La justice se ramène-t-elle au droit ?
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Réduite à l'immanence, condition de sa réalisation effective, la justice devient soit art à l?exercice du politique ou de l'expert juriste, soit se retranche dans une idéalité pure et transcendante. Ainsi en va-t-il chez Kant pour qui l'idéal de justice propre à la volonté bonne soumise par devoir aux impératifs de la raison pratique ne saurait jamais être attesté de son actualisation en la réalité mondaine ; tandis que, du côté de l?empirisme juridique, la politique procède de manière casuiste. Cependant à cela peut être opposé que malgré l'irréductibilité du relativisme dans l?ordre humain du droit, il n'en reste pas moins que la justice peut subsister dans sa transcendance comme idéal régulateur dont certaines propriétés formulent alors le droit comme universalité. La conjoncture politique concrétisant la justice par et dans l'exercice ou l'application du droit consiste en une instanciation de son idéalité.
II. Le droit finalité
La transition d?une conception de la relation de la justice au droit selon une dynamique instrumentale à la dimension synthétique de la subsomption de la justice en le droit comme processus de son effectuation se réalise avec Hegel. Dans ces leçons sur l'histoire, où est constatée l'impuissance propre à l'abstraction formelle de la pensée kantienne (l'idéal jamais n'attestant de sa réalisation en le monde, et restant, par-là même pure fonction régulatrice), Hegel détermine le droit comme concrétisation pratique et réelle de la justice individuelle, vertu intérieure de l'homme moral. Dans le droit exprimant en le monde la justice de l'intériorité, l'individu se reconnaît pour alors participer du monde devenu monde éthique. La justice se ramène au droit en tant que sans ce rapport de subsomption, elle resterait inefficace : le rapport de réduction de la justice au droit est la condition de son effectivité. Cependant, la relation de nécessaire subsomption constitutive de la réalisation de la justice et qui s'ensuit du constat de l'impuissance de l'idéalité abstraite conduit à renier une dimension également constitutive de la notion de justice : sa transcendance ou, pour parler en des termes plus explicites, l?irréductible sentiment du divin consacré par le décret dernier.
«
La relation de la justice au droit forme le thème de cet énoncé.
Mais il s'agit, plus précisément, de commencer par déterminer la nature
propre de la justice.
La justice est, dès les théorisations éthiques et politiques platoniciennes, définie comme une vertu cardinale de
l'homme.
Et par l'homme, vivant en communauté (l'animal politique d'Aristote), elle se trouve mise en œuvre sur le champ politique.
Opérant sur le plan politique, le droit se présente alors comme instrument médiatisant son effectivité.
Le problème porte dès lors sur la teneur ou l'identité caractéristique de la relation (entre justice et droit).
Car présenté sous son aspect
dynamique de médiatisation instrumentale (du droit par la justice), la relation donne à penser le processus d'immanentisation d'une
vertu, autrement dit comme le devenir-pratique d'une valeur (la justice) ; mais ceci tend à omettre l'ambivalence constitutive de
l'expression “ se ramener à ”.
En effet, une telle expression peut tant donner à penser la relation entre justice et droit comme passage ou
médiation nécessaire – ceci préservant une certaine dimension de transcendance à la notion de justice – que comme rapport de réduction
de la justice au droit, ou de subsomption de la justice par le droit – où le processus, compris dans sa stricte immanence, aboli la
transcendance de la justice.
Le développement de la problématique peut donc être structuré par cette alternative relationnelle comme constitutive des enjeux
fondamentaux supposés par l'énoncé : premièrement, tenter de déterminer l'instrumentalisation du transcendant dans le cadre d'une
acception de la notion de droit comme moyen ; pour ensuite, dans un second temps, l'opposer à l'immanence d'un droit devenu finalité
de la justice, ou encore, d'une justice réduite au droit.
I.
Le doit médium
Dans l'Ethique à Nicomaque d'Aristote, la justice dans sa caractérisation politique est définie selon deux
traits principaux : la distribution et la rétribution.
Distribution et rétribution peuvent être distinguée
dans leur rapport à un idéal d'égalité entre homme d'une communauté libre comme sa mise en œuvre
préventive (distribution signifiant alors égale répartition) ou corrective (rétribution indiquant ainsi la
rémunération équitable a posteriori).
