La « fin de l'Histoire » chez HEGEL
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«
La « fin de l'Histoire » chez HEGEL
Là commence donc la « fin de l'Histoire », de cette histoire qui est le fondement et le matériau du système.
Fin
de l'Histoire ? À son propos, signalons deux contresens qu'il importe d'éviter si l'on veut entendre correctement
l'hégélianisme.
Le premier concerne le jugement politique de Hegel : la « réussite » de l'Allemagne comme
moment de pacification administrant les acquisitions de la Réforme, de 1'Aufklarung, de la Révolution française
et de l'Empire napoléonien, signifierait que l'Allemagne de l'époque incarne pleinement l'État rationnel ou qu'elle
a pour mission, à l'exclusion de toute autre nation, de le réaliser dans un proche avenir.
Il n'en est rien : la
nation allemande accomplit – à son tour – sa mission: elle devra bientôt céder la place à quelque autre, si l'on
en croit cette règle de la philosophie hégélienne de l'Histoire qui assigne à chaque nation de jouer un rôle et un
seul dans le devenir des hommes.
Comme l'Empire napoléonien, la Prusse sera remplacée par quelque nation
plus dynamique, jusqu'à ce que, dans le désordre des guerres, s'instaure l'État universel, c'est-à-dire mondial.
Celui-ci, toutefois, ne sera pas fondamentalement différent, dans son principe, dans son mode d'organisation,
dans son projet de ce que recèle confusément l'État prussien : il y aura un monarque, doué du pouvoir de
décision, un corps de fonctionnaires chargé de déterminer l'intérêt général et des « états » représentant les
intérêts particuliers.
À quelle autre nation Hegel pensait-il pour incarner les «progrès» à venir? Aucune conjecture, à cet égard, ne paraît
sérieuse.
Le second contresens porte sur la signification « ontologique » de la formule : fin de l'Histoire.
On peut, en effet, interpréter celle-ci
comme abolition du temps.
L'eschatologie chrétienne admet, certes, que le temps, qui est une créature, a un commencement et une fin
et qu'au moment venu, il n'y aura plus de temps.
Une semblable ontologie n'a aucun sens dans la conception hégélienne.
L'Etre (=
l'Esprit), qui est devenir, ne saurait être supprimé.
L'humanité continuera de devenir; mais, au sein de l'État mondial, elle n'« évoluera »
plus, en ce sens qu'elle ne créera plus rien de nouveau, qu'elle sera dans la pleine positivité et qu'elle vivra dans une société
intégralement transparente.
Ce que sera une telle existence, il est également impossible de l'imaginer.
A.
Kojéve développe, à ce propos,
une séduisante fiction fondée sur l'interprétation du « snobisme » japonais.
Quoi qu'il en soit, l'État moderne achève l'Histoire, de même que la Science conclut la Pensée.
L'homme sait, désormais, tout ce qu'il y a
à savoir et, par conséquent, très exactement, ce qu'il a à vouloir.
Dans les Leçons sur la Philosophie de l'Histoire, Hegel précise :
« Nous n'avons fait que considérer ce développement du concept, ayant dû renoncer à l'agrément de décrire de plus près le bonheur, les
périodes de floraison des peuples, la beauté et la grandeur des individus, l'intérêt de leur destinée dans la douleur et la joie.
La
Philosophie n'a affaire qu'à l'éclat de l'Idée qui se reflète dans l'Histoire universelle.
Lassée des agitations suscitées par les passions
immédiates dans la réalité, la Philosophie s'en dégage pour se livrer à la contemplation; son intérêt consiste à reconnaître le cours du
développement de l'Idée qui se réalise et certes de l'Idée de liberté qui n'est qu'en tant que conscience de la Liberté.
« Que l'Histoire universelle est le cours de ce développement et le devenir réel de l'Esprit sous le spectacle changeant de ses histoires —
c'est là la véritable Théodicée, la justification de Dieu dans l'Histoire.
C'est cette lumière seulement qui peut réconcilier l'Esprit avec
l'Histoire universelle et la réalité à savoir que ce qui est arrivé et quotidiennement arrive non seulement n'est pas en dehors de Dieu mais
encore essentiellement son oeuvre propre.
