La durée contre le temps ?
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Sujet 3720
La durée contre le temps ?
VOCABULAIRE:
Durée
• Alors que le temps, comme grandeur physique homogène et mesurable, se réduit à une suite discontinue
d'instants ponctuels, la durée est le temps subjectif, tel que nous le vivons, qui transcende toujours l'instant
ponctuel en empiétant sur le passé et sur l'avenir.
• Bergson montre ainsi que la durée, ou temps vécu, est hétérogène, continue et qualitative, contrairement au
temps physique, qui n'en est que la spatialisation abstraite pour les besoins de l'action.
TEMPS: Milieu indéfini et homogène, analogue à l'espace, dans lequel se déroulent les événements.
Temps objectif: Mouvement continu et irréversible (« flèche du temps ») par lequel le présent rejoint le passé.
Temps subjectif: Sentiment intérieur de la temporalité, telle qu'elle est vécue par le sujet (synonyme : durée).
INTRODUCTION.
— Si pour le vulgaire les termes de temps et de durée sont pratiquement synonymes, la
réflexion philosophique ne saurait se contenter d'une confusion qui rendrait impossible la résolution des
problèmes métaphysiques les plus importants, car elle équivaudrait, en dernière analyse, à se méprendre sur la
substance même de l'âme humaine.
Mais, si la distinction des termes s'impose, il est dangereux de se référer,
pour l'établir, à un dictionnaire de la langue courante, où l'on risque de trouver des définitions contraires à
celles de l'usage philosophique.
C'est ainsi que dans un dictionnaire très répandu, la notion du temps
mathématique étant tenue indûment à l'écart, on définit le temps comme une « durée limitée », et la durée
comme le « temps en général ».
Il nous faut un guide plus averti en ces matières.
Nous le trouverons en
BERGSON.
NOUS inspirant de son Essai sur les données immédiates de la, conscience, nous étudierons d'abord
la durée pure et le temps, avant de voir comment ces deux notions se fondent dans la notion de durée
concrète.
I.
— LA DURÉE PURE.
La durée désigne une « succession de changements qualitatifs qui se fondent sans aucun contour précis...
sans aucune parenté avec le nombre ».
[Données immédiates.) Essayons d'en analyser les principaux éléments:
A.
— La durée est succession et permanence.
La durée psychologique suppose un écoulement, une série de changements dans les affections, les pensées,
les volitions.
Il ne faudrait donc pas la confondre avec l'éternité qui se caractérise par son intemporalité, par le
fait qu'elle échappe au devenir.
Ce n'est pas ici le lieu de rechercher la raison métaphysique de ce mouvement
intérieur qui marque notre vie psychique, comme le mouvement externe marque notre vie physiologique.
Il suffit
de le définir.
Ce mouvement n'est pas une succession au sens où l'on dit qu'un nouveau roi succède au
monarque défunt.
Les changements qui nous ont affectés nous ont marqués et nous accompagnent toujours
par la mémoire vécue que nous en avons.
C'est dire que la succession que nous observons en nous n'est pas
dispersion.
C'est précisément le sentiment de la permanence de notre identité tout au long de notre vie qui
empêche de considérer les phénomènes qui nous ont touchés — ou plutôt les différents états d'âmes qui leur
correspondent — comme les perles d'un collier.
B.
— La durée pure échappe à la mesure.
Nos états de conscience, par leur nature propre, ne peuvent être mesurés.
En effet, on ne peut mesurer qu à
condition de pouvoir transporter un certain nombre de fois, et autant qu'il le faudra, l'étalon-unité dans un
milieu homogène.
Pour mesurer, par exemple, le sentiment de l'effort, il faudrait pouvoir transposer
rigoureusement des termes de conscience en termes d'espace.
Pour pouvoir mesurer la durée d'une sensation
(et non le temps d'application de l'excitant), il faudrait qu'il y ait, non pas simultanéité entre la cause physique
de la sensation et la sensation elle-même, mais identité.
Or, peut-on seulement parler de simultanéité en ce
domaine ? C'est encore abusivement qu'on emploie ce terme à propos de la durée pure : s'il y a simultanéité
pour l'observateur impartial qui remarque une coïncidence entre le stimulus et les manifestations physiologiques
et mimiques de la sensation, cette simultanéité ne compte pas pour le sujet que la sensation absorbe.
Cette
sensation, en aucun cas, ne saurait se réduire à sa traduction physiologique, et donc spatiale, car elle est une
réalité irréductible.
Plus le sujet est occupé par son présent psychologique, et moins il songe à l'écoulement
spatial des causes de ses sensations, moins, en d'autres termes, il songe à mesurer le temps.
Il est semblable
à ces joueurs de football ou à leurs supporters passionnés que le jeu captive et qui laissent à l'arbitre le soin
de regarder sa montre.
C.
La durée est intensive.
Si la durée échappe à la mesure, il est pourtant certain que nos états de conscience ne sont pas semblables.
Ils peuvent se caractériser par le plus ou le moins : par exemple, je me sens très fatigué, ou simplement un
peu las.
Ou plutôt, puisque le plus et le moins suggèrent presque fatalement des grandeurs extensives, disons
peut-être que nos états psychiques ne se différencient les uns des autres que qualitativement.
La sensation
d'être brûlé par un fer à repasser n'est pas sans doute deux ou trois fois plus grande que celle qui est.
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