Correction et prévention sont les opérations du droit comme
effectuation de la justice rétributive et distributive.
Mais ladite actualisation de la justice par le droit, c'est-à-dire l'articulation de ces notions selon une
relation d'instrumentalisation en laquelle la justice passe par le droit, s'inscrit par définition dans un
cadre politique.
Or un tel cadre ou domaine d'application de la justice contraint son idéalité à
s'adapter, autrement dit à se relativiser à l'ordre conventionnel propre à telle société.
En conséquence,
la justice dans sa relation au droit déterminé par le mode du moyen, ou encore de la médiatisation en
vue de son effectivité propre, entachée de relativisme, est alors contrainte de renoncer à la
transcendance de son idéalité notionnelle.
Réduite à l'immanence, condition de sa réalisation effective, la justice devient soit art à l'exercice du
politique ou de l'expert juriste, soit se retranche dans une idéalité pure et transcendante.
Ainsi en vat-il chez Kant pour qui l'idéal de justice propre à la volonté bonne soumise par devoir aux impératifs
de la raison pratique ne saurait jamais être attesté de son actualisation en la réalité mondaine ;
tandis que, du côté de l'empirisme juridique, la politique procède de manière casuiste.
Cependant à
cela peut être opposé que malgré l'irréductibilité du relativisme dans l'ordre humain du droit, il n'en
reste pas moins que la justice peut subsister dans sa transcendance comme idéal régulateur dont
certaines propriétés formulent alors le droit comme universalité.
La conjoncture politique concrétisant
la justice par et dans l'exercice ou l'application du droit consiste en une instanciation de son idéalité.
II.
Le droit finalité
La transition d'une conception de la relation de la justice au droit selon une dynamique instrumentale à la dimension synthétique de la
subsomption de la justice en le droit comme processus de son effectuation se réalise avec Hegel.
Dans ces leçons sur l'histoire, où est
constatée l'impuissance propre à l'abstraction formelle de la pensée kantienne (l'idéal jamais n'attestant de sa réalisation en le monde, et
restant, par-là même pure fonction régulatrice), Hegel détermine le droit comme concrétisation pratique et réelle de la justice individuelle,
vertu intérieure de l'homme moral.
Dans le droit exprimant en le monde la justice de l'intériorité, l'individu se reconnaît pour alors
participer du monde devenu monde éthique.
La justice se ramène au droit en tant que sans ce rapport de subsomption, elle resterait
inefficace : le rapport de réduction de la justice au droit est la condition de son effectivité.
Cependant, la relation de nécessaire subsomption constitutive de la réalisation de la justice et qui s'ensuit du constat de l'impuissance de
l'idéalité abstraite conduit à renier une dimension également constitutive de la notion de justice : sa transcendance ou, pour parler en des
termes plus explicites, l'irréductible sentiment du divin consacré par le décret dernier.
Une part de l'insondable nécessité caractéristique du
procès de la décision nécessaire de la divinité mettant alors en jeu la notion de vérité est reléguée par une conception de la relation entre
droit et justice selon le mouvement dialectique de réduction (de la justice au droit).
Cet insondable, préservé par la doctrine morale
kantienne, est constitutive de la notion de justice dans la théorisation augustinienne (La Cité de Dieu) où, en dernière instance, seule la
grâce, comme exercice de la justice divine, décide du salut de l'âme.
Hors de tout droit(s) humain(s), toujours trop humain, seul règne
alors la Loi.
Conclusion
-
Dans le développement de l'alternative proposé dès l'entame, la justice se ramène nécessairement au droit, que cela soit comme
à un idéal régulateur mais non constitutif ou bien comme procession de l'idéalité de la justice se réalisant concrètement dans le monde
humain.
Aussi se trouvent dès lors conciliées les deux sphères d'apparence réciproquement étrangères, voire exclusive (l'idéalité de la
justice et le droit pragmatique).
Une justice sans droit n'a pas de bras.
Reste en suspens la valeur accordée à la puissance de son
bras, et ce en relation à son détenteur (voir la réflexion sur la Loi comme expression de la justice divine)..
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