La faute et l'erreur
Extrait du document
«
Position de la question.
« Omnis peccans est ignorans, Personne n'est méchant volontairement, Qui commet une
faute le fait toujours par ignorance », ces formules qui ont eu cours chez les philosophes anciens, notamment chez
les Stoïciens, et que DESCARTES a, en partie, reprises lorsqu'il écrit au début du Discours de la Méthode : « Il suffit
de bien juger pour bien faire », identifient la faute et l'erreur.
Peut-on accepter cette thèse ?
I.
En quel sens la faute est une erreur.
Tout acte moral implique un jugement de valeur, une prise de position sur ce qui est bien et sur ce qui est mal.
En
un sens, l'acte immoral, la faute impliquent donc une erreur de jugement, puisqu'ils consistent à adopter, à faire
nôtre (donc, à traiter comme bonne) une conduite qui, en réalité, est mauvaise.
De fait, il est certain que bien des
pratiques, qu'en général nous réprouvons aujourd'hui comme immorales ou injustes : l'infériorisation de la femme, de
l'homme de couleur, des classes pauvres, l'ordalie ou la torture employées comme moyens d'enquête, etc.,
reposaient sur des préjugés, c'est-à-dire sur des jugements faux.
II.
Réserves à faire sur la thèse proposée.
La thèse selon laquelle toute faute est une erreur ne doit cependant pas être acceptée sans réserves.
Elle repose,
à vrai dire, sur un postulat commun aux doctrines stoïcienne et cartésienne, à savoir que le jugement — et
principalement l'assentiment qu'il enveloppe — dépend essentiellement de la volonté, laquelle est souveraine.
L'erreur, selon DESCARTES, vient de ce que cette volonté, qui est sans limites, tranche la question avant que notre
entendement soit pleinement éclairé, avant qu'il soit en possession d'une idée
claire et distincte de la vérité.
A.
— Remarquons d'abord qu'en admettant cette conception de l'erreur, on
pourrait aussi bien retourner la thèse que nous discutons et dire qu'au fond
toute erreur est une faute, puisque la volonté, au lieu de suspendre le
jugement comme elle le devrait en pareil cas, passe outre et tranche la
question prématurément.
L'erreur tient alors à la « précipitation s.
Mais la
précipitation n'est-elle pas un manque de patience, de probité intellectuelle
ou de courage dans la recherche de la vérité ?
B.
— Au reste, le postulat en question est lui-même discutable.
En admettant
même que toute faute repose sur un jugement faux, il faut bien reconnaître
que ce jugement est loin d'être toujours explicite et volontaire.
Nos
jugements ne dépendent pas de la volonté seule, mais d'une quantité de
facteurs : tendances, sentiments, passions, préjugés sociaux, etc., qui
souvent le troublent et le pervertissent.
C.
— Enfin, il y a des cas où nous voyons de façon suffisamment claire où est
le bion et où nous n'avons pas le courage de le faire.
Comme l'a dit le poète
latin Ovide dans un vers célèbre : « Je vois le bien et je l'approuve ; et
pourtant je fais le mal.
» Il y a des fautes qui sont, non pas des erreurs, mais
des lâchetés.
Conclusion.
Dans l'absolu, on peut dire que toute faute est une erreur, puisqu'elle affirme pratiquement un
jugement de valeur qui est faux.
Mais, en réalité et psychologiquement, nos fautes morales peuvent dépendre de
bien d'autres causes que d'une défaillance de l'intelligence..
»
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