La culture se substitue-t-elle à la nature ou ne fait-elle que la compléter?
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La culture se contente-t-elle de compléter la nature ou se substitue-t-elle à elle?
Le concept de nature est loin d'être simple et univoque.
La nature, c'est en effet, en un sens premier, le cadre
physique, minéral et végétal de notre existence.
Ici, la nature désigne le milieu qui nous est donné.
A côté de la nature, en général, ensemble de tout ce qui existe, il y a la nature d'un être, à savoir son essence,
l'ensemble des propriétés qui le caractérisent.
Dès lors, la nature, en cette seconde acceptation, désignera
fréquemment tout ce qui, dans un être, est inné, par opposition à ce qui est acquis.
La nature dans sons sens
étymologique( natus : né, du verbe nascor), c'est l'état dans lequel naissent les hommes.
La culture peut désigné la somme de connaissances d'un individu mais en ce qui nous concerne les désigne plutôt
l'ensemble des éléments de la vie humaine transmis par la société.
Il s'agit alors de s'interroger sur l'action de la
culture et sa puissance.
Si la nature est ce qui échoit à l'homme dès sa naissance, son essence, comment la
culture pourrait s'y substituer? La culture à travers l'éducation peut-elle réfréner les instincts et les pulsions
naturels de l'homme?
1.
L'homme est un homme inachevé
"Un animal est par son instinct même tout ce qu'il peut être ; une raison
étrangère a pris d'avance pour lui tous les soins indispensables.
Mais l'homme
a besoin de sa propre raison.
Il n'a pas d'instinct, et il faut qu'il se fasse à luimême son plan de conduite." Kant Traité de pédagogie
Comparée aux espèces animales, l'espèce humaine paraît inachevée, tant du
point de vue anatomique (à la naissance, la boîte crânienne n'est pas
fermée,..) que relativement aux comportements qui lui sont possibles.
L'animal
naît avec des instincts qui "programment" ses réponses vitales.
Il n'existe rien
de tel chez l'homme : c'est parce qu'il y a peu d'inné.
Cette absence de caractère inné limite, dans l'homme, l'hérédité au seul
domaine biologique : tout le reste est transmis par un héritage culturel.
Le comportement, la dimension psychologique ou intellectuelle se forment du
milieu culturel.
Puisque l'individu, à sa naissance, ne fait l'objet d'aucun
comportement obligatoire, il est soumis à des influences multiples qui
élaborent ses capacités intellectuelles et affectives et ce qui sera sa
personnalité.
C'est parce que l'homme n'a pas de nature complète et déterminée, qu'il a
besoin de la culture pour se développer et s'épanouir.
2.
La culture tend à être totalisante
En insistant sur l'importance de la discipline, dans la formation de l'enfant
humain, Kant souligne la dépendance de ce dernier à l'égard de son entourage social.
Mais cette discipline a
l'avantage de faire disparaître les "penchants animaux" au moment où la raison, pas encore constituée, ne peut le
faire elle-même.
S'il s'agit d'habituer l'enfant à différer ses réactions spontanées, voire à les annihiler.
Mauss met en lumière que les transformations culturelles interviennent aussi sur le donné biologique.
Il forge ainsi un
concept de "phénomène social total".
Les techniques du corps sont d'abord dues à l'imprégnation culturelle.
Il est alors possible de voir comment le corps, le donné le plus naturel de l'homme, est dressé par les techniques
purement culturelles.
Mauss y voit un moment capital dans l'humanité : il s'agit d'obtenir une plus grande efficacité(
en fonction des buts à atteindre), mais aussi d'en assurer la maîtrise( notamment en ce qui concerne ses réactions
sociales) qui marque une distance définitive aux réactions naturelles.
Pour Merleau-Ponty, si le corps suggère dès le départ des comportements en les proposant comme possibles, ceuxci, dans leur existence sociale, se trouvent transformés en institutions.
"Il n'est pas un mot, pas une conduite qui
[...] ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte
d'échappement." ou "les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots.
Même ceux qui,
comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain, sont en réalité des institutions."
Ce qui fera dire à Merleau-Ponty: «Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme on voudra dire, en ce
sens qu'il n'est pas un mot, pas une conduite, qui ne doive quelque chose à l'être simplement biologique.» MerleauPonty, Phénoménologie de la perception (1945).
On peut dire avec Merleau-Ponty que, en l'homme, le naturel et le culturel se confondent: il n'y a aucun acte
humain qui ne puisse être rapporté à du biologique.
Mais, de l'autre côté, le sens de ces actes, même les plus
primitifs, est toujours culturel.
Tout est naturel en l'homme, mais pour l'homme, tout est culturel..
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