La conscience est-elle naturelle ?
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Introduction
Il faut ici remarquer l'ambiguïté propre au sujet : la conscience peut désigner la conscience psychologique, prise
comme phénomène nous apparaissant spontanément, ou la conscience morale, qui nous indique les critères de
valeur du bien et du mal.
La question se pose donc aux deux niveaux : la conscience qui nous est donnée fait-elle
partie de la nature de l'homme et du monde ? Et la conscience morale nous est-elle innée, donnée selon notre
nature d'être humain, ou ne peut-elle se comprendre que comme construction symbolique (conventionnelle, établie
selon un accord entre les hommes) nécessairement inscrite dans une société des hommes ? De plus, quel lien peuton établir entre cette conscience psychologique et cette conscience morale ?
I La conscience comme phénomène psychologique : une production physiologique qui peut s'abstraire du
monde naturel, Freud et Husserl
-Freud : dans L'Interprétation des rêves, Freud expose une conception scientifique descriptive de la conscience.
Il
s'agit ici de partir du donné physiologique du corps humain pour préciser la genèse de la conscience.
Freud explique
ainsi que l'appareil psychique humain se compose de trois strates : l'inconscient, le pré-conscient et le conscient.
La
conscience émerge d'une vie psychique inconsciente, dont l'énergie provient des excitations nerveuses du corps.
L'approche est donc psycho-somatique (l'esprit nécessairement associé au corps) : le conscient a pour fonction de
venir réguler la vie psychique non formée de l'homme.
Dès lors, la conscience se présente comme production
naturelle provenant de la constitution de l'être humain.
-Husserl : Le but d'Husserl n'est pas d'étudier la production physiologique et psychique de la conscience.
Prenant la
conscience comme un donné propre à l'existence humaine, il en fait la structure naturelle du rapport de l'homme et
du monde.
Mais cette nature du rapport est paradoxale : elle relève d'une nature humaine "dénaturée", c'est-à-dire
pouvant s'abstraire de la structure du monde.
Cette dernière est présentée comme nature contingente (pouvant ne
pas être), tandis que la nature de la conscience, s'opposant à la nature du monde, est nécessaire (Méditations
cartésiennes).
II La conscience morale comme héritant de l'ambiguïté de la naturalité de la conscience psychologique
stricte : Rousseau et Leibniz
-Rousseau : la conscience morale se présente comme un sentiment naturel.
Les notions de bien et de mal nous sont
donnés par la nature.
Cette voix de la conscience, que Rousseau nomme "voix de la nature" (Emile ou De
l'éducation), est un phénomène spontané, présent en chaque homme, de même qu'au niveau physiologique Freud
décrivait l'émergence de la conscience psychologique dans tout être humain.
Mais, de même que Husserl installait
une rupture entre nature de la conscience et nature du monde empirique, Rousseau affirme que cette naturalité de
la conscience morale rend l'homme semblable à Dieu, le distinguant du reste de la Création.
"Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ;
guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge
infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est
toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans
toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le
triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un
entendement sans règle et d'une raison sans principe.
Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de
philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés
de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres
frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions
humaines.
Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le
reconnaître et le suivre.
S'il parle à tous les coeurs, pourquoi donc y en
a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh ! c'est qu'il parle la langue de la nature
que tout nous a fait oublier.
La conscience est timide, elle aime la
retraite et la paix ; le monde et le bruit l'épouvantent ; les préjugés
dont on l'a fait naître sont ses plus cruels ennemis [...], le fanatisme
ose la contrefaire et dicter le crime en son nom." ROUSSEAU
• Le problème posé par le texte
Il est facile de constater la diversité historique et géographique des moeurs ("dédale immense des opinions
humaines").
Peut-elle constituer un argument contre l'idée qu'il existe des principes moraux universels, susceptibles
de guider tous les hommes de la même façon ? Autrement dit, la diversité des moeurs peut-elle justifier un
relativisme qui rendrait incertaine l'idée même de moralité ?
Par le terme de « conscience », le texte désigne donc exclusivement la conscience morale..
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