La curiosité est- elle une vertu ?
Publié le 22/04/2024
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«
La curiosité est- elle une vertu ?
Pour commencer, on peut dire que la curiosité est une curiosité : cet affect
est moralement connoté de façon à la fois positive et négative.
En effet, on loue
la curiosité du petit enfant, de l’étudiant et du savant, mais, combien de fois le
vieil adage « la curiosité est un vilain défaut »ne nous a-t-il pas été asséné ?
Issu d’un conte de Perrault, barbe bleue, cette citation nous permettra de
dérouler notre réflexion.
Le conte relate l’histoire d’un homme riche au visage hideux à cause de sa barbe
bleue, ce qui le rendait repoussant aux yeux des femmes.
Malgré plusieurs
mariages passés, le destin de ses épouses précédentes demeurait un mystère.
Un jour, il séduit la fille d’un voisin et l’épouse.
Avant de partir en voyage, il lui
confie les clés de toutes les pièces de sa maison, à l’exception d’une chambre
interdite.
Bien que tentée, la jeune femme cède à la curiosité et découvre dans
cette pièce des cadavres de femmes, les épouses précédentes de Barbe-Bleue.
Cependant, dans sa panique, elle tache la clé de sang en la laissant tomber, et
ses efforts pour la nettoyer échouent.
Avec l’aide de sa sœur, elles prévoient de
s’enfuir, mais Barbe-Bleue revient plus tôt que prévu.
Il découvre la clé souillée
et menace sa femme, lui confiant la fameuse phrase d’un ton mauvais car
s’apprêtant à la punir « la curiosité est un vilain défaut ».
Pourtant ici, la curiosité de la femme lui a permit de rendre justice aux autres
épouses en les faisant enterrer et lui a surtout permit de s’en sortir.
On peut
également revenir plus tôt dans le récit et se demander pourquoi la seule
chambre close est celle que la femme avait le plus envie de voir ? Qu’est ce qui
motivait son désir ? l’envie de voir derrière la porte ou de savoir où étaient les
femmes ? On peut d’ores et déjà discerner ces deux aspects au niveau du sens
du mot curiosité.
La curiosité désigne tout d’abord ; le désir, l’envie de voir,
d’apprendre de nouvelles choses // une définition que l’on peut associer à
l’intérêt.
Et sinon, la curiosité correspond au désir de connaitre les secrets
d’autrui.
Dans le cas de barbe bleue il semble bien qu’on oscille entre ces deux
définitions.
Le curieux est-il celui qui désire voir ou celui qui désire savoir ? La
femme n’aurait-elle pas préféré ne rien voir, ne rien savoir et demeurer dans le
château de son mari qu’elle aimait, en menant une vie confortable? En fin de
compte, la curiosité est-elle une vertu ?
Pour répondre à cette question, nous examinerons dans un premier temps la
réponse positive en montrant que la curiosité est un moteur d’instruction et de
développement aussi bien personnel que collectif puis, nous nous demanderons
si en fait, la curiosité ne serait pas plutôt un défaut et un manque de respect.
Pour finir, nous verrons que finalement la curiosité n’a qu’une réputation négative
et qu’elle est bien plutôt bénéfique que mauvaise.
Pour commencer, la curiosité enfantine est la première source
d’apprentissage et de construction de la personnalité d’un être humain.
La
connaissance chez les enfants représente le désir inné de comprendre le monde
qui les entoure et joue un rôle crucial dans le développement intellectuel des plus
jeunes.
La curiosité enfantine favorise le développement de compétences
cognitives essentielles telles que l’observation, la résolution de problèmes et la
pensée critique.
Les enfants qui explorent activement leur environnement
développent également leur curiosité, ce qui les conduit à acquérir de nouvelles
connaissances et à élargir leur compréhension du monde qui les entoure.
De
plus, la curiosité contribue à forger la personnalité des enfants en influençant
leur manière d’interagir avec autrui.
Les enfants curieux sont souvent plus
ouverts à de nouvelles expériences, plus empathiques envers les autres et plus
enclins à développer des compétences sociales.
En posant des questions et en
cherchant à comprendre différentes perspectives, ils développent une curiosité
sociale qui les aide à tisser des liens avec leurs pairs et à construire des relations
significatives.
La curiosité enfantine est bien plus qu’une simple quête de connaissances.
Elle
constitue un moteur puissant qui alimente l’éveil intellectuel des enfants, favorise
le développement de compétences essentielles et contribue à façonner leur
personnalité.
La curiosité n’est pas un moteur uniquement pour les enfants, c’est
également elle qui motive la recherche scientifique.
En effet ce qui compte le
plus en sciences et dans la recherche en général c’est la curiosité et le désir
d’améliorer la vie des patients grâce a des technologies de pointe.
