La conscience morale provient-elle de l'épreuve de la faute ?
Extrait du document
«
PREMIERE CORRECTION
Définition des termes du sujet
La notion de « conscience morale » est traditionnelle en philosophie.
Elle désigne une forme de conscience que
l'homme a – ou acquiert – sur le caractère moral de ses actes.
Ce caractère moral peut être très diversement
compris, par exemple comme une adéquation aux conventions morales dominantes, ou comme une adéquation à des
lois naturelles qui auraient des incidences dans le domaine des conduites humaines.
Provenir, c'est tirer son origine de, découler de : la question ici porte bien sur les origines de l'existence de la
conscience morale.
Le mot « épreuve » a un sens fort : il est, littéralement, ce qui éprouve l'individu, ce qui le contraint à une forme de
test ou d'examen, ce qui le remet en cause.
Le mot « faute » a également un sens fort : une faute est une erreur morale et dont le sujet est entièrement
responsable.
Dans un contexte chrétien, on pourrait rapprocher la notion de faute de celle de péché : une faute est
nécessairement grave, et il faut en répondre.
La question est ici celle de l'origine de la conscience morale, le sujet orientant d'emblée cette question sur une
réponse particulière et qui ne va pas de soi: l'origine de la conscience morale, c'est l'épreuve de la faute.
La
question demande donc à être résolue par un examen critique de cette réponse possible.
Comment penser l'origine de la conscience morale ? La formulation présuppose que la conscience morale n'advient
pas à l'existence par elle-même, mais naît d'une certaine expérience, conçue comme une épreuve : celle de la faute.
On se trouverait alors devant le paradoxe suivant : ce qui doit préserver de la faute naît de la faute elle-même, et
n'advient en l'homme que lorsque ce dernier commet une transgression.
Mais ne pourrait-on pas concevoir plutôt une existence de la conscience morale indépendante de toute chose
extérieure à elle-même ? Pourrait-on par exemple poser que l'homme possède d'emblée une conscience morale, et
que c'est la faute qui se définit par rapport à la conscience morale et non l'inverse ? Considérer cela serait prendre
sur la conscience morale un point de vue inverse de celui que présuppose le sujet.
Le sujet ouvre donc deux perspectives opposées l'une à l'autre, qu'il faudra examiner toutes les deux afin de pouvoir
les comparer et éventuellement trancher pour l'une ou l'autre.
Références utiles
Kant, Sur un prétendu droit de mentir par humanité
Platon, Gorgias
Textes à utiliser
Rousseau, Profession de foi du vicaire savoyard
« Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné,
mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais
l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des
bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison
sans principe.
Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être hommes sans
être savants ; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus
assuré dans ce dédale immense des opinions humaines.
Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le
reconnaître et le suivre.
S'il parle à tous les coeurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh ! c'est qu'il
nous parle la langue de la nature, que tout nous a fait oublier.
La conscience est timide, elle aime la retraite et la
paix ; le monde et le bruit l'épouvantent : les préjuges dont on la fait naître sont ses plus cruels ennemis ; elle fuit
ou se tait devant eux : leur voix bruyante étouffe la sienne et l'empêche de se faire entendre ; le fanatisme ose la
contrefaire, et dicter le crime en son nom.
Elle se rebute enfin à force d'être éconduite ; elle ne nous parle plus, elle
ne nous répond plus, et, après de si longs mépris pour elle, il en coûte autant de la rappeler qu'il en coûta de la
bannir.
»
Hobbes
« Une doctrine inconciliable avec la société civile, c'est que chaque fois qu'un homme agit contre sa conscience,
c'est une faute.
Cette doctrine repose sur la présomption par laquelle on se fait soi-même juge du bien et du mal.
En effet, la conscience d'un homme et son jugement, c'est tout un.
Et la conscience, comme le jugement, peut être.
»
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