La guerre a-t-elle un sens ?
Extrait du document
«
Dans ce sujet, il s'agit de savoir si la guerre est dénuée de sens ou si on peut lui assigner une rationalité interne,
voire une finalité, un but.
Le mot sens doit, de ce point de vue, être examiné et vous pouvez noter qu'il y a deux
interprétations possibles.
Le sens, c'est d'abord la direction, l'orientation.
Mais c'est également la signification.
Le
sujet gravite finalement autour de ces deux dimensions.
La guerre n'est-elle, comme le dit Von Clausewitz " la
continuation de la politique par d'autres moyens " ? La guerre n'est-elle pas une sorte de ruse de la raison pour
établir rapidement un progrès ? La guerre ne révèle-t-elle que la méchanceté des hommes et leur incapacité à vivre
en harmonie et en paix ?
1° La guerre est absurde, elle est le mal radical
Vous pouvez soutenir, à l'instar d'Alain, que la guerre est une éclipse complète de la justice, car elle fait disparaître
tous les rapports juridiques et éthiques.
2° La guerre n'est absurde qu'en apparence
Il est possible de reprendre la thèse majeure de l'ouvrage de Hegel, la raison dans l'histoire, selon laquelle toute
guerre, quelles que soient les atrocités qui y sont commises, est justifiée par un dessein secret de la raison.
Cette
dernière use en effet paradoxalement des guerres comme d'un outil pour créer un ordre politique rationnel entre les
hommes.
Développez l'idée d'une apparente absurdité de l'Histoire avec le texte d'Hegel ci-dessous.
Lorsque nous considérons ce spectacle des passions et les conséquences de
leur déchaînement, lorsque nous voyons la déraison s'associer non seulement
aux passions, mais aussi et surtout aux bonnes intentions et aux fins
légitimes, lorsque l'histoire nous met devant les yeux le mal, l'iniquité, la ruine
des empires les plus florissants qu'ait produits le génie humain, lorsque nous
entendons avec pitié les lamentations sans nom des individus, nous ne
pouvons qu'être remplis de tristesse à la pensée de la caducité en général.
Et
étant donné que ces ruines ne sont pas seulement l'oeuvre de la nature, mais
encore de la volonté humaine, le spectacle de l'histoire risque à la fin de
provoquer une affliction morale et une révolte de l'esprit du bien, si tant est
qu'un tel esprit existe en nous.
On peut transformer ce bilan en un tableau
des plus terrifiants, sans aucune exagération oratoire, rien qu'en relatant
avec exactitude les malheurs infligés à la vertu, l'innocence, aux peuples et
aux Etats et à leurs plus beaux échantillons.
On en arrive à une douleur
profonde, inconsolable que rien ne saurait apaiser.
Pour la rendre supportable
ou pour nous arracher à son emprise, nous nous disons: Il en a été ainsi;
c'est le destin; on n'y peut rien changer; et fuyant la tristesse de cette
douloureuse réflexion, nous nous retirons dans nos affaires, nos buts et nos
intérêts présents, bref, dans l'égoïsme qui, sur la rive tranquille, jouit en
sûreté du spectacle lointain de la masse confuse des ruines.
»
HEGEL
1) Le spectacle de l'histoire provoque un triple mouvement de désolation, qui conduit de la tristesse à l'affliction
pour atteindre la douleur profonde.
Hegel dépeint avec minutie ces étapes.
2) Se réfugier dans l'égoïsme (nos affaires, nos buts, nos intérêts) est une solution possible pour échapper à cette
réflexion née de la contemplation des ruines du passé.
1.
Le premier mouvement de tout ce passage marqué par l'emphase oratoire (et la répétition des « lorsque nous »)
débouche sur la tristesse que nous, observateurs associés à Hegel, ne pouvons manquer d'éprouver « à la pensée
de la caducité en général ».
Certes , ayant le recul des observateurs qui regardent de loin la suite des événements humains, « nous considérons
» ce qui apparaît comme un spectacle.
Ayant le réalisme des observateurs, nous sommes capables de comprendre
les mécanismes qui font réellement agir les hommes.
Ici, pas de place à l'entendement, mais le champ est laissé libre
aux passions ; pas de mesure, mais le déchaînement.
Alors que la raison s'oppose à la passion (et la freine, sinon l'enchaîne), l'histoire nous montre l'association de la
déraison (la folie) et la passion.
Ce qui, somme toute, va de soi.
Mais, plus fou encore, ce qui est bien (les bonnes
intentions, les fins légitimes) est perverti par la déraison : ce sont les bonnes intentions et les fins légitimes qui
produisent le mal et l'illégal.
Tout à l'heure nous devinions les hommes dans la multiplicité de leurs actions
individuelles, maintenant, c'est l'histoire abstraite qui commande et nous considère comme des spectateurs («
l'histoire nous met devant les yeux »).
Les personnages du théâtre deviennent des entités : le mal, la corruption des
moeurs (« l'iniquité »).
Le décor : la ruine des empires.
L'histoire, avec ses ruines, est toujours plus forte que
l'homme avec ses empires.
Enfin nous entendons les plaintes bruyantes (« les lamentations ») des individus qui
pleurent sur la ruine de leurs cités, tout comme Jérémie pleurait sur la destruction de Jérusalem par les Chaldéens.
La contagion des cris de douleur, présents ici-même (« nous l'entendons »), est plus forte que le spectacle.
Nousmêmes ne pouvons « qu'être remplis de tristesse ».
C'est le moment de la réflexion, nourrie des mouvements
précédents, exprimant la pensée la plus générale : tout menace d'être ruiné.
Cette « pensée de la caducité en
général » reprend de manière laïque « la vanité des vanités, tout est vanité » de L'Ecclésiaste.
Le second mouvement nous conduit à l'affliction morale.
Il désigne les acteurs de l'histoire, d'une part la nature,.
»
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