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La Forclusion

Extrait du document

« Bienfaits et pièges des anciens II faut lire les ouvrages des Anciens, parce qu'il y a pour nous un immense avantage à pouvoir utiliser les travaux de tant d'hommes, aussi bien pour connaître ce qui jadis a été découvert de bon, que pour savoir aussi ce qui reste ensuite à trouver dans toutes les sciences.

Toutefois il est bien à craindre que certaines erreurs, provenant d'une lecture trop assidue de leurs ouvrages, ne s'introduisent complètement en nous, malgré tous nos efforts et toutes nos précautions.

Les auteurs sont en effet naturellement enclins, chaque fois que par une aveugle crédulité ils se sont laissé prendre à quelque opinion controversée, à vouloir toujours nous amener à leur conclusion par les arguments les plus subtils ; tandis qu'au contraire, chaque fois qu'ils ont eu le bonheur de trouver quelque chose de certain et d'évident, ils ne le développent jamais qu'avec toutes sortes de détours, par crainte sans doute que la simplicité de la preuve ne diminue l'importance de l'invention, ou même parce qu'ils nous refusent jalousement la vérité toute claire.

DESCARTES, Règles pour la direction de l'esprit (1628), règle III. Comment lire sans être trompé ? Actualité des anciens Puisque la philosophie est composée d'une très abondante bibliothèque, la question se pose de savoir par où en commencer l'exploration.

Pour qui prétend s'initier à l'activité philosophique, la tentation peut consister à négliger les textes anciens, sous pré¬texte de penser en accord avec l'état présent des choses ou de la société.

Descartes affirme au contraire qu'il faut lire les anciens, pour y apprendre ce qu'ils ont découvert, et s'inspirer de leurs méthodes, ainsi que pour prendre conscience de ce qu'il reste à découvrir. Mais il faut fréquenter ces textes avec méfiance, car ils peuvent déterminer des jugements mal fondés.

En effet, l'ambition de chaque auteur à énoncer la vérité peut l'avoir amené à développer des arguments fallacieux afin de mieux persuader le lecteur, qui risque ainsi de se faire piéger par des théories erronées. Ne pas refuser les vérités simples. En outre, Descartes déplore que, trop souvent, une vérité simple se trouve présentée avec des arguments complexes, comme si les anciens avaient craint qu'elle ne puisse être prise au sérieux sans être accompagnée d'analyses subtiles qui finissent par en masquer le véritable caractère.

De façon plus générale, on devrait même admettre que des propositions élémentaires paraissent insipides au lecteur, qui les jugerait sans intérêt dès lors qu'elles ne lui seraient pas présentées avec une parure capable de les rendre impressionnantes.

Les torts se trouvent ainsi partagés: à des auteurs soucieux de briller par l'importance de leurs découvertes répondraient des lecteurs eux-mêmes en attente de révélations rares. L'avertissement de Descartes conserve toute sa valeur: un texte philosophique ne doit pas sa portée à son obscurité, et l'élève ne peut pas négliger un texte sous prétexte qu'il lui paraît s'en tenir à des analyses faciles à suivre.. »

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