La féminité est-elle un artifice de la culture ou une différenciation naturelle ?
Extrait du document
«
La différence sexuelle peut-être thématisée sur une infinité de plan : biologique, psychanalytique, politique,
historique, sociologique,...
il nous semble que viser cette extension reviendrait à perdre en profondeur ; or refuser
de décliner le sujet selon ses implications régionales ne doit pas nous conduire à adopter un point de vue
synthétique qui lierait selon un dénominateur commun x l'ensemble des manières de décliner la différence des sexes.
Il faut nous garder autant de l'écueil de l'énumération exhaustive que de celui de la généralité.
Bien plutôt nous
faut-il transformer l'apparent embarras de la multiplicité des régions où s'éprouve la différence comme un champ
dont les différents moments se trouveraient logiquement liés et s'ouvrir les uns aux autres.
Il nous faut demander si
le fil rouge permettant de comprendre le déploiement de la différence sexuelle est lié à une détermination naturelle
ou culturelle.
I- La différence sexuelle est une réalité biologique.
La différenciation en mâle/femelle est la première détermination que reçoit l'individu d'une espèce donnée,
en soi le fait de la différenciation est essentiel à l'espèce (la reproduction exigeant le plus souvent la participation
de deux genres différents sauf dans des cas de parthénogenèse ou au niveau des organismes unicellulaires), mais
relativement à l'individu la différence est évidement accidentelle.
La différence des sexes se donne d'abord lors du
développement embryonnaire quand les cellules sexuelles se spécialisent en mâle ou femelle.
La fonction première, raison d'être, de la différence des sexes est la reproduction, la différence est donc le
moyen sur quoi se fonde la possibilité d'un continuum de l'espèce.
Dès lors qu'il y'a concours des différences doit on
encore réellement parler de différence, ne faut-il pas plutôt parler de complémentarité sexuelle plutôt que de
différence ? En effet la différence appelle l'opposition, l'exclusion, le même n'appelle pas son autre, le différend, mais
son semblable, or la « différence sexuelle » paraît plutôt appeler la communion dans l'acte de procréation, ici les
contraires ne se rejettent pas mais s'appellent, la compatibilité est compatibilité des différences non des semblables.
(cf un des mythes dans Le banquet qui définit l'amour comme la recherche de la moitié qu'on a perdu).
Or cette « compatibilité » même au niveau de la représentation biologique de la procréation est toute
relative.
Il est intéressant de voir qu'historiquement les mécanismes de la procréation nous sont restés obscurs
jusqu'à la fin du XIXe, l'importance accordée au rôle du mâle et de la femelle n'est apparu donc que très récemment,
si l'on se confronte aux représentations dans l'histoire de la biologie on s'aperçoit que le concours des différences
n'est jamais thématisé sur le mode de la communion, de l'arrangement adéquat, mais les représentations sont au
contraires toujours investies d'idées de valeur en soi accordées à chacun des sexes.
Ainsi chez Aristote le mâle
détient le principe formel, à la femelle échoue le principe matériel, ils sont tout deux des dérivés du sang,
simplement le principe femelle est moins cuit, c'est évidemment le principe mâle qui est le plus noble, il est le léger
(donc du côté du supralunaire), les menstrues étant matérielles.
On peut faire les mêmes conclusions à partir d'une
utopie de Comte qui, lui, pense la hiérarchie inverse.
Dans le Système de politique positive il invente l'utopie de la
vierge mère, la femme capable d'auto procréer.
Par stimulation électrique ou même d'elle-même en entrant en
transe, la femme serait capable d'exciter l'ovule de façon à ce qu'il se développe en embryon.
Le rôle du sperme est
donc présupposé n'être que de stimuler l'ovule qui seul devient un individu, et la femme pourrait donc s'en passer,
ce qui reviendrait à « réussir » une grossesse nerveuse.
La encore le sperme est un principe formel, il n'empêche
qu'il est destitué, il n'a plus de valeur que relative, on peut s'en passer.
Finalement on voit que ces conceptions
présupposent des rapports de forces, des relations hiérarchiques fondées en amont (Aristote hérite de la position
platonicienne qui affirme la supériorité ontologique du mâle) et on sent que l'utopie de Comte est déterminée
affectivement, en effet il la justifie de la façon suivante : la femme doit affirmer son autonomie dans l'acte de la
procréation afin de rester pure (et accessoirement d'être socialement indépendante).
II- C'est à l'individu de construire la façon dont il se différencie.
Ces déterminations affectives commandent donc des représentations biologiques lesquelles sont certes
depuis devenues de plus en plus lisses et neutres, mais cela ne doit pas nous abuser, l'important a été mis à jour :
la différence est avant tout une différence de valeur non une différence fonctionnelle.
On passe donc d'un plan
biologique à un plan existentiel, celui du vécu de la différence et de son investissement affectif.
Il faut renoncer à une vision statique de la distribution (le caractère mâle ou femelle comme déterminé une
fois pour toute dans l'embryogenèse) pour adopter une approche dynamique, laquelle est au fond commandée par la
statut de la différence en elle-même (Deleuze, in Différence et répétition I, « De la différence, il faut donc dire qu'on
la fait ou qu'elle se fait, comme dans l'expression « faire la différence ».
Cette différence ou LA détermination, est
aussi bien la cruauté.
») En effet il faut comprendre la différence comme ce qui s'écarte, diffère, (et c'est pourquoi
Deleuze peut parler de cruauté puisque ce qui s'écarte exclue cela dont il se sépare), la question devient donc :
comment se fait la différence sexuelle, comment s'actualise t'elle, comment s'affirme t'elle dans l'existence..
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