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La diversité des systèmes de Morale est-elle compatible avec l'universalité de la morale ?

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« La diversité des systèmes de Morale est-elle compatible avec l'universalité de la morale? Position de la question.

Les systèmes de Morale édifiés par les philosophes sont très divers.

Les uns mettent l'accent sur l'idée de Devoir et sur l'aspect obligatoire de la Morale; les autres se fondent sur l'idée du Bien; d'autres encore font appel à un « instinct de vie », à un « élan vital » d'où ils prétendent dériver la moralité.

Les uns s'appuient sur toute une métaphysique; les autres, comme celui de KANT, s'efforcent de s'en affranchir, tout en faisant de la loi morale l'expression d'un « noumène » inconnaissable.

Les uns, enfin, sont d'inspiration rationaliste; les autres se présentent comme purement empiriques.

On peut donc se demander légitimement si cette diversité est compatible avec l'universalité de la Morale. I.

Rôle des systèmes. Pour pouvoir répondre à cette question, il faut d'abord bien comprendre quel est, en Morale, le rôle des systèmes. A.

— Lucien LévY-BRUHL a montré, dans La Morale et la science des moeurs, que les systèmes moraux sont toujours plus ou moins tributaires, au moins dans leurs applications pratiques, de la conscience morale commune de leur temps (Ouv.

cité, p.

35-41).

Certes, ils ne sont pas le simple reflet de la moralité courante : le philosophe interprète celle-ci selon ses conceptions propres; mais cette interprétation est toujours plus ou moins influencée par les idées régnantes. B.

— Il y a lieu toutefois de mettre l'accent, beaucoup plus que ne l'ont fait LévY-BRUHL et l'école sociologique, sur cet élément personnel de l'interprétation du philosophe.

Déjà la conscience courante fait parfois preuve de quelque indépendance à l'égard des règles de la morale courante.

A plus forte raison, la pensée philosophique, en tant que pensée réflexive, manifeste-t-elle vis-à-vis de ces règles une originalité propre qui explique aussi, en partie, la variabilité des systèmes. C.

— Ajoutons enfin que la moralité, tout en relevant surtout de la raison comme faculté rectrice de notre conduite, fait appel à tous les éléments de la spiritualité humaine : sentiments, volonté et même certaines tendances fondamentales.

Il n'est pas étonnant que le philosophe privilégie tantôt l'un, tantôt l'autre de ces éléments. II.

Variabilité et universalité. A.

— On aperçoit dès lors comment cette variabilité peut se concilier avec l'universalité de la morale.

A l'effort de spiritualisation déjà à l'ouvre dans le développement de la conscience, la pensée philosophique ajoute un effort de prise de conscience, de clarification, en même temps que de systématisation et de rationalisation.

Ce double effort n'aboutit pas, sans doute, à des règles immuables et codifiées une fois pour toutes.

Mais il tend vers la reconnaissance d'un ordre de valeurs universelles, et l'on peut constater, comme l'ont fait L.

LévY-BRUHL (ouv.

cité) et, avant lui, Victor BROCHARD, que, tout en différant sur les principes, les systèmes moraux se retrouvent souvent d'accord sur les applications pratiques : « A ne considérer que les conclusions auxquelles ils aboutissent, presque tout les systèmes de Morale sont d'accord, au moins sur l'essentiel.

L'homme de bien dont la Morale antique trace le portrait idéal n'est pas très éloigné de l'honnête homme tel que le conçoit le monde moderne, et celui qui se conformerait strictement aux préceptes de la Morale utilitaire ne serait pas, dans sa conduite, très différent du kantien le plus convaincu » (BROCHARD, Études de philos.

ancienne et de philos.

moderne, p.

506). — Toutefois, ces valeurs universelles tendent à se déterminer en fonction des exigences du milieu et du moment. Comme l'a écrit J.

MARITAIN (Autour de la nouvelle Déclaration universelle lies Droits de l'homme, p.

64), « nous comprenons alors comment un certain ordre idéal, enraciné dans la nature de l'homme et de la société humaine, peut imposer des exigences morales partout valables au monde de l'expérience, de l'histoire et du fait et fonder pour la conscience [ajoutons : et pour la réflexion philosophique] comme pour la loi écrite le principe permanent et les normes premières et universelles du droit et du devoir.

Nous comprenons du même coup comment la loi naturelle demande à se compléter, selon la variété des circonstances et des moments, par les dispositions contingentes de la loi humaine et comment la conscience que les groupes humains [et même les philosophes] prennent des obligations et des droits enveloppés dans la loi naturelle elle-même se développe lentement et péniblement en dépendance du degré d'évolution du groupe et, tout en étant sujette à toutes sortes d'obscurcissements, progresse en définitive au cours de l'histoire et n'aura jamais fini de s'enrichir et de se préciser ». Conclusion.

La diversité des systèmes de Morale est parfaitement compatible avec l'universalité de la morale, pourvu que celle-ci soit conçue sous une forme dynamique et non sous la forme de préceptes immuables et cristallisés.. »

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