La conscience nous isole t'elle du reste du monde ?
Extrait du document
«
Introduction
De manière spontanée, la conscience nous donne un monde, nous permet l'accès à celui-ci, nous manifestant
comme pris dans ce monde de manière naturelle, immédiate.
Et pourtant, la nature psychologique même de la
conscience indique bien une différence de nature possible avec le monde, que traduisent nos possibilités
d'introspection, de réflexion, qui appréhendent le monde sans pour autant s'y impliquer de façon matérielle.
Dès lors,
comment articuler ce sentiment d'appartenance au monde que fournit la conscience à cette nature qui apparaît
comme différente de la matérialité du monde ? Serait-ce que la séparation est le mode même de relation que la
conscience installe entre le sujet et son monde ?
I La conscience comme provenant du monde, et y faisant retour : Freud et Husserl
-Freud : La conscience est un instrument de régulation de l'énergie libre du psychisme inconscient, laquelle est
alimentée par les excitations nerveuses du corps, elles-mêmes provoquées par les rencontres avec le monde
extérieur (L'Interprétation des rêves).
Dès lors, la conscience ne peut être séparé du monde environnant : elle est
ce procédé de liaison et de formation de l'énergie psychique directement connectée au monde qui nous entoure.
-Husserl : même dans sa production phénoménale, psychologique, la conscience ne se résume pas à sa différence
de nature avec le monde matériel.
En effet, comme le montre Husserl dans les Méditations cartésiennes, la
conscience permet un accès, une ouverture au monde extérieur en tant qu'extérieur.
Dès lors, la nature
essentiellement relationnelle de la conscience implique nécessairement une association au monde extérieur.
Toute conscience est conscience de quelque chose (Husserl).
On trouve cette citation dans la seconde partie des « Méditations
cartésiennes » (1929).
Husserl (1859-1938) est le fondateur de la
phénoménologie et le précurseur de ce que l'on nomme l'existentialisme.
Le mot d'ordre de la phénoménologie est le retour aux choses mêmes.
Il s'agit
de se battre contre une conception positiviste de la science et contre les
faux savoirs, pour s'interroger à nouveaux frais sur la façon dot les choses
nous apparaissent.
Notre citation apparaît dans les « Méditations métaphysiques ».
Le titre dit
assez que Husserl entend se réapproprier le projet cartésien de fonder les
sciences.
Mais il tente aussi, dans ce qu'il nomme « les temps de détresse »,
de fonder une véritable science de l'esprit, en se battant à la fois contre le «
psychologisme » et contre le modèle des sciences objectives de la nature.
« Partout à notre époque se manifeste le besoin pressant d'une
compréhension de l'esprit […] Ma conviction est que la phénoménologie a fait
la première fois de l'esprit en tant qu'esprit le champ d'une expérience et
d'une science systématique, et opéré par-là le retournement total de la tâche
de la connaissance.
»
On retrouve donc, au départ de notre texte, la même exigence de rigueur, de
radicalité que chez Descartes.
Husserl aussi pratique une sorte de doute qui
consiste à suspendre notre croyance naïve et naturelle au monde et à son
existence.
Lui aussi découvre comme première certitude le « Je pense ».
Mais Descartes était pressé de fonder la science de son temps, et s'il découvrait le dualisme, il faisait de la
conscience une chose qui pense.
Descartes établissait une sorte de parallèle entre la « chose étendue », le corps,
et la « chose qui pense », la conscience.
Husserl reste attentif à une propriété remarquable de la conscience : « Toute conscience est conscience de
quelque chose ».
Chaque fois que je pense, je pense bien à quelque chose.
Cela veut dire que le « Je », la conscience vise toujours
autre chose qu'elle-même.
La conscience, si l'on veut, n'est jamais enfermée en elle-même, elle est toujours le
mouvement de se dépasser vers autre chose, vers un objet.
Que la conscience soit toujours en mouvement vers
autre chose, cela signifie que toute activité psychique est toujours dirigée vers autre chose qu'elle-même.
On ne
peut plus, comme tendait à le faire Descartes, assimiler la conscience à une chose ou à une intériorité.
Précisément, ce qui différencie la conscience de toutes les choses, de tous les objets –qui sont ce qu'ils sont- c'est
son caractère dynamique, qui fait qu'elle est toujours rapport à autre chose qu'elle-même, dépassement,
mouvement, vers un autre.
La pensée porte toujours un rapport au monde.
Etre conscient, c'est d'abord être
présent au monde.
Les existentialistes (surtout Sartre) seront particulièrement attentifs à ce que Husserl nomme « intentionnalité », et
qui désigne ce caractère de la conscience d'être toujours conscience de.
Voici comment Sartre commente cette
formule : « Connaître, c'est s'éclater vers », s'arracher à la moite intimité gastrique pour filer là-bas, par delà soi ,
vers ce qui n'est pas soi, là-bas près de l'arbre, et cependant hors de lui .»
La pensée est décrite ici en terme de mouvement, de dynamique, et non plus de « moite intimité ».
Non seulement il n'y a pas de commune mesure entre les propriétés de la matière et celles de la pensée, mais il faut
ajouter que les choses et la conscience n'ont pas la même manière d'être.
L'existence propre de la conscience est
cette capacité de se transcender, de se projeter vers autre chose, de porter un rapport au monde auquel, par-là
même, elle est présente..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La conscience m'isole-t-elle du monde ?
- En quel sens peut-on dire que le monde est dans ma conscience ?
- Peut-on séparer la conscience du monde ?
- La conscience comme relation au monde, au corps, à autrui
- Faut-il nier le monde pour découvrir sa conscience ?