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La contradiction n'est-elle que dans les idées, ou peut-elle se trouver également dans les choses ?

Extrait du document

« I.

Qu'il est difficile de se prononcer sur l'identité de l'être et de la pensée a.

Héraclite contre Parménide : toujours en quête d'une rationalité à l'œuvre dans le monde (Kosmos), un débat n'a cessé d'intéresser les philosophes encore aujourd'hui.

En effet, Héraclite et Parménide nous orientent sur deux conceptions divergentes concernant la nature de ce qui est, de ce qui est réel. Parménide présentait l'être comme seul critère de vérité.

Cet être unique, éternel, identique et immuable est au centre de tout ce qui est.

Dès lors il apparaît que le monde sensible et hétérogène, expérimentable par l'homme, n'est qu'illusion des sens, puisque la seule réalité vraie n'est attribuable qu'à cet être originel.

A insi seule la connaissance rationnelle, et non l'intuition empirique, peut prétendre saisir la vérité du réel.

D'autre part, Héraclite affirme dans les fragments qu'il nous reste que tout ce qui est est soumis au devenir.

Tout est voué au changement, « tout coule », c'est pourquoi « on ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve ».

Seul le Logos à l'œuvre dans toute la réalité est capable d'unifier les différences qui habitent le monde sensible.

Ainsi il faut savoir écouter le Logos pour se forger un savoir vrai. b.

Diogène Laërce affirme au sujet de Protagoras que « le premier il dit que sur toute chose il y a deux discours qui se contredisent l'un l'autre » (cf.

D. Laërce, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres).

Protagoras est un sophiste, et le thème du discours double se trouve dans ses Antilogies.

Le sentiment de la contradiction dont est susceptible tout discours a été conforté chez Protagoras.

Il s'appuie ainsi sur la pratique de la démocratie athénienne, où la décision politique, devant l'Assemblée du peuple, est toujours discutée.

La décision est toujours discutable, c'est-à-dire réversible et modifiable.

Cette versatilité sera un des reproches qu'Aristophane adressera au peuple (demos).

Une assemblée nombreuse est rarement unanime ; les avis sont en général partagés et le propre d'un régime démocratique est de comporter une opposition, c'est-à-dire d'accepter la légitimité possible d'un discours contraire à celui du pouvoir en place.

Le débat politique lui-même, où le peuple écoute les discours opposés des deux partis qui s'affrontent, montre bien que « sur toute chose il y a deux discours qui se contredisent l'un l'autre ».

Protagoras parlera bien de deux discours ; car en effet, toute guerre n'oppose toujours que deux camps : « bellum=duellum ».

Il y a bien un relativisme protagoréen.

Celui-ci dira, pour montrer que tout savoir est fondé de manière subjective, que « l'homme est mesure de toutes choses.

Dès lors, chacun a une appréhension propre et personnelle des choses, et cela ne peut permettre au dialogue de s'orienter vers une vérité unique.

La sophistique raisonnait de manière dialogique.

Elle usait de cet art du dialogue, de la rhétorique (puissance de persuasion par la parole), afin d'amadouer ses interlocuteurs en toutes circonstances, et d'imposer sa conception c.

Le terme grec « Epokè » (arrêt, suspens) est spécifique à la philosophie des Sceptiques antiques, dont le fondateur est Pyrrhon d'Elis (365-275 av.

JC).

Ce n'est pas une remise en cause du monde extérieur.

Elle met simplement en doute l'exactitude des représentations.

L'Epokè est un véritable suspens, une interrogation infinie dans la recherche de la vérité.

Ce n'est pas un arrêt de la recherche, mais un refus de se prononcer sur la nature d'une chose. L'expression sceptique « ou mallon » désigne qu'une chose n'est pas plus ainsi qu'autrement.

Le sceptique fait dès lors un aveu d'impuissance face à la contrariété que l'esprit ne peut pas dominer.

Comme on ne peut pas décider, on se réduit à l'indifférence.

Et le résultat fondamental de ce mode de penser et de vivre est l'ataraxie, ou absence de troubles, permettant à l'esprit d'être totalement en repos, et non plus inquiété par les contradictions qui jalonnent le savoir et le monde. d.

Le scepticisme utilise la raison pour la dénoncer.

Elle utilise les armes de ses adversaires (la raison dogmatique) pour les retourner contre eux.

En montrant la permanence de la contradiction, la méthode sceptique purifie la raison de toute prétention dogmatique, de tout préjugé propre à la spontanéité de l'esprit humain.

