La démonstration mathématique comme idéal de rationalité
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Termes du sujet:
DÉMONSTRATION: Opération mentale, raisonnement qui consiste à établir la vérité d'une proposition en la rattachant à d'autres
propositions évidentes ou déjà admises comme vraies.
IDÉAL: Adjectif désignant ce qui se rapporte à une idée.
On l'oppose à empirique.
On qualifie aussi d'idéal, quelque chose qui n'existe
d'en pensée.
Substantif désignant un modèle à suivre (un idéal de vertu par exemple).
MATHÉMATIQUE: ensemble des sciences hypothético-déductives ayant pour objet les nombres, les figures géométriques, les structures
algébriques et topologiques, les fonctions, le calcul intégral et le calcul des probabilités.
Les mathématiques se distinguent des sciences
naturelles par le fait que leurs objets sont a priori, cad indépendants de l'expérience sensible.
DEVELOPPEMENT
+ Le goût de la logique et de la rigueur
Au yeux des Grecs, la valeur des mathématiques ne dépend pas seulement de la perfection de leur objet, elle est aussi liée à leur côté
logique, à la rigueur de leurs démonstrations.
La logique suppose au départ qu'il y a des propositions vraies et des propositions fausses
et qu'on ne peut raisonner sans suivre les principes d'identité (A est A), de contradiction (une proposition ne peut être en même temps
vraie et fausse), du tiers exclu (une proposition est soit vraie, soit fausse : il n'y a pas de juste milieu possible).
Dans Les Premiers
Analytiques, Aristote expose sa théorie du syllogisme, du seul point de vue de sa validité formelle.
Un syllogisme est un raisonnement
rigoureux qui, de deux prémisses (la majeure et la mineure), tire la conclusion qui s'y trouvait implicitement contenue.
Exemple : Tous les
mammifères sont des vertébrés.
Or, les poissons sont des mammifères.
Donc, les poissons sont des vertébrés.
Ce raisonnement est
valide, car il respecte la forme logique, bien que la seconde proposition soit matériellement fausse.
Aussi surprenant que cela puisse
paraître, on peut aussi en partant de prémisses matériellement fausses, obtenir une conclusion vraie : « si je dis que "le cercle est un
carré", je peux en tirer cette conséquence vraie que "le cercle est une figure géométrique", puisque "le carré est une figure géométrique"
».
La logique formelle d'Aristote a énoncé les règles qu'il faut appliquer pour raisonner correctement.
+ Une démarche hypothético-déductive
La géométrie d'Euclide part d'un petit nombre de données premières.
Ces données sont les définitions (concepts fondamentaux de la
géométrie), les axiomes (propriétés essentielles appartenant aux grandeurs.
Exemple : « le tout est plus grand que la partie ») et les
postulats (propositions concernant les êtres mathématiques proprement dits et affirmant que certaines constructions sont possibles.
Exemple : « toute droite peut être prolongée indéfiniment »).
Partant de ces données, le géomètre en déduit logiquement d'autres
propositions : théorème ou proposition principale ; lemme ou proposition secondaire facilitant la démonstration d'un théorème à venir ;
corollaire ou proposition exprimant une conséquence directe d'un théorème établi.
+ Syllogisme et démonstration en géométrie
Si, dans le syllogisme, la conclusion est implicitement contenue dans la prémisse appelée « la majeure » (déduction analytique), dans la
géométrie d'Euclide toute proposition démontrée est synthétiquement construite à partir des prémisses en combinant plusieurs
propositions intermédiaires (déduction synthétique).
De plus, la déduction n'est pas la simple application d'un mécanisme pur car elle
exige du géomètre l'invention des moyens termes ou les constructions susceptibles de permettre les combinaisons de concepts utiles à la
démonstration.
En revanche, de la même manière que, dans le syllogisme, la vérité matérielle de la conclusion est relative à celle de ses
prémisses, dans la géométrie d'Euclide la vérité des propositions démontrées est relative à un point de départ hypothétique (axiomes et
postulats).
• La démonstration en philosophie
En philosophie, la démonstration est un dispositif discursif visant à rendre crédible une thèse.
Elle consiste dans une argumentation
logique et contraignante.
Mais toute thèse repose sur des présupposés qui, eux, peuvent être ébranlés.
Toute vérité, en philosophie, est
donc relative à des prémisses.
• Il n'y a pas de démonstration parfaite
Toute démonstration suppose des principes ou des présupposés qui ne sont pas eux-mêmes
démontrés.
Pour les démontrer, il faudrait partir d'autres principes, eux-mêmes indémontrés.
Une
démonstration parfaite engagerait dans une régression indéfinie, empêchant la démonstration de
commencer puisque les principes recherchés ne sont jamais atteints.
Démontrer suppose donc
d'admettre des propositions premières indémontrées.
C'est là la faiblesse de tout discours
démonstratif.
Il suffit de contester les points de départ pour annuler la conclusion.
«D'où il paraît que les hommes sont dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que
ce soit dans un ordre absolument accompli.
Mais il ne s'ensuit pas de là qu'on doive abandonner toute sorte
d'ordre.
Car il y en a un et c'est celui de la géométrie...» Pascal, De l'esprit géométrique (1658).
• Pascal fait remarquer que le modèle démonstratif de la géométrie nous amène dans un cercle
vicieux: car il suppose que les termes que l'on utilise soient toujours définis de manière claire et
distincte.
Or, pour définir un terme, il faut d'autres termes: on entre ainsi dans une régression à l'infini
dont on ne peut sortir.
Il est donc vain de croire pouvoir tout démontrer.
Seule la géométrie échappe
relativement à ce problème.
Non pas parce qu'elle parvient à tout démontrer, mais parce qu'elle «ne
suppose que des choses claires et constantes par la lumière naturelle».
Mais elle est la seule dans son
genre..
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