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La culture peut-elle corrompre ?

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C'est l'idée de Kant dans la 7ème proposition de l' Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique: '' Nous sommes cultivés au plus haut degré par l'art et par la science. Nous sommes civilisés jusqu'à en être accablés par la politesse et par les bienséances de toute sorte. Mais nous sommes encore loin de pouvoir nous tenir pour déjà moralisés.''Le processus de formation de l'homme ne peut donc se résumer à celui de civilisation ou de culture. Pour bénéficier au mieux de la culture, l'homme se doit d'être moralisé. Si la culture est la fin dernière de la nature, elle n'est pas le but final de l'homme. Son but final est la liberté, l'autonomie de la raison pure pratique.La moralité de l'homme est donc la condition nécessaire pour que la culture ne soit pas un facteur de corruption. L'état préférable de l'homme n'est pas donc pas à rechercher dans un éventuel retour à l'état de nature mais dans la moralité. Or ce progrès moral de l'homme se réalise au sein et grâce à la culture. Une fois moralisé et cultivé, l'homme peut profiter à bien de la civilisation également.

« En 399, une plainte fut déposée contre Socrate et deux motifs étaient invoqués.

Le premier était son impiété, le second était qu'il pouvait corrompre la jeunesse par son enseignement.

Or l'enseignement de Socrate avec pour objectif le développement de la culture de ses élèves.La culture est vue au sens de cultura animi, c'est à dire de formation individuelle de l'homme et le jugement fait à l'encontre de Socrate montre que la culture peut être crainte, qu'elle peut être considérée comme néfaste.Le progrès culturel, qui se veut processus de libération par rapport aux instincts au profit du développement de la raison, serait une chimère et n'aboutirait pas à une '' humanité supérieure''.

C orrompre signifie altérer pervertir la vertu et les mœurs de ce qui était juste et honnête.

La culture semblerait être alors un processus de dépravation moral de l'homme par rapport à ce qu'il était à l'état premier, ce que Rousseau désigne comme l'état de nature.De plus, ce processus de dépravation morale s'effectuerait au niveau individuel et collectif pour l'individu dans la mesure où le projet culturel est celui d'une formation individuelle et collective.

La condition de l'homme cultivé est elle alors préférable à celle du bon sauvage?On verra dans une première partie dans quelle mesure la culture peut corrompre l'individu.Ensuite, nous verrons comment la culture est un facteur de corruption du groupe et de la société. Enfin nous verrons si la corruption engendrée par la culture n'est pas la conséquence de maux qui lui sont extérieurs et si la culture n'est pas le moyen de la moralisation de l'homme.La culture doit se réaliser dans un milieu plus favorable que la nature, un monde réapproprié, humanisé par les symboles.

C e monde est celui de la civilisation qui se caractérise par des avancées techniques mais aussi par le caractère policé des mœurs.L'homme civilisé est ce que Cassirer appelle l'animal symbolicum et use de la médiation symbolique afin par exemple de différer ses besoins vitaux et ses pulsions.

La médiation est le moyen d'organiser le monde et de raffiner les mœurs.

Kant, dans ses Réflexions sur l'éducation, désigne l'homme civilisé comme un homme prudent c'est-àdire qu'il : '' s'adapte à la société humaine, est aimé et a de l'influence [...] Cette prudence exige des manières et de la politesse. Mais, la recherche de la politesse de la courtoisie et du raffinement peuvent corrompre l'homme.

En effet, la civilisation peut devenir le monde de l'artificiel, de la superficialité comme le montre l'exemple de la préciosité qui se développa au 17ème siècle en réaction de la grossièreté des manières de la cour. Mais la préciosité s'apparente à une sophistication vaine et non motivée des façons.

La civilisation peut alors se limiter à un vernis culturel, ce que Baudelaire qualifie de '' Grande barbarie éclairée au gaz''.Par ailleurs, la civilisation peut entraver le processus de formation intérieure : la frivolité ou la complexification gratuite du langage ne peuvent aboutir à un progrès de la moralité des êtres.

La courtoisie ne peut être assimilée à une vertu authentique et ne consiste que le masque de la vertu et non pas son visage.

La culture lorsqu'elle s'accompagne d'un processus de civilisation dénué de rigueur morale peut alors corrompre.

Elle peut mener à une barbarie comme ruine de la culture, dans une société postcivilisée mais décadente.

A travers la civilisation, la barbarie peut constituer un risque de corruption endogène à la culture.Rousseau dans la conclusion du Discours sur l'origine des fondements de l'inégalité parmi les hommes, voit dans la civilisation un risque de perte de l'identité et de l'autonomie du jugement.

En comparant l'homme sauvage et l'homme policé, Rousseau montre que la civilisation engendre une dénaturation de l'homme.

En effet, l'homme civilisé s'arrache perpétuellement à lui même car il est : '' homme sociable et toujours hors de lui''.

La culture dans une civilisation décadente peut donc corrompre l'individu qui se défait de sa moralité au nom de la recherche de la puissance et de la réputation.

D'autre part, l'homme civilisé semble devoir se défaire de son identité et de son autonomie de jugement au nom de l'apparence et de la convention sociale.La culture peut donc corrompre l'homme au point qu'il semble devoir sacrifie ce qui constitue son essence pour parvenir à la civilisation.

