La conscience ne s'exerce-t-elle que dans la négation ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
Définition des termes et problématisation : La conscience signifie, non seulement le sentiment que nous
avons d'exister et ce qui relie nos différentes pensées et actions en un même sujet, mais aussi le sens moral, ce qui
juge nos actions bonnes ou mauvaises.
La conscience est donc soit un sentiment intérieur lié à notre existence et
rendant possible notre identité soit un tribunal intérieur.
Dans le premier sens l'exercice de la conscience ne semble
pas générer une quelconque opposition.
Il y a une forme d'immédiateté dans la conscience que j'ai de mon existence
et de mon identité.
La relation que j'entretiens avec ma conscience ne peut être qualifiée de négation, au contraire
la conscience dans ce cas participe bien plus à l'affirmation du sujet.
La deuxième acception de la conscience, à
savoir le tribunal intérieur, introduit-elle une relation de négation entre l'homme et sa conscience ? Pour répondre
correctement à cette question il faut définir la négation.
Elle peut signifier l'opposition, le contraire, la destruction
ou la différence.
La négation comprise comme opposition pourrait s'appliquer à la conscience quand celle-ci nous
exhorte à faire quelque chose que l'on ne veut pas faire.
Il peut donc bien exister une relation conflictuelle entre
l'homme et sa conscience.
La négation peut signifier également différence, elle possède alors un sens plus faible que
le précédent.
La conscience et l'homme seront différenciés sans que, de cette différence, découle un conflit.
Peuton réduire la conscience à la mauvaise conscience ? Dans ce cas l'exercice de la conscience ne serait que négatif
dans la mesure où il exercerait une contrainte sur l'individu, réparer le tort qu'il a commis par exemple.
Mais il semble
périlleux d'effectuer cette réduction parce que l'accord entre l'homme et la conscience serait rendu impossible.
La
possibilité de la bonne conscience suffit-elle à mettre en doute l'exercice exclusivement négatif de la conscience ?
La bonne conscience est le plus souvent mise en doute et identifiée à la mauvaise foi.
L'individu s'efforçant de croire
à l'harmonie entre ses actions et ce que lui dicte sa conscience.
Le soupçon pesant sur la bonne conscience suffit-il
à exclure la possibilité d'un rapport harmonieux entre l'homme et sa conscience ? Le premier sens de la conscience
s'oppose à la réduction de l'exercice de la conscience à la négation.
Il faut donc confronter les différents sens de la
conscience et de la négation afin de pouvoir décider de la nature de la relation de l'homme à sa conscience.
Première partie : Le rapport de l'homme à sa conscience est le plus souvent un rapport d'opposition.
1.1 La conscience est ressentie comme une menace.
« Tout homme a une conscience et se trouve observé, menacé, de manière générale tenu en
respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas
quelque chose de forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est inhérente à son être.
Elle le suit comme son
ombre quand il pense lui échapper.
Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s'étourdir ou
s'endormir, mais il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller, dès lors qu'il en perçoit la
voix terrible.
Il est bien possible à l'homme de tomber dans la plus extrême abjection où il ne se soucie plus de
cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l'entendre.
» KANT, Doctrine de la Vertu.
1.1 La conscience s'oppose aux passions.
« La conscience et la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps.
Est-il étonnant que souvent
ces deux langages se contredisent ? Et alors lequel faut-il écouter ? Trop souvent la raison nous trompe, nous
n'avons que trop acquis le droit de la récuser ; mais la conscience ne trompe jamais ; elle est le vrai guide de
l'homme, elle est à l'âme ce que l'instinct est au corps ; qui la suit, obéit à la nature, et ne craint point de
s'égarer.
» ROUSSEAU, Emile ou de l'éducation, IV.
Transition : l'exercice de la conscience met en lumière une opposition entre l'homme et sa conscience.
Il
semblerait qu'il y ait une dualité en l'homme, à la fois il est porté à écouter sa conscience et agir conformément à
elle et il est également poussé à suivre ses passions qui entrent en contradiction avec sa conscience.
Doit-on en
conclure une scission à l'intérieur de l'individu ou bien faut-il examiner un autre sens de la conscience pour résoudre
cette dualité ?
Deuxième partie : La conscience comme mémoire est la condition de l'unité du moi.
2.1 La conscience permet la liaison entre le passé et l'avenir et nous permet de ne pas être dissout dans le
changement.
Elle est donc distincte d'une force destructrice ou négatrice.
« La conscience signifie d'abord mémoire.
La mémoire peut manquer d'ampleur; elle peut n'embrasser qu'une
faible partie du passé; elle peut ne retenir que ce qui vient d'arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la
conscience n'y est pas.
Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse
elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience ? Quand Leibniz
disait de la matière que c'est " un esprit instantané ", ne la déclarait-il pas, bon gré, mal gré, insensible ? Toute
conscience est donc mémoire - conservation et accumulation du passé dans le présent.
Mais toute
conscience est anticipation de l'avenir.
Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment : vous
trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être.
L'attention est une attente, et il n'y a
pas de conscience sans une certaine attention à la vie.
L'avenir est là ; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui :
cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons
continuellement.
Toute action est un empiétement sur l'avenir.
Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce
qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience.
Il n'y aurait pas pour elle de présent, si
le présent se réduisait à l'instant mathématique.
Cet instant n'est que la limite, purement théorique, qui sépare le.
»
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