La discussion n'a-t-elle pour but que l'accord avec autrui ?
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Pour démarrer
Quelles sont les fins de l'échange d'arguments entre les interlocuteurs et du débat ? L'entente avec autrui, l'intercompréhension, mais
aussi la fondation d'un Universel, valable en droit pour tous les esprits, la création d'un espace où les personnes sont respectées, etc.
Conseils pratiques
Analysez bien ce que présupposent la libre discussion et la communication.
Lorsque les sujets veulent s'entendre entre eux sur quelque
chose, attachez-vous au fait qu'ils s'efforcent d'être reconnus comme des personnes.
Montrez que se crée alors un monde éthique :
celui du respect.
Que vise donc la discussion ? Ses fins sont complexes : théoriques, pratiques, voire politiques.
Bibliographie
K.O.
APEL, L'éthique à l'âge de la science, Presses universitaires.
J.
HABERMAS, Morale et communication, Cerf ; L'éthique de la discussion, Cerf.
L'ANALYSE DU PROBLEME
Spontanément, nous nous imaginons que la vérité est unique, la même pour tous, sur le modèle des vérités mathématiques ou des
vérités historiques.
Ce sont la réflexion, l'analyse, la recherche qui doivent livrer la vérité à l'individu.
La vérité (de type scientifique)
serait alors réservée aux experts ou aux savants.
Comment dans ce cas la vérité pourrait-elle naître d'une discussion ? Si deux
personnes discutent d'un problème, la discussion doit servir à éliminer celle qui ne sait pas ou qui sait moins bien.
En quoi le processus
de discussion lui-même peut-il être source de vérité ? La discussion n'éloigne-t-elle pas le plus souvent de la vérité ? Le fait que l'on
parvienne à " s'entendre ", c'est à dire, à trouver un accord est-il le signe de la fin de toute discussion ? N'avons-nous plus besoin de
dialoguer sitôt que nous sommes plus dans l'opposition ? N'est-ce pas tout au contraire le moment où la discussion devient la plus
nécessaire et la plus riche ?
DÉMARCHE POSSIBLE
A.
La vérité sans discussion
1.La pensée dogmatique
Dans la plupart des sociétés traditionnelles (Antiquité, Moyen-âge), la vérité s'impose à l'individu sans discussion aucune, qu'il s'agisse
de vérités scientifiques (on croyait que la Terre était le centre de l'univers), de vérités religieuses (la Révélation biblique affirme que
Dieu a créé le monde) ou de vérités politiques (le roi règne de droit divin ou parce qu'il est le fils du roi).
Dans tous les cas, la vérité
prend la forme d'un dogme, c'est-à-dire une affirmation sans preuves mais qui fait autorité, qui a force de loi, qui a valeur de vérité
absolue, éternelle.
La vérité, dans tous les domaines, est de type sacré : elle échappe au monde des hommes, mais en même temps
elle donne aux hommes un ensemble de certitudes nécessaires à la vie.
2.
Confrontation du dogme et de la science
On peut dire que c'est la science et les découvertes scientifiques qui ont contraint progressivement les sociétés à abandonner les
vérités de type dogmatique et religieux.
Par la science, l'homme comprend qu'il est capable d'expliquer le monde sans devoir passer
par des vérités invérifiables et indiscutables.
Si, comme le dit Galilée, le livre de la nature est écrit en langage mathématique, alors le
mathématicien a directement accès au réel, sans détour par des vérités révélées.
Au début du XVIIème siècle, Galilée dut renier ses
idées car les vérités divines étaient encore indiscutables.
Les discuter aurait menacé l'ordre religieux et social.
Mais peu à peu se
démontre la fécondité de la discussion, du débat contradictoire.
B.
L'espace de la discussion
1.
La vérité démocratique
Dans une société fondée sur des vérités dogmatiques, la discussion n'a pas sa place, elle est synonyme de désordre et de rébellion
politique.
Pour permettre à la discussion d'être régulée et source de vérités nouvelles, l'ordre social doit changer.
Il y a une
correspondance certaine entre la façon dont les hommes organisent leur vie en société et leur rapport à la vérité.
Le passage de la
monarchie ou de la royauté à la démocratie change ainsi la conception de la vérité, parce que la démocratie institutionnalise la
discussion, la confrontation.
Le peuple, l'espace public, l'opinion de la majorité sont les sources de légitimité politique, mais aussi
scientifique ou morale.
Le temps de la discussion n'est pas le temps du dogme : le dogme tire sa vérité des origines, du passé
mythique, tandis que la discussion inscrit la société dans le présent et dans l'avenir.
Une nouvelle norme de vérité apparaît : la vérité
historique, le consensus, le vraisemblable.
La vérité issue de la discussion démocratique crée la responsabilité de l'homme vis-à-vis de
lui-même et le rend autonome.
C'est par la discussion et la confrontation démocratique que l'on passe des "vérités" sur la femme, le
roi, l'esclave à la compréhension que l'ordre social n'est que le fruit des choix des hommes dans l'histoire.
2.
L'incertitude
Découvrir que toutes nos vérités sont des choix et n'expriment que la relativité de nos jugements dans une société donnée montre
qu'une vérité n'est qu'une conclusion provisoire dans une discussion infinie.
Ceci ne doit pas nous amener au scepticisme : l'homme
aura toujours besoin de vérité.
La discussion organisée par la démocratie a ceci d'ouvert qu'elle refuse de donner une réponse aux
questions les plus importantes pour l'homme, par exemple que doit-on croire, qu'est-ce que la société idéale...
Ce refus de la norme
fixée pour toujours reflète les mécanismes de la vie: les êtres vivants n'ont pas été créés une fois pour toutes, ils sont indéfiniment
modifiables et plastiques selon le "dialogue" entretenu avec l'environnement..
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