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La diversité des langues est-elle un obstacle à l'entente entre les hommes ?

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« VOCABULAIRE: OBSTACLE: Ce qui empêche ou retarde une action, une progression ; difficulté, empêchement. HOMME: Le plus évolué des êtres vivants, appartenant à la famille des hominidés et à l'espèce Homo sapiens (« homme sage »). • Traditionnellement défini comme « animal doué de raison », l'homme est aussi, selon Aristote, un « animal politique ».

Ce serait en effet pour qu'il puisse s'entendre avec ses semblables sur le bon, l'utile et le juste que la nature l'aurait pourvu du langage. Langue Une langue est un ensemble institué et stable de signes et de règles grammaticales que partage une communauté humaine donnée. [Introduction] Parmi les différences qui existent entre les sociétés humaines, l'une des plus immédiatement perceptibles concerne sans doute les langues : il suffit bien souvent de passer une frontière pour constater que la langue utilisée a changé.

Cela peut nous gêner pour les besoins élémentaires de la communication, car il est vrai qu'il n'est guère agréable de se trouver brutalement incapable de se faire comprendre.

Faut-il pour si peu considérer cette diversité comme l'indice ou le symbole d'une hétérogénéité des peuples eux-mêmes ? Cela reviendrait à admettre qu'une simple frontière linguistique témoigne d'une différence de nature entre deux peuples, et l'on devine qu'une telle conclusion risque d'être quand même excessive.

Car toutes les langues ne sont que les variantes d'une faculté de parler, ou du langage, qui, par-delà la diversité, pourrait être un des éléments caractéristiques de l'humanité dans son ensemble. [I.

Evidence de la diversité] La langue sert d'abord à communiquer, et c'est sans doute pourquoi, lorsque la communication devient impossible parce qu'un interlocuteur potentiel parle une langue différente, le sentiment de déception ou de frustration peut être intense : brutalement s'impose l'impression d'être réduit à l'impuissance.

Si toutefois cette impression peut être ressentie dans des rapports entre individus, on constate qu'elle est purement hypothétique si l'on s'intéresse à des relations entre peuples.

Il est clair en effet que, quelles que soient leurs langues, les peuples parviennent toujours à se comprendre.

Faute de quoi on serait obligé de penser que, par exemple, des conflits sérieux, des guerres, peuvent être provoqués par de simples différences de langues, ce qui semble, par chance, ne jamais avoir eu lieu dans l'histoire de l'humanité... La différence des langues n'est en effet qu'un élément parmi bien d'autres dans ce qui fait la différence des peuples, et cet élément n'est pas forcément le plus important (ou le plus lourd de conséquences), même s'il peut sembler le plus immédiatement perceptible. On doit aussi tenir compte des différences des moeurs, des religions, des coutumes, des organisations politiques, des idéologies et des mentalités — pourquoi pas, à un niveau plus anecdotique, de la différence des cuisines, des vêtements, des formes de politesse ? En d'autres termes, la différence des langues fait partie d'une différence plus générale, qui est celle des cultures. C'est bien pourquoi il semble difficile d'admettre que, sous prétexte de favoriser l'entente entre les peuples, on devrait élaborer une « langue universelle ».

Celle-ci, d'une part, ne ferait que favoriser une communication qui s'opère même en son absence, et d'autre part, ce qui est plus sérieux, elle briserait la relation existant entre langue et culture, faisant des peuples les utilisateurs d'une langue sans racines, utilisée à de seules fins de communication fonctionnelle mais incapable de véhiculer la « mémoire » de chaque peuple et entraînant de la sorte une perte d'identité collective.

Cette perte risquerait elle-même de mener à des réactions agressives, et l'on constate que, sous prétexte de faciliter l'entente comme communication, on empêcherait l'entente comme concorde entre tous les peuples. [II.

Les langues sont des variantes du langage] Malgré leur diversité évidente, les langues ont un point commun qui est également évident : elles ne sont que des formes variables du langage.

Elles affirment donc, à leur façon différenciée, qu'il existe dans tous les peuples une même capacité à parler, à user d'un mode symbolique pour dire le monde.

Or ce langage est un phénomène qui n'existe précisément que dans les peuples humains, et qui témoigne ainsi de l'appartenance de tous ces peuples à une même « espèce ». Cette différence entre le langage et les langues a suscité bien des hypothèses sur la formation de ces dernières — du mythe biblique de la tour de Babel aux affirmations de Rousseau sur le caractère plutôt « chantant » et harmonieux des langues du Sud qu'il opposait au caractère plus guttural des langues du Nord.

C'est également elle qui se trouve à l'origine des tentatives visant à recomposer une « unité » prétendue perdue de l'humanité, à travers la constitution d'une langue universelle.

En fait, l'« unité » est présente dès le fait du langage, et elle n'est pas perdue seulement sous prétexte qu'il existe des langues différentes. Si l'on compare, en effet, comme ont pu le faire un certain nombre de linguistes, la communication animale et la communication humaine, on peut par exemple mettre en valeur que cette dernière est la seule qui s'effectue grâce à un «système» (qui suppose l'existence d'un nombre constant d'unités entrant en composition dans tous les messages, et celle de règles également constantes selon lesquelles ces unités se combinent pour élaborer tous les messages possibles), alors que les animaux ne disposent que de « moyens » de communication.

On peut alors aussi bien montrer que la caractéristique fondamentale du langage réside dans la « double articulation », comme le fait André Martinet (tout message est décomposable en deux sortes d'unités : les monèmes, dotés d'une forme sonore et d'un sens, et les phonèmes, qui n'ont qu'une forme sonore), ou que ce qui distingue le langage humain des communications animales, c'est que la réponse à la réception d'un message s'y effectue par un message de même nature, ou encore que le langage articulé, tel qu'il existe chez l'homme, est indépendant des situations concrètes et a la capacité d'évoquer ce qui n'est pas là.

On peut aussi insister, plus philosophiquement, sur la coprésence du langage et de la pensée – comme le faisait Descartes –, ou sur la constitution d'un ordre symbolique auquel le langage, et lui seul, donne accès.

Dans tous les cas, le langage est affirmé comme une propriété de l'homme et de lui seul.. »

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