La conscience de soi est certaine de soi-même, seulement par la suppression de cet autre qui se présente à elle comme vie indépendante... HEGEL
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«
La conscience de soi est certaine de soi-même, seulement par la suppression de
cet autre qui se présente à elle comme vie indépendante...
Qu’autrui existe semble être pour la pensée contemporaine une évidence.
Pourtant, l’idée
d’un isolement de la conscience a longtemps persisté.
C ‘est, sans doute, parce que l’esprit
des philosophes était obsédé par le problème de la recherche de la vérité.
D’où l’opposition
entre, d’un côté, le sujet connaissant et, de l’autre, le monde à connaître.
Dans cette
confrontation, la présence d’un tiers, à l’exception de Dieu, était exclue.
Le thème de l’altérité apparaît chez Kant dans ses considérations sur la moralité, mais
surtout chez Hegel dans « La phénoménologie de l’esprit ».
C’est dans cet ouvrage – où
Hegel décrit le mouvement dialectique de la conscience, depuis la naïveté première de la «
certitude sensible » jusqu’à l’universalité du « savoir absolu », ultime moment où la
conscience prend conscience de sa liberté – que se trouve la fameuse dialectique du
maître & de l’esclave.
On peut y lire : « La conscience de soi est certaine de soi-même,
seulement par la suppression de cet Autre qui se présente à elle comme vie indépendante ; elle est désir.
»
La conscience, dans son rapport immédiat avec elle-même, n’est que l’identité vide du Je = Je, une tautologie sans
contenu.
Toute conscience rencontre autrui, l’Autre, une autre conscience de soi.
Il n’y a, en fait, de véritable
conscience de soi que moyennant le retour à soi à partir de cet « être-autre ».
Autrement dit, la conscience de soi
serait impossible dans un monde où autrui n’existerait pas.
Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l’être autre, elle ne peut d’abord l’être que par la
négation de l’autre.
Autrement dit, la relation à autrui se présente d’emblée comme une affaire de conflit.
Le « moi » de
l’enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s’opposant au non-moi ? N’est-ce pas dans l’opposition à ses parents
que l’enfant forge sa personnalité ? Toute conscience est désir de reconnaissance de soi et la satisfaction de ce désir
ne peut advenir que moyennant la suppression de l’autre, en tant qu’être indépendant.
Le premier mouvement du désir serait de détruire et de consommer l’objet.
mais, dans cette expérience, je découvre
que mon désir est conditionné par cet objet et que je suis donc dépendant de cet objet que j’avais, pourtant nié : «
Le désir et la certitude de soi atteinte dans la satisfaction du désir sont conditionnés par l’objet ; en effet la
satisfaction a lieu par la suppression de cet autre.
Pour que cette suppression soit, cet autre aussi doit être.
»
Loin d’atteindre la satisfaction complète et définitive, je découvre que, la satisfaction obtenue, le désir renaît,
marquant toujours davantage ma dépendance à l’égard de l’objet, de cet Autre que j’avais annihilé : « La conscience
de soi ne peut donc pas supprimer l’objet par son rapport négatif à lui ; par là elle le reproduit plutôt comme elle
reproduit le désir.
»
Dans ce cercle infini et infernal du désir, c'est-à-dire de « ce retour alterné et monotone du désir et de sa satisfaction
par laquelle le sujet retombe sans cesse en lui-même et sans supprimer la contradiction », la conscience découvre
qu’elle ne peut se ressaisir que dans une autre conscience de soi.
La dialectique même du désir le conduit à son propre
dépassement : de la pure consommation de l’objet à l’intersubjectivité.
Le désir n’est plus seulement rapport égoïste de
soi à soi, mais position de l’autre comme être indépendant et libre.
Je ne peux me reconnaître que si je reconnais
l’autre et réciproquement : « L’opération est donc à double sens, non pas seulement en tant qu’elle est aussi bien une
opération sur soi que sur l’autre, mais aussi en tant qu’elle est, dans son indivisibilité, aussi bien l’opération de l’une des
consciences de soi que de l’autre.
»
Ce mouvement de la conscience de soi trouve une illustration dans la fameuse dialectique du Maître & de l’Esclave –
dialectique qui peut se lire comme une reconstitution, sans caractère historique, du déroulement de l’histoire réelle des
hommes.
Le point de départ de cette dialectique, c’est que toute conscience est désir de reconnaissance, désir qui passe
d’abord par la négation de l’autre.
toute conscience poursuit la mort de l’autre, afin de se faire reconnaître et de se
reconnaître elle-même au risque de sa propre vie, comme libre et indépendante de toute attache sensible : « C’est
seulement par le risque de sa vie qu’on conserve la liberté, qu’on prouve que l’essence de la conscience de soi […]
n’est pas le mode immédiat dans lequel la conscience de soi surgit d’abord, n’est pas son enfoncement dans l’expansion
de la vie.
»
Autrement dit, il s’agit pour chaque conscience de se prouver qu’elle n’est pas de l’ordre de l’en-soi (mode de
l’existence des choses), pure immédiateté, mais qu’elle est seulement un pur être-pour-soi, une personne qui a une
valeur, une dignité : « L’individu qui n’a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n’a pas
atteint la vérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d’une conscience de soi indépendante.
»
A l’issue de cette lutte décisive pour la reconnaissance de soi, la conscience qui n’a pas eu peur de la mort, qui est
allée jusqu’au bout dans le risque de la mort, prend la figure du Maître.
L’autre, qui a préféré la vie à la liberté, entre
dans le rapport de servitude.
L’Esclave n’est plus qu’un instrument aux mains du Maître qui l’a épargné.
Il a perdu toute
dignité.
Mais, en travaillant, l’Esclave transforme le monde.
Il peut ainsi se reconnaître dans ce monde qui, par son
travail transformateur, porte la marque de son intériorité.
Jouissant, de cette manière, de lui-même comme d’une
réalité extérieure, il accède alors à une certaine reconnaissance de soi et par là même à la dignité.
En outre, en
transformant le monde, il crée quelque chose de stable et de durable en dehors de lui et se libère de l’angoisse de la
mort qui le liait au monde sensible et qui avait fait de lui un esclave.
En revanche, le Maître, se contentant de
consommer et de détruire les produits du travail de l’Esclave, affirme toujours davantage sa dépendance à l’égard de.
»
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