La connaissance est-elle un remède ?
Extrait du document
«
[1.
La connaissance comme culture.]
Si nous cherchons à connaître, c'est en ce sens pour connaître, pour échapper à la condition de
celui qui ne connaît pas.
Ainsi cette forme de connaissance qu'est la philosophie s'est-elle
constituée avec Platon contre les faux savoirs qui se ramènent à l'opinion.
L'opinion, c'est la pensée
que j'ai et que je ne puis fonder ou vérifier.
Celui qui cherche à connaître fuit l'opinion dont il se
satisfaisait auparavant alors qu'il demeurait dans l'ignorance.
Nous cherchons ainsi à connaître pour
nous cultiver, «car c'est bien le fait d'un homme cultivé, écrit Aristote au début des Parties des
animaux, que de porter un jugement qui tombe juste, sur la manière, correcte ou non, suivant
laquelle on fait un exposé».
La culture nous libère de l'opinion, de l'erreur et de l'ignorance, nous
permet d'exercer notre jugement et, de ce fait, de ne plus dépendre de l'avis d'autrui.
La
connaissance nous libère en nous permettant de penser par nous-mêmes.
[2.
L'inconnu et le connu.]
Il conviendrait encore de montrer en quoi la connaissance est préférable à l'erreur ou à l'ignorance.
Qu'est-ce que connaître en effet ? «Rien que cela, écrit Nietzsche dans Le Gai Savoir: quelque
chose d'étranger doit être ramené à quelque chose de connu.» Connaître, c'est reconnaître - et
Nietzsche rejoint ici Platon et sa théorie de la réminiscence (connaître, c'est, pour Platon, se
ressouvenir du monde des idées que nous avons autrefois fréquenté).
La connaissance ramène
l'inconnu, le nouveau, au connu, au familier.
C'est, écrit Nietzsche, un «instinct de crainte qui nous
pousse à connaître».
Nous voulons, par la connaissance, avancer les limites du monde connu, ne
pas laisser place à l'étrange, à l'irrationnel, comprendre ce monde dans lequel nous avons à vivre.
La
connaissance, en dehors de toute considération sur son utilité pratique, est ce qui nous permet de
rendre habitable ce monde et ainsi de prendre possession de lui.
[3.
La connaissance nuit à la bêtise.]
Connaître nous élève ainsi au-dessus du monde qu'embrasse notre esprit.
Un pouvoir est par là
conféré à celui qui connaît, en vertu de sa connaissance.
À cela tient le prestige du savant, du
philosophe ou de celui qui, plus généralement, connaît.
Car ce pouvoir n'est pas seulement celui de
saisir la vérité des choses, mais aussi celui de combattre l'ignorance, l'opinion ou l'erreur dans
lesquelles se complaît la foule peu soucieuse de connaître.
Ce pouvoir, ce rôle de la connaissance
est, suivant la formule de Nietzsche dans Le Gai Savoir, celui de «nuire à la bêtise».
La philosophie,
qui est la forme la plus haute de l'amour de la connaissance, n'est plus alors ce qui préserve de
l'erreur, mais ce qui nuit à la bêtise, c'est-à-dire ce qui combat toutes les formes de bassesse de
pensée.
La bêtise est la manifestation de l'esprit passif, embourbé dans son temps, ses opinions,
incapable de courage et de liberté.
Chercher à connaître, c'est dénoncer et surmonter cette bêtise
qui est l'expression de la pensée facile, qui ne prend pas de risque..
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