tandis que l'injuste nous entraîne dans l'illégalité et l'inégalité ; et opposé ce qui est susceptible, par l'action de l'homme juste, de sauvegarder le bonheur de la communauté politique à la cupidité de l'homme injuste, qui veut posséder plus qu'il ne lui est dû, on aperçoit que la décision de prendre en compte les ambiguïtés associées à la compréhension commune de la justice n'est pas sans conséquences.

Aristote envisage « l'ordre de mérite des parties prenantes », mais il observe que l'on ne s'accorde pas communément sur la nature de ce mérite.

Aussi bien, après avoir établi que le juste est une proportion, un milieu entre les extrêmes, examine-t-il (E.N., V, 10) les rapports de la justice avec l'équité, pour relever que leurs caractères ne sont pas tout à fait identiques.

Ce qui est équitable étant supérieur au juste envisagé en particulier, l'équité apparaît préférable en ce qu'elle est une amélioration du juste selon la loi dont elle corrige l'imparfaite généralité.

Aussi, les premières réflexions sur la justice ne traitent pas encore de la liberté mais visent seulement à la juste répartition des richesses et des mérites. 2) La justice sociale et l'égalité priment sur la liberté. Avec le développement de la révolution industrielle, on ne peut se contenter de dire, comme Adam Smith, que liberté économique et égalité économique iront de pair.

Avec l'avènement d'une société sécularisée, on ne peut plus faire de la pauvreté un effet de la Providence ; de nouveaux rapports sociaux se mettent en place qu'il faut mieux ajuster dans un souci d'équité.

Les inégalités doivent être diminuées en frappant les fortunes non gagnées, mais la liberté individuelle ne sera pas bornée.

Au moyen de l'éducation et du contrôle des naissances, le sort des plus défavorisés sera amélioré, sans que l'on en vienne à faire des pauvres des assistés par la philanthropie et la charité. On s'appliquera au total à concilier équité, justice sociale et efficacité économique.

Stuart Mill en poursuivant l'œuvre de Bentham et prolongeant l'eudémonisme de la morale platonicienne, il rompait cependant avec une conception purement égoïste de l'utilité et en appelait au sacrifice des intérêts particuliers : « Les utilitaristes doivent toujours revendiquer la morale du dévouement personnel [...].

La morale utilitariste reconnaît à l'être humain le pouvoir de faire, pour le bien d'autrui, le plus large sacrifice de son bien propre [...].

Le bonheur que les utilitaristes ont adopté comme critère de la moralité de la conduite n'est pas le bonheur personnel d'un agent mais celui de tous les individus.

» Réalisation de soi et bonheur du plus grand nombre se trouvaient ainsi combinés dans une morale utilitaire et désintéressée.

On comprend aussi que la liberté individuelle est en partie sacrifiée au profit d'une certaine justice sociale qui s'exprime sous l'idée du bonheur de tous.

Aussi, l'égalité sociale dominant, il a fallu trouver un juste équilibre entre justice et liberté. 3) La priorité donnée à la liberté. Le défi normatif que relève Rawls avec son monumental ouvrage Théorie de la justice (1971), est de découvrir les principes de justice que devrait adopter toute société « juste » ou « bien ordonnée », la question institutionnelle venant ensuite.

Pour Rawls, l'objet d'une théorie de la justice est de déterminer la « structure de base de la société », c'est-à-dire la manière dont les institutions - juridiques, politiques et économiques - doivent attribuer les droits individuels et répartir les fruits de la coopération sociale.

Contrairement à l'utilitarisme, qui définit le juste par rapport à une conception particulière du bien - à savoir la maximisation de l'utilité globale -, la théorie rawlsienne se veut purement procédurale.

La première partie de l'ouvrage fournit alors une première formulation des deux principes. »

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