La diversité des opinions conduit elle nécessairement au scepticisme?
Extrait du document
«
ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION
• Scepticisme.
« Vocabulaire de la philosophie » de Lalande.
Scepticisme : « Au sens le plus large, doctrine d'après laquelle l'esprit
humain ne peut atteindre avec certitude aucune vérité d'ordre général et spéculatif, ni même l'assurance qu 'une
proposition de ce genre est plus probable qu 'une autre.
»
• Si l'on prend le terme sceptique au sens strict, on peut dire que non.
Par exemple, le scientifique ne met pas sur le
même plan toutes les propositions qu'on peut lui émettre concernant sa recherche scientifique.
Mais il va tolérer,
non seulement en un sens passif mais en un sens actif l'expression de propositions diverses : il lui apparaît
nécessaire qu'il y ait débat, possibilité d'expressions diverses, pour que la recherche
scientifique puisse progresser.
Ceci implique, bien sûr, que le scientifique ne croit pas en une vérité absolue, définitive, des résultats de
l'investigation scientifique mais cela n'implique en aucune manière qu'il ne croit pas en un progrès de la recherche
scientifique.
Autrement dit la recherche même du débat, de l'expression d'idées diverses voire opposées (conçue comme
nécessaire au progrès de la science) implique une attitude d'une tolérance non condescendante sans pour autant
renvoyer à une attitude sceptique (qui, au sens strict, nierait la possibilité d'aucun progrès).
Le scepticisme est défini par Lalande comme : « La doctrine d'après laquelle l'esprit humain ne peut atteindre avec
certitude aucune vérité ».
L'esprit se déclare incapable d'affirmer ou de nier quoi que ce soit.
1° Scepticisme antique et doute cartésien.
On sait que les « Méditations » de Descartes commencent, elles aussi, par
l'exercice d'un doute absolu : Descartes rejette le témoignage des sens (en
rêve on croit voir, entendre, bouger et ce n'est qu'illusion).
Il rejette même
les vérités mathématiques (car il peut se faire qu'un « malin génie » toutpuissant s'amuse à me tromper dans toutes mes pensées).
Mais ce doute cartésien s'oppose radicalement au doute sceptique.
D'abord le
doute cartésien est provisoire (il prend fin lorsque Descartes s'aperçoit qu'il
peut douter de tout sauf du fait même qu'il pense et qu'il doute : et cette
évidence invincible : je pense donc je suis est une première vérité d'où bien
d'autre vont jaillir).
C'est un doute volontaire, un doute « feint », dit Descartes dont la fonction
est d'accoutumer « l'esprit à se détacher des sens » (« abducere mentem a
sensibus ») et même de tout objet de pensée pour révéler en sa pureté l'acte
même de penser.
Le doute cartésien a la valeur d'une pédagogie de l'ascèse
qui vise à nous délivrer provisoirement des pensées pour révéler que nous
avions l'esprit que nous sommes.
Le doute cartésien est méthodique (le malin
génie n'est lui-même qu'un « patin méthodologique » (Gouhier), c'est une
technique mise au service de la recherche du vrai.
Le doute cartésien est un doute optimiste et héroïque, un déblaiement
préalable qui précède la construction de l'édifice philosophique, une décision volontaire de faire table rase de toutes
les connaissances antérieures pour bâtir une philosophie nouvelle.
2° Les arguments des sceptiques grecs.
Tout au contraire, le scepticisme absolu des pyrrhoniens et de leurs disciples n'est pas un point de départ mais une
conclusion –la conclusion d'échec- au terme de l'aventure du savoir.
Enésidème avait groupé les arguments sous dix titres ou « tropes que Sexus Empiricus réduisit à cinq.
Il faut
connaître ces arguments qu'on retrouve chez Montaigne, chez Pascal et chez Anatole France.
(a) La contradiction des opinions.
Les sophistes grecs frappés par la contradiction des opinions des philosophes (par exemple : Héraclite disait que le
réel n'est que changement, alors que Parménide niait le changement) aboutissent à la conclusion pessimiste que la
vérité (qui devrait être universelle) est inaccessible.
Les sceptiques ont été parfois de grands voyageurs qui, à force
d'avoir vu les gens les plus divers professer des opinions contradictoires, adopter des valeurs différentes, ne croient
plus à rien.
Pyrrhon avait par exemple accompagné le conquérant Alexandre dans un grand nombre de ses
expéditions.
Montaigne avait visité l'Allemagne, l'Italie, mais avait surtout dans sa « librairie » voyagé parmi des
systèmes philosophiques innombrables et tous différents.
Pascal reprend les thèmes de Pyrrhon et de Montaigne :
« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
».
»
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