C ette dénaturation, ce déni de la nature propre de l'être semble inhérent au processus de culture, en effet, il est indépendant du processus de civilisation dans la mesure où l'on retrouve ce processus dans des sociétés non civilisées.

On y retrouve la même volonté de se détacher de l'immédiateté chez les Mbaya, peuple indien étudié par Levi Strauss dans Tristes Tropiques.

Il y explique que : '' par leurs peintures faciales, comme par leur pratique de l'avortement et de l'infanticide, les Mbaya exprimaient une même horreur de la nature''.C ette société avait pour valeur essentielle le rejet de la nature et de l'animalité, ce qui passait par une réticence à la procréation due à une endogamie de caste.

La culture peut donc corrompre en ce qu'elle peut constituer une recherche mécanique de ce qui n'est pas naturel, accompagné d'un déni de la nature et une perte d'identité pour l'homme.

Quelles sont les corruptions collectives engendrées par la culture?Au niveau collectif, la culture peut se définir comme : '' tout ensemble qui présente par rapport à d'autres des écarts significatifs''.C'est-à-dire que les cultures peuvent se distinguer entre elles, et ce qui présente le risque d'une corruption d'un autre type par la culture.

En effet, les hommes sont dans la difficulté d'envisager et d'appréhender les autres cultures.

C 'est l'idée que souligne Montaigne lorsqu'il dit :'' Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage''.

Cette difficulté à penser la diversité des cultures peut s'illustrer par l'exemple des Mbaya.

En effet, leur pratique de l'infanticide peut être interprétée comme un signe de barbarie extrême.

Le risque est alors de confondre ce qui ne répond pas à notre propre ordre de culture avec l'état de nature .Notre culture nous corrompt alors dans la mesure où elle nous empêche de reconnaître la richesse de la diversité culturelle au risque de remettre en cause la valeur absolue de nos propres valeurs.

C ette difficulté à intégrer la pluralité des cultures peut aussi s'accompagner d'un sentiment de supériorité culturelle.

Dans ce cas, l'homme perçoit sa civilisation comme un objectif absolu et unique et elle prend alors un sens de valeur normative.

Le risque consiste alors à ne pas être capable d'effectuer son jugement en dehors de ses systèmes de représentation que l'on juge supérieurs : c'est la pensée ethnocentrique.Dans Race et Histoire, au chapitre deux, Levi Strauss, définit l'ethnocentrisme comme le fait de '' rejeter hors de la culture, de la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit''.

La culture peut donc corrompre dans la mesure où elle engendre le refus du relativisme culturel.

Cet aveuglement se retrouve dans l'aveuglement d'un parisien devant le persan Usbek dans les lettres persanes de Montesquieu : '' C omment peut-on être Persan?''.Pour remettre en cause cette idée , Levi Strauss présente , dans le chapitre 4 de Race et Histoire , la différence entre histoire cumulative et histoire stationnaire.

La différence reposerait sur un jugement faussé par notre propre système culturel : '' L'opposition entre cultures progressives et cultures inertes semble résulter d'abord d'une différence de focalisation.

Les cultures nous paraissent d'autant plus rapides qu'elles se déplacent dans le sens de la nôtre, et stationnaires quand leur orientation diverge.'' La culture peut donc aveugler l'homme dans sa conception de la diversité culturelle.

Par ailleurs la culture peut justifier une idée de hiérarchie entre les peuples, ce qui pose la question d'instrumentalisation de la culture.Pour autant, la culture apparaît bien comme un mal nécessaire à l'homme pour sortir de son état de nature.

Sans culture, l'homme n'est homme qu'en puissance et pas en acte.

La culture est la condition essentielle du passage de l'immanitas à l'humanitas.A fin que la culture ne soit plus une possible corruption un travail de l'homme est nécessaire.

C 'est l'homme qui par son libre arbitre fait le choix de la culture comme formation et pas comme corruption.

Par exemple, le médecin grâce à sa science peut soigner mais aussi tuer.

Le remède est alors le serment d'Hypocrite, la sécurité du respect de la morale dans la pratique de la médecine grâce à un pacte culturel.La morale est donc à trouver dans l'exigence dont fait preuve l'homme conscient qu'il est constitué d'un bois tordu.

La culture ne permet pas à l'homme de se dispenser de l'idéal régulateur qu'est le devoir moral. C'est l'idée de Kant dans la 7ème proposition de l' Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique: '' Nous sommes cultivés au plus haut degré par l'art et par la science.

Nous sommes civilisés jusqu'à en être accablés par la politesse et par les bienséances de toute sorte.

Mais nous sommes encore loin de pouvoir nous tenir pour déjà moralisés.''Le processus de formation de l'homme ne peut donc se résumer à celui de civilisation ou de culture.

Pour bénéficier au mieux de la culture, l'homme se doit d'être moralisé.

Si la culture est la fin dernière de la nature, elle n'est pas le but final de l'homme.

Son but final est la liberté, l'autonomie de la raison pure pratique.La moralité de l'homme est donc la condition nécessaire pour que la culture ne soit pas un facteur de corruption.

L'état préférable de l'homme n'est pas donc pas à rechercher dans un éventuel retour à l'état de nature mais dans la moralité.

Or ce progrès moral de l'homme se réalise au sein et grâce à la culture.

Une fois moralisé et cultivé, l'homme peut profiter à bien de la civilisation également.. »

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