Toute la force du doute réside dans la présentation de l'impuissance de l'homme à déterminer la vérité d'une chose.

Et c'est là toute la critique des sceptiques envers les philosophes dogmatiques.

Il faut prendre « la vie pour guide non philosophique » (Sextus Empiricus, Contre les Moralistes, 165).

Ainsi l'action elle-même ne peut être soumise au doute.

C'est l'idée qu'introduira au 17 e siècle Descartes, quand il affirmera que « nous ne devons point user de ce doute pour la conduite de nos actions » (Principes de la philosophie, I, 1 et I, 3).

Pascal dira de son côté que « le pyrrhonisme est le vrai », puisque l'intérêt du scepticisme pour lui c'est de forcer la raison à s'humilier (permet à Pascal de fortifier la foi). II.

La contradiction est en toutes choses a.

L'entendement distingue sa réflexion subjective de la vérité même, il ne se voit pas lui-même dans le phénomène, dans l'objectalité qui pour lui a sa dynamique propre.

C'est grâce à l'erreur que la conscience naturelle, ou naïve, en arrive à réfléchir sur ses observations.

Cette conscience établit des déterminations universelles au regard de la vie multiforme et infiniment variée qu'elle observe dans ces particularités.

La conscience empirique s'attribue l'erreur, puisque son but, sa satisfaction, est de conserver la positivité abstraite des êtres, leur égalité à soi.

L'objet étant toujours déjà là dans le monde, c'est au sujet qu'il revient d'abolir la contradiction qui menace la positivité.

Le sujet tient ainsi déjà une réflexion sur lui-même, puisqu'en tant qu'engagé dans un monde, il se tient pour seul responsable des illusions qui peuvent l'affecter.

Dès lors, il constatera rapidement, en observant un bâton dans l'eau, que celui-ci est brisé ; mais il déterminera qu'il n'est brisé que pour lui-même, et non en soi.

Il faut abolir la contradiction, et cette expérience est à l'origine de ce principe formel qui est le principe de non-contradiction. b.

Avec Hegel, le mérite des sceptiques, c'est de vider la logique finie de l'entendement (qui a une attitude dogmatique) en éclairant les contradictions motrices du monde.

Mais l'aspect négatif est que le sceptique ne voit pas que la contradiction est contradiction de quelque chose et qu'ainsi elle se dépasse et se surpasse elle-même.

Le négatif devient ici une fin en soi et n'est plus pensé comme un moment.

Pour Hegel, la contradiction est cette puissance omniprésente dans la constitution de l'être et de la pensée, dans le savoir véritable (préface Phénoménologie de l'Esprit), et la déceler, c'est s'orienter vers une connaissance positive. c.

Union du réel et du rationnel : Hegel dira que « ce qui est réel est rationnel et ce qui est rationnel est réel » (préface Principes de la philosophie du droit).

Avec Hegel, il y a bien une rationalité immanente à la réalité concrète.

Mais on ne peut vouloir prétendre saisir la logique du monde en pensant un Dieu ou un absolu quelconque hors du monde sensible.

Car pour Hegel, la raison est à l'œuvre sur tous les plans de la vie, du réel.

Et ce réel n'est pas fixe, il est en perpétuelle transformation, puisque que c'est l'Esprit qui dans son auto déploiement dialectique et rationnel permet d'assigner un sens aux choses.

Le sujet et l'objet doivent s'unir pour une connaissance véritable (dépassement de l'empirisme et du rationalisme).

La dialectique est au principe de toute chose, dans l'ordre de la pensée et dans celui de l'être.

Elle seule permet de penser la réalité comme logique de l'absolu toujours en acte. Conclusion La réalité se trouve tellement multiple et changeante qu'il a été difficile pour les philosophes de la penser et surtout de la réduire à une logique de l'identité.

Aussi, le monde des idées apparaît soumis à une quantité de conceptions contradictoires, d'où l'impossibilité d'aboutir à un terrain d'entente (Sophistes, Sceptiques).

Des penseurs de l'entendement, qui dissèquent le monde pour mieux le penser, tentent à tout prix d'abolir la contradiction qui structure le réel (exemple du bâton dans l'eau) et de conserver une positivité des phénomènes.

C'est Hegel qui marquera un tournant capital en montrant que la contradiction est le moteur de toute vie (matérielle et spirituelle), et que seul son dépassement peut donner la possibilité d'entrevoir une identité parfaite, ou spéculative.. »

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