La culture affranchit-elle l'homme de la nature ?
Extrait du document
«
Introduction :
Le paysan qui cultive son champ tourne les mécanismes naturels à son avantage : il rend la terre fertile et peut se préoccuper d'autre chose que de sa
survie.
Dans ce sens, il se libère de la nature, il n'est pas focalisé comme l'animal sur sa survie et la satisfaction de ses besoins.
Mais cette libération ne signifie pas pour autant qu'il se débarrasse de la nature : il ne peut s'émanciper des mécanismes naturels, il peut seulement les
tourner à son profit (comme le fait tout animal).
Et d'autre part, on peut dire que c'est sa nature même que l'homme réalise en développant sa culture.
Comme le paysan qui cultive son champ développe en même temps ce qui est contenu dans la nature, l'éducation développe les facultés naturelles de
l'homme.
Il convient donc de préciser en quel sens s'opposent nature et culture, la culture n'est elle pas la nature de l'homme ? Et d'autre part, l'homme cultivé est il
si loin de la nature ? La technologie ne se met elle pas au service des instincts les plus primaires ?
Problématique :
La culture sauve l'homme de l'état sauvage, mais cela va-t-il contre la nature ? N'est-ce pas la nature de l'homme que d'être un animal culturel ?
I : La culture contre la nature.
1)
La culture est avant tout transformation de la nature.
La nature, c'est le donné, l'immédiat.
La culture développe des médiations, c'est-à-dire des
pratiques, des signes, des représentations qui prennent place entre le sujet et l'objet pour donner un sens à leur rapport.
Par exemple, la cuisine
introduit une distance vis-à-vis de l'aliment dans laquelle celui-ci se transforme et acquiert des valeurs hygiéniques et gustatives.
2)
Le monde de la culture est un monde de la liberté.
Dans la distance à laquelle elle porte les objets, la culture nous affranchit de notre rapport
pulsionnel et irréfléchi aux choses.
Dans cette distance, notre pensée peut faire un retour en elle-même, ce qui nous permet de nous déterminer
nous-mêmes plutôt que d'être déterminés par la nature.
3)
La culture nous affranchit de notre état sauvage.
C'est par la médiation des autres hommes, dans l'éducation à la culture, que nous nous élevons à
notre humanité.
Les enfants sauvages (comme Victor de l'Aveyron observé par le docteur Itard), sont presque incapables de vivre en société et
d'apprendre à parler.
Ils ne peuvent que vivre à l'état sauvage, dans la nature.
La célèbre et douloureuse histoire de Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron recueilli en 1799 par le médecin Itard – François Truffaut en a fait un film
remarquable et bouleversant – montre combien l'homme isolé de la société est assez comparable à une bête.
La découverte d'enfants sauvages décrit la
difficulté de déterminer le passage de l'état de nature à l'état de culture.
Le cas de ces enfants manifeste l'impossibilité de parler d'une nature humaine,
voire d'une espèce humaine, hors société.
L'homme a besoin d'un autre homme pour révéler ses capacités humaines.
« Pour être humain, il faut au moins
être deux », disait Hegel.
La nature humaine est virtualité, potentialité, elle ne se manifeste pas hors de la culture.
«Nos organes, concluait Itard, sont d'autant moins flexibles et l'imitation est d'autant plus difficile que l'homme est éloigné de la société et de l'époque de
son premier âge».
II : L'homme, animal culturel.
1)
La culture ne s'oppose pas à la nature, elle est la nature même de l'homme.
Partout où il y a des hommes, il y a des cultures.
C'est une
détermination universelle de l'humanité, dans ce sens, on peut dire que la culture fait partie de la nature de l'homme.
2)
Le mot « culture » vient du latin « colere » qui signifie mettre en valeur.
dans ce sens, la culture n'est pas une opposition et un affranchissement de
la nature, elle est plutôt un développement de la nature.
Le paysan qui cultive son champ ne va pas contre la nature, il la développe d'une certaine
façon, de même, dans l'éducation, on développe certaines dispositions naturelles de l'homme.
3)
Comme le dit Aristote, l'homme est « animal politique », c'est sa nature, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'humanité sans société.
Ici, la nature ne
signifie pas le donné immédiat, mais l'essence.
Pour vivre en société, les hommes développent des « médiations », c'est-à-dire des réalités
intermédiaires qui permettent de faire le lien entre eux comme le langage par exemple.
La culture n'affranchit donc pas l'homme de la nature, elle
développe la nature proprement humaine.
III : Culture et civilisation.
1)
Il convient de distinguer la culture et la civilisation.
On peut définir la culture comme l'ensemble des médiations symboliques d'une société et la
civilisation comme le patrimoine technologique d'une société.
Il semble que la culture et la civilisation ne suivent pas une évolution parallèle : en
effet, alors que les technologies progressent, les sociétés semblent se désintéresser de la culture.
Par exemple, la télévision est un progrès sur le
livre au point de vue technologique, mais un appauvrissement du point de vue culturel.
2)
La culture se développe dans l'effort non contre la nature, mais contre soi même, c'est pourquoi l'éducation, l'attention, l'affinement du goût...
sont
difficiles.
Platon aime répéter un proverbe : « ce qui est beau est difficile ».
En revanche, la civilisation se développe contre l'effort, elle accroît notre
confort et notre bien être par la technologie.
Elle va en même temps contre la culture, la télévision permet de se
reposer dans une posture passive et végétative, en revanche, ses productions sont généralement de mauvaise
qualité.
3)
La culture ne développe plus certaines capacités naturelles de l'homme par ce que la civilisation nous en
dispense.
Mais si l'homme se laisse trop porter par le confort que lui apporte la civilisation, il va tomber sous le
règne d'une loi naturelle à laquelle il a toujours résisté : celle de la pesanteur des corps.
Par exemple
aujourd'hui l'enseignement du français s'appauvrit à tel point que les enfants ignorent la grammaire et
l'orthographe et qu'ils ne peuvent pas s'exprimer clairement et penser clairement.
Conclusion :
La culture est la racine de l'humanité, elle est sa nature.
En revanche, l'homme la développe en allant contre une
certaine nature, la nature passive des choses.
Contre cette nature, rien n'est jamais acquis et la culture doit toujours
être développé par l'homme pour qu'il affirme sa nature contre la nature des choses..
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