La divergence d'opinion implique t-elle qu'il n'y a aucune vérité ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
VÉRITÉ
La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.
Elle se définit traditionnellement
comme l'adéquation entre le réel et le discours.
Qualité d'une proposition en accord avec son objet.
La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord
de l'esprit avec ses propres conventions.
La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements,
l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.
On distinguera soigneusement la réalité qui
concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement.
Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.
La vérité ou la fausseté
qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.
La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du
jugement vrai.
Opinion
Jugement sans fondement rigoureux, fondé sur des croyances ou des impressions subjectives et qui se donne
abusivement les apparences d'un savoir.
Même quand elle tombe juste, « l'opinion pense mal» (Bachelard), car elle ne peut se fonder rationnellement.
La philosophie, comme quête de la vérité, est ainsi en lutte contre les opinions.
[Introduction]
Dans le « mythe de la caverne », Platon montre comment les hommes, complaisamment enchaînés à leurs opinions,
tournent le dos à la vérité.
Seul contre tous et au péril de sa vie, le philosophe parvient à gravir la pente escarpée
et à contempler le soleil du bien.
Seul contre tous, il atteint la vérité universelle.
Pourtant, Socrate est toujours descendu sur l'agora afin de consulter chacun.
Comme si la vérité ne pouvait être
atteinte que par un échange, voire une confrontation entre différentes opinions.
Comment concilier cette double exigence d'enraciner la vérité dans un cheminement personnel et de la confronter,
pour la partager, avec autrui ? Comment éviter à la fois l'aristocratisme, tellement persuadé d'avoir raison et
méprisant d'autrui qu'il risque de devenir totalitaire, et la démagogie, voire le relativisme, qui donnent tellement
raison à chacun que tout critère finit par disparaître ?
[I.
La diversité des opinions signale que l'on n'a pas encore trouvé ou que l'on ne peut pas trouver la
vérité]
[1.
Si plusieurs avis différents sont émis sur une même chose, alors l'esprit est dans l'erreur]
La vérité est une et universelle.
Une chose ne peut pas à la fois être elle-même et son contraire (c'est le principe
de non-contradiction).
Si plusieurs opinions ont cours sur la même chose, alors plusieurs d'entre elles doivent être
fausses et une seule doit être vraie.
En l'absence de tout critère fiable et commun, on se trouve dans l'incapacité
de juger.
Tant que cette irrésolution n'est pas levée, l'esprit est dans l'incapacité d'atteindre la vérité.
[2.
Le relativisme remet en question l'idée même de vérité]
Une première façon de résoudre cette tension consiste à légitimer la diversité des opinions, au nom de l'absence de
toute vérité commune et universelle.
Si celle-ci n'existe pas, alors chacun devient juge de sa propre vérité.
C'est la
thèse de Protagoras : « Tout est à chacun tel qu'il lui paraît ».
Si tel aliment paraît salé à Pierre et sucré à Paul,
alors il « est » salé pour Pierre et sucré pour Paul.
La diversité des opinions ne nous empêche pas d'atteindre
« la » vérité, puisque celle-ci n'est qu'une fiction de l'esprit.
Chacun devient norme de « sa » vérité.
Le sophiste Protagoras, écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait
faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette méthode ».
Selon Protagoras, « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant qu'elles sont, de celles qui
ne sont pas en tant qu'elles ne sont pas » Comment doit-on comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il,
par référence à un sujet humain universel, semblable en un sens au sujet cartésien ou kantien, mais dans le sens
individuel du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité même » (Aristote,
« Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses en chaque cas, telles elles existent
pour moi ; telles elles t'apparaissent à toi, telles pour toi elles existent » (Platon, « Théétète », 152,a).
Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? Affirmer l'égale vérité des opinions
individuelles portant sur un même objet et ce malgré leur diversité, revient à poser que « la même chose peut, à la
fois, être et n'être pas » (Aristote).
C'est donc contredire le fondement même de toute pensée logique : le principe
de non-contradiction., selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en
même temps, au même sujet et sous le même rapport ».
Or, un tel principe en ce qu'il est premier est inconditionné
et donc non démontrable.
En effet, d'une part, s'il était démontrable, il dépendrait d'un autre principe, mais un tel
principe supposerait implicitement le rejet du principe contraire et se fonderait alors sur la conséquence qu'il était
sensé démontrer ; on se livrerait donc à une pétition de principe ; et d'autre part, réclamer la démonstration de
toute chose, et donc de ce principe aussi, c'est faire preuve d'une « grossière ignorance », puisqu'alors « on irait à
l'infini, de telle sorte que, même ainsi, il n'y aurait pas démonstration ».
C'est dire qu' « il est absolument impossible.
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