La culture nous humanise-t-elle ?
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«
INTRODUCTION
Définition des termes : La culture englobe l'ensemble des productions humaines et plus précisément les oeuvres de l'esprit.
En ce sens elle est le
résultat de l'activité humaine, elle n'est donc pas par elle-même mais suppose un agent qui la produise, cet agent pouvant être un individu ou un ensemble
d'individus, la condition étant que cette production doit être reconnue et partagée par un groupe humain.
La culture est également synonyme d'éducation, de
formation, d'instruction, on considère alors qu'elle est une transformation de la nature, un développement.
Enfin elle permet de distinguer les hommes des
autres êtres vivants et elle peut différer d'une société à l'autre.
En ce sens elle le moteur d'une singularisation.
Le verbe « humaniser » signifie rendre
humain, c 'est-à-dire agir sur l'individu de telle manière qu'il s'approche de l'idée d'humanité.
Il suppose donc que l'homme n'est pas humain à l'origine mais
le devient.
Il peut s embler paradoxal de mettre à distance l'homme de l'humanité.
Pour résoudre ce paradoxe l'humanité doit être prise comme une idée,
comme un modèle à suivre.
Problématique : Si l'humanisation consiste à se rapproc her d'une humanité universelle, la culture, dans la mesure où elle s ingularise les individus et
l e s s o c i é t é s p l u s qu'elle ne les rassemble, semble lui faire obs tacle.
M a i s si l'humanisation c o n s i s t e à réaliser la nature humaine, autrement dit à
développer les facultés propres à l'homme, dans ce cas la culture peut être considérée comme un moyen.
La difficulté réside donc dans le sens que nous
donnons à l'humanisation et suppose de s'interroger sur la compatibilité ou l'incompatibilité de ces deux acceptions .
PLAN DETAILLE
Première partie : La culture déshumanise plus qu'elle n'humanise.
1.1 La culture, comme ensemble du savoir et des modes de pensée et de vivre d'une soc iété, a éloigné l'homme de sa nature originelle et en ce sens
l'a déshumanisé.
« Semblable à la statue de Glaucus que le temps, la mer et les orages avaient tellement défigurée qu'elle ressemblait moins à un dieu qu'à une bête
féroce, l'âme humaine altérée au sein de la société par mille c a u s e s s a n s cesse renaissantes, par l'acquisition d'une multitude de connaissances et
d'erreurs, par les c hangements arrivés à la constitution des corps, et par le choc continuel des passions, a, pour ainsi dire, changé d'apparence au point
d'être presque méc onnaissable ; et l'on n'y retrouve plus, au lieu d'un être agissant toujours par des principes certains et invariables, au lieu de cette
céleste et majestueuse simplicité dont son auteur l'avait empreinte, que le difforme contraste de la passion qui croit raisonner et de l'entendement en délire.
C e qu'il y a de plus cruel encore, c'est que tous les progrès de l'espèce humaine l'éloignant sans c e s s e d e son état primitif, plus nous acc umulons de
nouvelles connaissances, et plus nous nous ôtons les moyens d'ac quérir la plus importante de toutes, et que c'est en un sens à force d'étudier l'homme que
nous nous sommes mis hors d'état de le connaître.
» RO U S S E A U, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, préface.
1.2 L'homme véritable doit être conçu abstrait des déterminants culturels.
« La sarabande des cultures innombrables et équivalentes, chacune se justifiant dans son propre contexte, crée un monde, certes, dés-occidentalisé,
mais aussi un monde désorienté.
A perc evoir à la signification une situation qui précède la culture, apercevoir le langage à partir de la révélation de l'A utre, qui est en même temps la naissance de la morale – dans le regard de l'homme visant un homme préc isément comme homme abstrait, dégagé de toute
culture, dans la nudité de son visage – c'est revenir d'une façon nouvelle au platonisme.
C 'est aussi permettre de juger les civilisations à partir de l'éthique.
La signification – l'intelligible – consis te pour l'être à se montrer dans sa simplicité non historique, dans sa nudité absolument inqualifiable et irréductible, à
exister « avant » l'histoire et « avant » la culture.
» LEV I N A S, Humanisme de l'autre homme.
Transition : C oncevoir la culture comme étant déshumanisante constitue un écueil en deux s e n s .
T out d'abord parce qu'un retour en arrière est
impossible et donc la condition originelle reste toujours déjà dépassée.
D'autre part abstraire l'homme de ses déterminants culturels c'est en même temps
laisser échapper une partie de son identité.
Deuxième partie : La culture permet de réaliser la nature humaine.
2.1 L'homme est par essence un être de culture, d'une part parce qu'il est un être sociable et d'autre part parce qu'il est doué de raison et de langage.
« La cité est au nombre des réalités qui existe naturellement, et [...] l'homme est par nature un animal politique destiné à vivre en société et que celui
qui, par sa nature et non par l'effet de quelque circonstance, ne fait partie d'aucune cité, est une créature dégradée ou s upérieure à l'homme.
Il mérite,
comme dit Homère, le reproc he sanglant d'être sans famille, sans lois, sans foyers ; car celui qui a une telle nature est avide de combats et, comme les
oiseaux de proie, incapable de se soumettre à aucun joug.
O n voit d'une manière évidente pourquoi l'homme est un animal sociable à un plus haut degré que les abeilles et tous les animaux qui vivent réunis.
La nature, comme nous disons, ne fait rien en vain.
Seul, entre les animaux, l'homme a l'usage de la parole; la voix est le signe de la douleur et du plaisir et
c'est pour cela qu'elle a été donnée aussi aux autres animaux.
Leur organisation va jusqu'à éprouver des sensations de douleur et de plaisir et à se le faire comprendre les uns aux autres ; mais la parole a pour but
de faire comprendre ce qui est utile ou nuisible et, par conséquent aussi, ce qui est jus te ou injuste.
» A R I S T O TE, Les Politiques, I 2.
2.2 Le progrès de la culture coïnc ide avec le développement des facultés humaines.
A insi se cultiver c'est en même temps s'humaniser.
« C 'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition,
de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer.
L'homme a alors parcouru les premiers pas qui de la grossièreté le mènent à la culture, dont le fondement véritable est la valeur sociale de l'homme; c'est
alors que se développent peu a peu tous les talents, que s e forme le goût, et que même, cette évolution vers la clarté se poursuivant, c ommence a se fonder
une forme de pensée qui peut, avec le temps, transformer la grossière disposition naturelle au discernement moral en principes pratiques déterminés.
Par
cette voie, un accord pathologiquement extorqué en vue de l'établis sement d'une société, peut s e convertir en tout moral.
Sans ces qualités d'insociabilité,
peu sympathiques c ertes par elles-mêmes, source de la résistance que chac un doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents
resteraient à jamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie*[1], dans une concorde, une satisfaction, et un amour mutuels
parfaits ; les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à l'existence guère plus de valeur que n'en a leur troupeau domestique ; ils
ne combleraient pas le néant de la création en considération de la fin qu'elle se propose comme nature raisonnable.
» KA N T , Idée d'une histoire universelle
d'un point de vue cosmopolitique, Proposition 4.
Transition : Le développement de la culture semble avoir une contrepartie : les conflits entre les hommes et entre les cultures.
D a n s c e c a s n e
s'oppose-t-il pas au développement de la moralité en l'homme qui fait partie du processus d'humanisation ? Si tel est le cas l'humanisation par la culture
aurait des limites.
[1] Kant fait ici implicitement référence à Rousseau qui soulignait le caractère enviable de la vie à l'état de nature.
[2] Conjectures sur les débuts de l'histoire humaine, Rem.
Note..
»
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