»
HEGEL (Friedrich-Georg-Wilhelm).
Né à Stuttgart en 1770, mort à Berlin en 1831.
Il fit des études de théologie et de philosophie à Tübingen, où il eut pour condisciples Hölderlin et Schelling.
Il fut précepteur à Berne de
1793 à 1796, puis à Francfort de 1797 à 1800.
En 1801, il devient privat-dozent à l'Université d'Iéna puis, les événements militaires
interrompirent son enseigne- ment, et il rédigea une gazette de province.
En 1808, il fut nommé proviseur et professeur de philosophie au
lycée classique de Nuremberg.
De 1816 à 1818, il enseigna la philosophie à l'Université de Heidelberg ; enfin.
à Berlin, de 1818 à sa mort.
due à une épidémie de choléra.
Peu de philosophes ont eu une influence aussi considérable que celle qu'exerça Hegel.
Peu aussi furent
plus systématiques dans l'expression de leur pensée.
L'idéalisme hégélien part d'une conception de la totalité.
Le Tout est l'unité des
opposés, la non-contradiction.
Mais la réalité est contradictoire, parce qu'elle est vivante, et vice versa.
L'étude du développement des
notions universelles qui déterminent la pensée, constitue la logique.
Réel et rationnel (la réalité est raisonnable et le raisonnable est
réel), être et pensée, se concilient dans l'idée, principe unique et universel.
L'idée, c'est l'unité de l'existence et du concept.
« Nous
réserverons l'expression Idée au concept objectif ou réel, et nous la distinguerons du concept lui-même, et plus encore de la simple
représentation.
» Le développement de l'Idée détermine l'être.
La science étudie ce développement la logique en précise les lois, qui sont
la contradiction et la conciliation des contraires.
Le mouvement de l'idée, qui se traduit par la marche de la pensée, procède par trois
étapes successives : la thèse, l'antithèse qui est sa proposition con- traire, et la synthèse, qui concilie les deux, les dépasse.« La
synthèse, qui concilie les opposés, ne les nie pas.» Ce mouvement de la pensée est la dialectique.
Le développement dialectique de
l'idée engendre la Nature (qui est le développe- ment du monde réel extérieur à l'idée) et l'Esprit ; il explique l'ordre et la suite nécessaire
des choses.
La philosophie de l'Esprit, selon Hegel, se divise en trois parties : l'esprit subjectif (anthropologie, phénoménologie,
psychologie), l'esprit objectif (droit, moralité, moeurs) et l'esprit absolu (art, religion, philosophie).
L'Esprit est l'intériorisation de la Nature.
On retrouve dans les trois notions d'Idée, de Nature et d'Esprit, le schéma parfait de la dialectique.
L'Idée est la pensée absolue, pure et
immatérielle.
La Nature est sa dissolution, dans l'es- pace et dans le temps.
L'Esprit est le retour de l'absolu sur lui-même ; il devient la
pensée existant pour elle-même.
Hegel définit l'histoire « le développement de l'esprit universel dans le temps ».
L'État représente alors
l'idée ; les individus ne sont que les accidents de sa substance.
Les guerres conduisent à la synthèse, qui est la réalisation de l'idée.
L'histoire a un sens dernier, auquel contribuent le passé et le présent.
Ce qui réussit est bien.
La force est le symbole du droit.
C'est
certainement par sa philosophie de l'histoire —« la philosophie est compréhension du devenir » — que Hegel a laissé libre cours aux plus
diverses interprétations.
L'hégélianisme de droite (représenté de nos jours par M.
H.
Niel) effectue un retour vers un théisme chrétien
traditionnel ; c'est le courant qui se développa surtout en Angleterre, avec Bradley et Boyce.
L'hégélianisme de gauche (que M.
A.
Kojève
représente actuellement) s'est orienté vers l'athéisme.
Il connut une grande faveur en Allemagne et en Russie, avec Feuerbach, Karl Marx
et A.
Herzen.
On peut dire que les chrétiens traditionnels, les athées, les conservateurs, les socialistes, les humanitaristes ou les
révolutionnaires se réclament tous de Hegel..
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