La franchise
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La franchise.
Sujet à relier aux idées morales connues sur le mensonge, et sur la sincérité.
Mais à appuyer sur une analyse directe
des attitudes, pour délimiter les deux idées de franchise et de sincérité.
Plan.
— Introduction.
— L'homme se traduit par la parole et par tous ses comportements, et il est capable de
conduire ou de maîtriser ces réactions expressives.
La franchise est la forme générale d'une expression de soi qui ne
veut tenir compte d'aucune considération étrangère à soi.
I.
Elle est donc d'abord, et essentiellement, attitude vis-à-vis d'autrui, la tendance à traduire librement et
ouvertement nos opinions sur les choses ou sur nous-même.
A) Elle ne se confond pas avec la volonté ou l'amour du vrai, recherche objective de ce qui est ; elle vise seulement
l'expression de ce que nous savons de nous-même.
C'est dire ce que l'on pense, découvrir ce que l'on croit.
B) Mais ceci est à préciser encore.
Car elle ne se confond pas non plus avec la sincérité, qui est une volonté de se
traduire exactement, et qui cherche profondément la signification de soi-même et de ses sentiments.
La franchise
est plutôt : dire ce que l'on croit avoir à dire.
Ainsi elle intéresse surtout les individualités dans leurs rapports, et non le rapport de l'homme à ce qui est.
Elle ne
porte pas sur les faits en eux-mêmes (il n'est pas question de franchise, s'il s'agit de faire le récit d'un événement) ;
elle porte sur les opinions et les jugements en tant qu'on les exprime à un interlocuteur (par ex.
: un tel demande à
son médecin d'être franc).
II — Sous cette définition générale, découvrir ce que l'on est ou ce que l'on croit avoir à dire, on graduera
diverses attitudes :
A) Laisser paraître ou exposer ses sentiments ou ses actes, en tant qu'ils peuvent être objet du jugement d'autrui
(l'âne des Animaux malades de la peste).
B) Exposer les opinions que l'on vous demande, ou que l'on vous force à exposer (cas du médecin que l'on
interroge).
C) Laisser paraître ou exposer à d'autres les sentiments que l'on a pour eux, ou exposer tout ce que l'on pense
(Alceste).
III.
— De là les problèmes que pose moralement la franchise.
A) Dans le premier cas, du point de vue d'une utilité étroite, on taxerait l'homme de naïveté ; mais moralement il
faut approuver et admirer.
B) Le second cas peut soulever quelques scrupules ; on y penchera pourtant plutôt pour la franchise.
C) C'est le troisième cas qui pose vraiment les cas de conscience.
Il faut, d'ailleurs bien caractériser les situations :
la franchise de l'Auvergnat chez Labiche ne fait que traduire un manque de savoir-vivre ; chez Alceste, c'est une
éducation morale qui sacrifie la politesse à la vérité.
IV.
— On arrive ainsi au point critique : la franchise a-t-elle droit à se mettre en opposition avec d'autres
valeurs morales ?
A) Écarter d'abord les fausses difficultés : si on prétend qu'il faut faire de la dissimulation une arme contre d'autres
dissimulations, cercle infernal qui voudrait justifier la rupture de toute société humaine.
De môme, si la politesse
n'est qu'une complaisance ou une concession à l'usage, Alceste a raison.
B) Mais si la politesse exprime la bienveillance humaine ou la courtoisie, le conflit devient réel, car c'est tout le prix
de la sociabilité qui vient en jeu.
Seulement les circonstances sont infiniment variées et le paradoxe tient à ce que
mon attitude devra toujours dépendre du caractère ou des sentiments d'autrui (la franchise du médecin peut tuer
ce malade, et recréer l'énergie de cet autre).
Conclusion.
— La franchise fait la dignité de l'homme, parce que dans l'ensemble elle est condition de la vie sociale
et si elle doit s'effacer, c'est encore pour mieux assurer la vie sociale vraie..
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