La creation artistique peut elle servir de modéle pour définir la liberté ?
Extrait du document
«
[Dans la mesure où la création artistique exprime pleinement
la liberté de l'esprit, l'artiste, par ses oeuvres, nous ouvre
sur un monde qui échappe à toute servitude.]
Le travail de l'artiste est totalement libre
Comme le jeu, la création artistique est une activité libre et désintéressée.
Pour créer, l'artiste met bien en
oeuvre une certaine technique.
Mais celle-ci ne consiste pas dans l'application d'un savoir préexistant.
Inversement, le travailleur a l'art et la manière de parvenir à un certain résultat.
Mais il doit suivre le « mode
d'emploi » et viser l'utilité.
La première différence entre l'art et la technique concerne le rapport à la science
ou au savoir.
Alors que la technique consiste en la mise en application d'une théorie, l'idée vient à l'artiste au
fur et à mesure qu'il crée.
Par exemple, l'architecte conçoit et dessine sa maison avant de la construire.
En
revanche, « un beau vers n'est pas d'abord en projet et ensuite fait; mais il se montre beau au poète; et la
belle statue se montre belle au sculpteur au fur et à mesure qu'il la fait » (Alain, Système des beaux-arts).
a
Cela explique qu'un technicien puisse reproduire la même oeuvre à l'infini et à l'identique, alors que la création
artistique reste toujours unique : « la règle du beau n'apparaît que dans l'oeuvre, et y reste prise, en sorte
qu'elle ne peut servir jamais, d'aucune manière, à faire une autre oeuvre » (idem).
L'oeuvre belle peut servir
ensuite de modèle à d'autres, mais elle ne peut jamais être reproduite.
Enfin, la technique se caractérise par son utilité.
Elle entend apporter du confort à l'homme, et vise à lui
rapporter sur le plan économique, en lui faisant par exemple gagner en productivité.
L'art, en revanche, se
caractérise par son aspect désintéressé.
C'est la création qui est sa propre fin, et non sa valeur marchande.
C'est en ce sens qu'on qualifie souvent l'art d'inutile.
En dépit de leurs similitudes, la technique et l'art se distinguent donc par leur processus et leur finalité.
Pour créer, l'artiste met bien en oeuvre une certaine technique.
Mais celle-ci ne consiste pas dans
l'application d'un savoir préexistant.
Inversement, le technicien a l'art et la manière de parvenir à un certain
résultat.
Mais il doit suivre le « mode d'emploi » et viser l'utilité.
L'artiste, parce qu'il crée, invente un nouveau
monde, un monde qui échappe aux pesanteurs de la vie de tous les jours.
Ainsi que le montre le philosophe
Alain, la seule contrainte de l'artiste est de dominer la matière qu'il travaille afin de parvenir à la maîtrise de
son art, afin de pouvoir exprimer librement sa sensibilité.
L'artiste est toujours un résistant, un engagé
L'engagement de l'artiste...
L'actualité nous a récemment appris qu'on pouvait être écrivain, vivre à la fin du XXe siècle, dans l'une des
plus anciennes démocraties d'Europe, et mettre, par la seule publication d'un roman, sa vie en péril : S.
Rushdie se cache encore des tueurs venus d'Iran comme naguère Voltaire s'efforçait de rejoindre la Suisse
pour échapper à l'Église et à la justice du Roi.
On ne pardonne pas toujours aux artistes leur liberté
d'expression et leur engagement dans les grands débats de leurs temps parce que la liberté de cet
engagement s'exprime par une oeuvre, plus forte que les discours militants, invincible puisque dépositaire de
cet éclat d'éternité que Malraux appelle un anti-destin.
Mais dira-t-on seulement d'une oeuvre qu'elle est
engagée quand elle « prend parti » ? L'arbitre n'est-il pas voué à l'engagement par l'oeuvre elle-même? Ne
devrait-on pas dire toujours d'une grande oeuvre qu'elle est engagée?
...
est impliqué par le processus de création artistique...
Sartre rappelle, dans Qu'est-ce que la littérature ?, que « l'écrivain engagé sait que la parole est action ».
Si
la littérature engagée, c'est la littérature perçue comme une action, alors toute littérature est, par définition,
engagée.
« La fonction de l'écrivain — ajoute Sartre — est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le
monde et que nul ne s'en puisse dire innocent.
»
Ainsi, lorsqu'il décrit les conditions de vie des mineurs, Zola s'engage autant que par la défense du capitaine
Dreyfus.
De la même façon, Le Rouge et le Noir est une oeuvre profondément engagée, car le miroir que
promène Stendhal sur les traces de Julien Sorel réfléchit l'image d'une société ossifiée, repliée sur elle-même.
Dans ce monde qui ressemble à un tombeau (la province, le séminaire), ceux qui ont l'énergie de vouloir
respirer l'air de leurs passions, ceux-là doivent combattre.
L'oeuvre d'art dévoile, elle ne reproduit pas ce qui
est (comme le pensaient les Grecs), elle donne à voir et à sentir ce qui était avant elle inaperçu.
Dans le
domaine pictural, l'exemple de Guernica, présentée à Paris au Pavillon républicain de l'Exposition internationale,
est significatif.
Le tableau montre à une opinion (peu désireuse d'ouvrir les yeux en 1937) l'horreur de la
guerre d'Espagne.
Ces corps éclatés, ces membres que semble disproportionner la douleur, cette mêlée enfin
d'où l'on ne distingue plus les hommes des bêtes, rendent sensible la détresse d'un peuple.
Au-delà du
bombardement du petit village espagnol, c'est l'atrocité de tout un siècle qui est représentée, un siècle « noir
et gris »..
»
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