La conscience est-elle donnée ou s'acquiert-elle ?
Extrait du document
«
Définitions:
Donnée:
-ce qui est accordé sans contrepartie
-ce qui n'est pas construit ou acquis
La conscience vient du latin conscientia, qui signifie « accompagné » (cum) de « savoir » (scire).
Être conscient
signifie donc que lorsque l'on sent, pense, agit, on sait que l'on sent, pense ou agit.
Mais il convient de distinguer la
conscience directe ou immédiate, qui accompagne ainsi tous les actes du sujet, de la conscience réfléchie,
conscience qui se saisit elle-même comme conscience.
La première consiste à « avoir conscience », tandis que la
seconde consiste à « être conscient d'avoir conscience ».
Le passage de l'un à l'autre serait le fait de « prendre
conscience ».
Inné:
Du latin innatus, « né dans », « naturel » (de nasci, « naître »).
Ce avec quoi l'on naît, ce que l'on possède à la
naissance (contraire : acquis).
1 Je suis ce que j'ai conscience d'être
Il est dans notre vie intérieure des moments intermédiaires, comme ceux de l'éveil ou de l'assoupissement, où notre
conscience semble se dissoudre.
Proust est l'écrivain par excellence de ces fugitives éclipses.
Ainsi dans les
premières pages Du côté de chez Swann le narrateur remarque qu'alors qu'il était encore un jeune enfant il suffisait
que son sommeil fut profond et que son esprit soit complètement détendu pour que, lorsqu'il s'éveillait au milieu de la
nuit il se sente totalement désemparé.
«J'ignorais, dit-il, où je me trouvais, je ne savais même pas au premier
instant qui j'étais.» A l'opposé de cette inquiétante disparition, avoir conscience est, au sens propre, «se savoir
avec soi».
La conscience est ce ressaisissement qui me permet, dans la clarté retrouvée de la raison, de coïncider
avec moi-même et qui m'autorise donc à affirmer que «je suis ce que j'ai conscience d'être».
La conscience est une donnée du sens intime
De Montaigne à Valéry, en passant par les Confessions de Jean-Jacques Rousseau ou l'Adolphe de Benjamin
Constant, tout un courant littéraire, où le journal intime se fonde sur l'introspection, témoigne de cette volonté de
faire venir à la conscience les méandres infinis du moi.
«Moi je me roule en moi-même» déclare Montaigne dans ses
Essais, tandis que le tout intellectualisé Monsieur Teste de Valéry affirme «je suis chez moi, je parle ma langue».
Cette affirmation de l'existence d'un monde intérieur que nous portons en chacun de nous se trouve aussi au coeur
de toute grande philosophie de la connaissance et de la volonté.
Mais nul mieux que Bergson n'a su montrer que la
conscience est une «donnée» immédiate, livrée directement à soi-même par l'expérience psychologique de
l'intériorité, sans que soit nécessaire, bien au contraire, le recours à un savoir médiatisé qui emprunterait ses
modalités à la science.
Il n'y a, en effet, rien de plus immédiatement donné, rien de plus évidemment réel que la
conscience et, il semble, pour reprendre une imagerie poétique de Bergson, que la plongée dans le flux de la
conscience nous permette d'atteindre à la vraie nature du fait psychique comme qualité pure immergée dans la
durée et où le moi vivant — rentré en lui-même — fait l'expérience fulgurante de la liberté.
Le cogito ou la coïncidence de l'être et de la conscience
Si Bergson croit en cette possibilité qu'a la conscience de se livrer à elle-même
par une sorte de regard intérieur, il n'en affirme pas pour autant la coïncidence
de l'être et de la conscience.
C'est que son approche n'est pas tant
métaphysique que psychologique: la conscience n'est qu'une simple expérience
du sens intime.
C'est seulement chez Descartes que la conscience jouit d'une
nécessité ontologique exceptionnelle.
Non seulement elle se donne
immédiatement telle qu'elle est, mais encore elle se donne en tant que réalité
incontestable et absolument indépendante puisqu'elle persiste dans la ruine des
déterminations concernant le monde et le corps.
Alors même que je doute de
tout, je suis assuré d'être grâce à la conscience que j'ai d'être une chose qui
pense.
Ainsi, selon cette approche traditionnelle de la philosophie classique, si
tout ce qui est extérieur à moi-même vacille et disparaît, il n'en reste pas moins,
échappant à cet évanouissement général, un îlot de conscience, présence
intérieure et ultime de l'être, où la conscience qui dit je est coextensive au
doute (je doute), à la pensée (je pense) et à l'existence (je suis).
Je suis dans
ce repli même de la conscience.
La conscience est rapport au monde, à autrui
Mais la conscience est-elle vraiment une substance, quelque chose ayant une
consistance, une permanence et qui se maintiendrait (substare) dans l'espace et
le temps ? On peut au contraire concevoir que la conscience n'a ni forme ni contenu déterminés, qu'elle est
incessante activité, ouverture sur le monde.
Descartes lui-même n'affirme-t-il pas dans sa Méditation seconde.
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