La connaissance scientifique vous paraît-elle pouvoir tenir lieu de philosophie ?
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«
La connaissance scientifique vous paraît-elle pouvoir tenir lieu de philosophie ?
Introduction.
L'école positiviste a prétendu ramener à la connaissance scientifique toute la vie intellectuelle de
l'homme.
Toutefois COMTE lui-même faisait encore une certaine place à la Philosophie, mais sur le même plan
(positif) que la Science, comme « étude des généralités scientifiques ».
Certains positivistes, comme E.
GOBLOT,
sont allés plus loin : la Philosophie ne serait « qu'un résidu », que « la partie de la connaissance humaine qui n'a pas
encore réussi à revêtir les caractères et à prendre la valeur de la science » (Le système des sciences, p.
213); elle
serait destinée à se résorber dans la science.
I.
Les arguments du positivisme.
Discussion.
Les arguments du positivisme sont de valeur très inégale.
A.
— Nous négligerons l'argument, allégué par COMTE, de la « loi des trois états » : la connaissance humaine
passerait successivement par « l'état théologique », puis par « l'état métaphysique », enfin par « l'état positif» qui
serait l'état définitif de la pensée humaine et exclurait, sauf la réserve indiquée ci-dessus, toute recherche autre
que la recherche scientifique.
— Cet argument repose en effet : à) sur une « philosophie de l'histoire » très
discutable : un siècle après COMTE, ni la pensée « théologique », ni la métaphysique n'ont, en fait (et ceci est
important pour une doctrine qui ramène tout aux faits), disparu et manifestent même aujourd'hui une vitalité
indéniable; — b) sur la notion d'un « progrès » linéaire de l'humanité, qui a fait place dans la pensée contemporaine
à celle d'une typologie reconnaissant des formes de pensée diverses et non nécessairement liées l'une à l'autre sous
la forme d'une genèse ou d'une succession historique.
B.
— Un argument plus sérieux serait celui de GOBLOT, selon lequel la Science « utilise tous les moyens de connaître
» [entendez : tous les moyens valables], de sorte qu' « il n'y a pas de connaissance qui ne soit pas scientifique, dès
qu'elle a été soumise à la critique.
Il ne peut y avoir de vérité ni même de probabilité et de vraisemblance en dehors
de la Science.
Toute pensée qui a quelque valeur logique, parfaite ou imparfaite, est par là même Science ».
— Mais
une telle affirmation suppose résolu le problème à examiner.
Comment soutenir en effet que seul le type de
connaissance représenté par la Science est valable, sans porter un jugement sur la valeur de nos moyens de
connaître, jugement qui n'est plus d'ordre scientifique, mais d'ordre philosophique ?
II.
Le problème de la connaissance.
Nous apercevons ainsi une première raison de considérer la connaissance scientifique comme insuffisante.
A.
— LES PROBLÈMES MÉTHODOLOGIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIQUE.
Cette connaissance emploie en effet un ensemble
de méthodes et de procédés qui, sans doute, ont été mis au point, au cours de son développement, par les savants
eux-mêmes, mais dont on est en droit de se demander quelle est la valeur.
Les Mathématiques reposent sur certains
principes : axiomes, postulats, etc.
, dans lesquels on avait vu jadis des absolus, mais dont le progrès même de la
Science a conduit à mettre en question la portée et la signification.
Les Sciences expérimentales, qui énoncent des
lois, semblent impliquer le principe du déterminisme; mais ici encore le développement de la Science a amené les
savants à s'interroger sur la valeur ou tout au moins la signification de ce principe.
On peut en dire autant, dans les
Sciences biologiques, de l'idée de finalité.
Tous ces problèmes, qui sont des problèmes de méthodologie et
â'épistémologie, se posent à propos de la Science, mais ne sont pas des problèmes scientifiques; car ils impliquent
un point de vue tout autre que celui de la Science.
Celle-ci est positive : elle a pour objet les faits et les rapports
(lois) entre les faits.
Or les problèmes en question impliquent au contraire des jugements de valeur, des normes ou
des règles de la recherche, donc un point de vue axiologique ou normatif.
— Le problème proprement
épistémologique dépasse encore les problèmes méthodologiques.
Il y a assurément une vérité scientifique.
Mais il y a
peut-être, à l'intérieur de la vérité scientifique elle-même, différents types de vérité : vérité mathématique, vérité
expérimentale, vérité historique, etc.
Et d'autre part, que vaut cette vérité scientifique ? Est-elle relative ou
absolue ? Et si, comme il le semble bien, il faut la déclarer relative, en quel sens l'est-elle, et cette relativité
compromet-elle sa valeur ?
B.
— LE PROBLEME GNOSEOLOGIQUE.
Les problèmes qui précèdent nous introduisent à un problème plus général
encore.
La Science elle-même implique une certaine confiance en la Raison (par ex., dans la démonstration
mathématique) ou en l'Expérience (par ex., dans l'induction expérimentale), en même temps qu'une certaine
conception du rapport entre sujet connaissant et objet connu.
Que valent cette confiance, cette conception ? Quel
est leur fondement ? Est-il évident d'ailleurs qu'au-delà de la vérité scientifique, d'autres types de vérités, capables
d'atteindre aussi une certaine objectivité, ne soient pas possibles ? C'est ici le problème de la Vérité sous sa forme
la plus générale, le problème de la valeur de la connaissance dans son ensemble, en un mot le problème
gnoséologique, qui s'impose à nous.
C.
— INSTANCE : LES SCIENCES HUMAINES.
Les positivistes pourraient objecter que nous n'avons tenu compte
jusqu'ici que des Sciences de la nature.
Mais, diraient-ils, il s'est constitué depuis le XIXe siècle des Sciences de
l'homme, capables de répondre aux questions qu'on vient de poser.
La Psychologie analyse nos divers procédés de
connaissance et elle peut aboutir à une « épistémologie positive », inspirée d'un point de vue génétique et.
»
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