Un exemple
notable est celui de la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming en
1928.
En 1928, Alexander Fleming, microbiologiste à l'Institut Pasteur à Londres,
découvre par accident que la moisissure Penicillium inhibe la croissance des
bactéries Staphylococcus dans une boîte de Pétri laissée ouverte
accidentellement.
Intrigué, il isole le composé antibactérien de la moisissure,
identifié plus tard comme étant la pénicilline.
Ainsi, cette découverte révolutionne
la médecine en introduisant les premiers antibiotiques, sauvant d'innombrables
vies et démontrant comment la curiosité peut mener à des avancées scientifiques
majeures.
Donc de façon générale la curiosité, par l’étonnement et l’intérêt,
développe l’apprentissage, mais c’est elle aussi qui développe l’esprit critique.
En effet, plus on en sait, plus on réfléchit et plus on a d’angles d’analyse, de
points de vue pour un même sujet.
C’est ainsi que Rabelais, un écrivain français
de la Renaissance, laissa ,dans Pantagruel, une consigne qui encourageait
l'exploration inquisitrice et la quête insatiable de connaissances.
Il conseillait de
ne rien négliger, de ne jamais se contenter de ce que l'on sait, incitant ainsi à
une curiosité éveillée et à une soif de savoir.
Il écrit dans Pantagruel (plus
précisément dans le passage de la lettre à Gargantua )"et, quant à la
connaissance des faits de nature, je veux que tu t'y adonnes avec soin, avec
curiosité : qu'il n'y ait mer, rivière ni fontaine dont tu ne connaisses les
poissons ; tous les oiseaux de l’air..." (…) « Puis, soigneusement pratique les
livres des médecins grecs, arabe et latins, et par fréquentes anatomies acquiert
toi parfaite connaissance de l’autre monde, qui est l’homme » Cette prescription
reflète l'idée que la curiosité, lorsqu'elle est cultivée, devient un moteur puissant
de la compréhension du monde qui nous entoure et surtout une façon de se
construire son propre avis.
Retenons donc que la curiosité est un moteur de développement enfantin,
scientifique et que le savoir est un facteur d’émancipation, par la construction
d’un avis justifié et clair.
Le savoir lui-même descend assurément de la curiosité.
Néanmoins, la curiosité
peut être négative voir nocive si elle s’applique à ce qui ne la concerne pas, et
c’est ce que nous allons à présent examiner.
Tout d’abord, la curiosité peut s’avérer être très impolie et être considérée
comme un manque de respect.
Un manque de respect de la vie privée, une
intrusion.
On penche alors du côté du deuxième sens du terme, à savoir le sens
péjoratif qui dit que la curiosité correspond au désir de connaitre les secrets
d’autrui.
Sans en arriver jusque-là pour l’instant, il est vrai que par exemple,
dans un hall de gare, il est souvent jugé intrusif de demander à une personne
inconnue qui lit tranquillement sur un banc ce qu’elle lit (sauf pour tenter une
approche de séduction).
C’est ce que démontre le sociologue Erving Goffman
dans La Mise en scène de la vie quotidienne son principal ouvrage de
sociologie publié en 1959.
Il affirme qu’en société, il y a des choses qu’on ne doit
pas chercher à voir ou à savoir car ce serait violer « les territoires du Moi ».
Il est vrai qu’en société, la curiosité est vite perçue comme excessive, comme
une offense...
De plus à notre époque, la curiosité donne lieu a des comportements
déplacés et devient presque maladive.
C’est par exemple le cas des
magazines « people » et des paparazzi qui font tout pour s’insérer au plus près
des stars et exposer tous leur secret.
Le pire c’est que la plupart des gens en
sont friands et c’est visible car ce sont des magazines qui se vendent beaucoup.
C’est une situation très problématique en ce qu’elle pose la question des limites
de l’intimité.
Qu’est ce qui justifie cet intérêt malsain pour les affaires des autres ? C’est bien
entendu la curiosité.
Cette curiosité malsaine est guidée par le désir de trouver quelque chose
d’embêtant sur les autres.
Il peut s’agir d’un secret, du sujet d’une conversation
etc.
Une fois cette information obtenue, elle sert le plus souvent à atteindre
l’autre pour obtenir une certaine jouissance qui n’est en réalité que l’expression
d’un complexe, d’une jalousie.
La curiosité est alors un vice en ce qu’elle est intrusive et marque un manque de
respect souvent issu de motivations mauvaises.
Ajoutons à cela que la curiosité à
des conséquences extrêmement négatives dans de nombreux domaines de la vie
en société et c’est catastrophique.
Mais alors comment réguler ce trait de....
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