La diversité des langues remet-elle en cause l'universalité des pensées ?
Extrait du document
«
THÈMES DE RÉFLEXION
• Qu'est-ce qui peut amener à se poser cette question ?
— La linguistique structurale postule que toute langue est un système particulier.
Dire qu'une langue est un système
signifie que les signes n'y prennent de sens que par ce qui distingue chacun de tous les autres.
Un signe n'a pas de
valeur positive en lui-même mais par rapport aux autres signes, par rapport au système de différences qui constitue
chaque langue particulière (et qui est donc lui-même particulier).
— On peut facilement mesurer la réalité et l'importance de ceci par les difficultés de la traduction.
Il semble donc
résulter d'une analyse structurale une certaine incommunicabilité des langues.
— S'ensuit-il pour autant que la diversité des langues interdit l'universalité de la pensée ?
Pour affirmer cela, il faut poser quelque chose de supplémentaire, à savoir que la « pensée » n'existe que dans et
par le langage : si cela est, la pensée, étant entièrement dépendante de la structuration du langage, est
dépendante de telle ou telle langue et la diversité des langues semble bien s'opposer à l'universalité de la pensée.
A ce sujet il est certain que l'on peut démontrer une certaine détermination de la pensée par la langue dans la
mesure où les divers domaines de signification sont découpés de façon variable par les différentes langues, que cela
conduit dans une certaine mesure à « orienter » la pensée.
• Mais il faudrait encore prouver que la pensée n'existe que par et dans le langage et d'autre part que chaque
langue détermine entièrement les orientations et les articulations de la pensée.
— Ceci nous renvoie à la question : qu'est-ce que la pensée ? Et même à une interrogation plus simple mais
néanmoins importante ici : que peut-on penser sous le terme « pensée »? (Cf.
l'article pensée du Nouveau
vocabulaire des études philosophiques, Hachette.)
« 1) Tout ce qui est vécu par une conscience humaine; toute activité moment mentale d'un sujet : « Par le mot de
pensée, je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissants.
Ainsi
toutes les opérations de la volonté, de l'entendement, de l'imagination et des sens sont des pensées.
» (Descartes).
« 2) Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner qui st sensée caractériser l'homme par opposition
à l'animal; synonyme : entendement, raison.
»
- D'autre part est-il si assuré qu'une langue est un système de signes ? Cela est indubitablement vrai en ce qui
concerne le plan des phonèmes : toute langue, en ce sens, se définit à partir de l'opposition de traits articulatoires
pertinents à l'intérieur d'une structure.
Mais peut-on dire au niveau des termes significatifs de langage qu'il en va de même de façon assurée ? Un système
ne pourrait-il constituer une structure que si le nombre des éléments est déterminé de façon stricte (comme c'est le
cas pour les phonèmes)? Ne pourrait-on dire que le découpage d'une zone de signification ne paraît former une
structure que si l'on considère un état donné de telle ou telle langue et non le processus de formation continu des
langues ? Comment rendre compte de ce processus de formation ?
TRAITEMENT
Le langage, au sens strict, est une institution universelle et spécifique de l'humanité.
On oppose généralement le
langage, en tant que faculté ou aptitude à constituer un système de signes, à la langue qui est l'instrument de
communication propre à une communauté humaine : une langue est un ensemble institué de symboles verbaux
propres à un corps social, et susceptible d'être bien ou mal traduit.
Il s'agit ici d'étudier si la multiplicité de langue
peut permettre aux hommes de construire une pensée commune, de comprendre les mêmes idées.
De prime abord, il
semble que le mécanisme de la pensée soit universel.
Les langues ne sont-elles pas formées sur cette pensée
universelle? Ne sont-elles pas issues d'une même grammaire ? Pourtant une langue porte plus que des simples mots.
N'est-elle pas corrélative d'une manière de penser, d'une vision du monde? La traduction épuise-t-elle vraiment la
signification d'une langue? De plus, peut-on vraiment dire qu'il existe une universalité de la pensée? Si le langage est
pensée, n'existe-t-il beaucoup de pensées différentes? Est-ce un mal?
Le mécanisme de pensée est universel et les langues, fixées de manière arbitraire
Le sens du mot pensée est assez large et changeant.
Il désigne l'ensemble des phénomènes produits par l'action de
l'esprit.
Employé dans un sens plus ou moins large, ce terme renvoie tantôt à toutes les manifestations de la
conscience, tantôt aux seuls phénomènes de connaissance, par opposition aux sentiments et aux volontés.
La
pensée désigne donc un processus de l'intelligence et du cerveau.
Or, les hommes sont plus ou moins constitués de
la même manière et le processus au terme duquel naît la pensée, est identique chez tous les hommes.
"Tous les
hommes ayant une même lumière naturelle, ils semblent devoir tous avoir les mêmes notions." (Descartes, Lettre à
Mersenne) Dans la même optique, pour Kant, la logique, qui expose les règles formelles de toute pensée, d'a depuis
Aristote ni reculé ni progressé car elle est sûre et universelle.
Les mots ne venant qu'a posteriori ne peuvent
atteindre cette universalité du processus de la pensée.
De même pour Malebranche, la raison qui est en chacun de nous et de laquelle naissent nos pensées est une raison
universelle et qu'il n'y a pas de différence entre un chinois et lui.
"Je vois par exemple, que 2 fois 2 font quatre, et
qu'il faut préférer son ami à son chien, et je suis certain qu'il n'y a point d'homme au monde qui ne le puisse voir
aussi bien que moi.
[...] Car si la raison que je consulte n'était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident
que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois." (De la
recherche de la vérité)
« Il n'y a personne qui ne convienne que tous les hommes sont capables de connaître la vérité ; et les
philosophes même les moins éclairés demeurent d'accord que l'homme participe à une certaine Raison.
»
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