La connaissance scientifique progresse-t-elle par l'accumulation des faits ?
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«
LIRE LE SUJET Bien que le mot de théorie ne figure pas dans l'énoncé, ce sujet pose la question classique du
rapport entre théorie et faits dans la connaissance scientifique.
Introduction
A.
Comte observait que « c'est dans les lois des phénomènes que consiste réellement la science, à laquelle les
faits proprement dits, quelque exacts et nombreux qu'ils puissent être, ne fournissent jamais que d'indispensables
matériaux.
»
Le problème se pose donc de savoir quel est le rôle joué par les faits dans rétablissement de ces lois qui
constituent la science : est-ce simplement par l'accumulation de faits que progresse la connaissance scientifique ?
Mais de quelle sorte de faits s'agit-il ? N'importe quel fait peut-il faire progresser la connaissance scientifique ou bien
seulement certains d'entre eux ? Par ailleurs les faits seuls ne sauraient constituer une science, ils doivent s'inscrire
dans une théorie ; mais est-ce eux qui permettent d'élaborer les théories scientifiques et de les confirmer ou bien ne
sont-ils pas plutôt les produits des théories ? Telles sont les questions auxquelles il nous faut essayer de répondre.
1.
La théorie scientifique
Le mot théorie, en sciences, n'a évidemment pas le sens péjoratif que l'opinion lui prête souvent.
Qu'elle soit
scientifique ou non, toute théorie est d'abord un point de vue intellectuel (théoricien en grec signifie contempler).
Elle est, d'autre part, un ensemble d'idées coordonnées logiquement (cf.
la théorie freudienne de l'inconscient, la
théorie évolutionniste de Darwin), ou même systématisées mathématiquement (cf.
la théorie de la gravitation
universelle de Newton : la loi de la pesanteur, les lois de Kepler sur les mouvements des planètes, etc., y sont
déductibles mathématiquement).
Pour être scientifique, il ne suffit cependant pas qu'une théorie soit constituée de propositions, hypothèses ou lois
articulées de façon rigoureusement logique.
Elle doit l'être en effet, mais si elle n'était que cohérente la théorie
scientifique se confondrait avec les mathématiques.
Celles-ci procèdent par « construction de concepts » (Kant),
elles se donnent leurs objets, elles ne posent donc pas nécessairement la question de leur rapport au réel.
Au
contraire, une théorie n'est considérée comme scientifique que si elle est confrontée au domaine de la réalité dont
elle prétend apporter une certaine connaissance (la lumière, le vivant, tel comportement, etc.).
Elle a
nécessairement rapport à des faits.
Une théorie scientifique vise donc une certaine vérité, non une simple validité formelle.
On dit qu'elle est plus ou
moins vérifiée.
Mais il ne faudrait pas s'imaginer qu'il y a d'un côté une théorie, puis de l'autre des faits qui, ensuite,
viendraient éventuellement « dire » si la théorie est, ou non, vraie.
La démarche est plus complexe.
2.
Les faits scientifiques
a) C'est un fait !
L'opinion commune a souvent recours à un « fait » pour clore une discussion : « C'est un fait ! », dit-on ;
comprenons : inclinez-vous.
Mais le fait qui « saute aux yeux » n'a de sens que si je regarde dans sa direction et
parce que je l'introduis dans une pensée où il signifie quelque chose.
Il n'est jamais pure donnée dont le constat
instruirait miraculeusement la pensée.
Dans la mesure où il a un sens, il appartient à une théorie interprétative
implicite.
Même un exemple très simple le montre.
C'est un fait que « la Terre est ronde » ; mais c'est un fait aussi qu'elle «
est » plate, comme on le crut.
On ne le crut que parce que ce « fait » s'imposait, non en soi, mais dans un monde
où les significations sont portées par les perspectives que suggère, à une certaine époque, l'existence quotidienne.
Et, en ce sens, la Terre m'apparaît toujours plate, bien que je la sache ronde, mais d'une « rotondité » qui permet
justement de comprendre le « fait » qu'elle est plate d'un certain point de vue.
Une certaine forme de théorie est
déjà présente, qu'il est possible d'expliciter.
b) Le fait scientifique est inséparable d'une théorie
Sans énumérer tous les caractères du fait scientifique, il est nécessaire de mettre l'accent sur l'un d'entre eux, qui
éclaire la réflexion.
Le fait scientifique, G.
Bachelard l'a fortement souligné, est toujours explicitement et consciemment (à la
différence du fait préscientifique) élaboré, construit et pas seulement constaté ; il est saisi à l'aide d'instruments et
mesuré.
Le réel scientifique est réalisé, a-t-on dit, ou encore : les faits scientifiques sont faits.
Ces procédures ne
sont pas accessoires, mais bien constitutives de la démarche scientifique.
« Déjà l'observation, faisait remarquer Bachelard, a besoin d'un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant
de regarder, qui réforment du moins la première vision, de sorte que ce n'est jamais la première observation qui est
la bonne..
»
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