La foi religieuse exclut-elle tout recours à la raison ?
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RAPPEL DE COURS: FOI & RAISON
Comme son étymologie (le latin fides) l'indique, la foi est «
confiance » : le fidèle (littéralement « celui qui a la foi ») s'en remet
à Dieu parce qu'il se sait borné, fini, et que Dieu est puissance infinie.
La foi est alors une conviction qui engage tout l'individu, une
adhésion totale à ce qui reste pour lui un mystère indéchiffrable et
qui peut être vécue, comme l'a montré Kierkegaard, dans l'angoisse.
Se pose alors le problème des rapports entre la foi et la raison
c'est-à-dire entre la religion et la philosophie.
L'acte de foi a rapport
à des vérités jugées essentielles, mais mystérieuses, situées au-delà
de ce que la raison peut saisir, et qui sont l'objet d'une révélation et
non d'une compréhension.
Pascal les appelait, pour les distinguer des
vérités de raison, des « vérités du cœur ».
Est-ce à dire que les deux domaines de la foi et de la raison sont
totalement séparés ? Les rapports entre la philosophie et la religion
ont toujours été complexes.
Dès le Moyen Âge, certains philosophes
théologiens (Anselme de Canterbury, Thomas d'Aquin...) ont affirmé
le principe d'une collaboration entre la foi et la raison en cherchant à
mettre la philosophie « au service de la théologie ».
Mais il reste que
du point de vue religieux,
« c'est incontestablement sur la faiblesse de la raison que se fonde
la nécessité de la foi.
Les religieux peuvent ainsi voir un risque de
profanation dans la prétention de la philosophie à discourir sur Dieu,
sur l'origine du monde ou sur l'âme, qui relèvent des mystères de la
révélation.
Inversement, la philosophie a eu à secouer le joug que les
siècles religieux du Moyen Âge ont fait peser sur elle, et à
revendiquer son autonomie, c'est-à-dire le droit de la raison à
réfléchir librement, sans être limitée ni contrainte par les dogmes
religieux.
Si la philosophie se prétend discours rationnel, n'est-il pas un peu surprenant que de nombreux philosophes aient
cherché à fonder la foi en prouvant (rationnellement de leur point de vue) l'existence de Dieu ? Cela doit nous inviter
à ne pas répondre trop schématiquement à la question, en prenant des relations entre croyance et raison une vue
plus subtile que celle qui affirme brutalement une opposition définitive entre l'irrationalité de la croyance et la
rationalité.
Historiquement, la philosophie ne s'est en effet pas privée de vouloir rationaliser la croyance (pour que cette
dernière n'apparaisse pas comme un domaine étranger à la pensée normale ou normée).
On peut rappeler quelques
exemples célèbres.
— Saint Anselme (le titre même de son ouvrage en indique bien le projet: Fides quaerens intellectum) entend
prouver que seul celui qui affirme « Dieu existe» est bien du côté de la raison; à l'inverse, celui qui affirmerait Dieu
n'existe pas» est un véritable «insensé insensé»: il n'a pas le sens commun, est hors de la raison.
— Saint Thomas, avec ses cinq «Voies» vers Dieu qui dérivent de l'argumentation d'Aristote à propos du «premier
moteur immobile», élabore des raisonnements, fondés sur différents concepts philosophiques (moteur, cause
efficiente, degré dans l'être, etc.) qui veulent établir que Dieu doit nécessairement être admis pour peu que l'on se
préoccupe de la cohérence rationnelle de la pensée.
— Descartes lui-même cherche à montrer que l'analyse, toujours rationnelle, du concept de Dieu, oblige à constater
qu'il existe nécessairement (argument ontologique)..
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