La connaissance de soi est-elle plus facile que la connaissance des choses ?
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«
Introduction :
On a coutume de dire que l'on se connaît mieux que personne.
En effet, nous seuls savons ce que nous voulons, ce
que nous pensons, ce que nous ressentons.
Pourtant, tout cela n'est pas toujours si simple à exprimer, et l'on
s'aperçoit qu'il est parfois plus facile de donner la définition d'un objet ou de résoudre un problème de mathématique
que de d'expliquer la complexité de notre être.
La connaissance de soi est-elle alors plus simple que la connaissance
des choses ? N'est-il pas plus aisé d'avoir les idées claires sur le monde qui nous entoure que sur nous-même ? Pour
répondre à cette question, il faut chercher à saisir ce qu'est avoir conscience de soi, et à quelle connaissance des
choses on peut prétendre, pour en établir les limites respectives.
1ère partie : Il est plus aisé de se connaître soi-même.
-« L'âme est plus facile à connaître que le corps », affirme Descartes.
En effet, on peut penser de prime abord qu'il
est plus facile de se connaître soi car nous sommes directement accessible à nous-même, à l'inverse des objets que
l'on saisi par la médiation des sens, lesquels peuvent nous tromper (ex : si on a la vue trouble, etc.).
L'allégorie de la caverne racontée par Platon dans La République (livre VII) montre à quel point la connaissance des
choses est difficile et demande des efforts : les hommes croient voir la réalité alors qu'il ne s'agit que de l'ombre des
réalités extérieures, et il faut les forcer à se retourner et les soumettre à l'éblouissement de la lumière du jour pour
leur donner accès à la vraie connaissance des choses.
-La connaissance que l'on a de soi réside dans le fait que l'on a conscience
de soi.
Pour Descartes (Méditations métaphysiques), même si nous sommes
dans le doute le plus extrême et dans l'impossibilité de connaître les choses,
nous pouvons être sûr que nous sommes en train de douter, donc de penser
et d'exister (c'est la formule « cogito ergo sum » : je pense donc je suis).
Cette phrase (« Je pense donc je suis ») apparaît au début de la quatrième
partie du « Discours de la méthode », qui présente rapidement la
métaphysique de Descartes.
On a donc tort de dire « Cogito ergo sum »,
puisque ce texte est le premier ouvrage philosophique important écrit en
français.
Pour bien comprendre cette citation, il est nécessaire de restituer le contexte
dans lequel elle s'insère.
Le « Discours de la méthode » présente
l'autobiographie intellectuelle de Descartes, qui se fait le porte-parole de sa
génération.
Descartes y décrit une véritable crise de l'éducation, laquelle ne
tient pas ses promesses ; faire « acquérir une connaissance claire & assurée
de tout ce qui est utile à la vie ».
En fait, Descartes est le contemporain & le promoteur d'une véritable
révolution scientifique, inaugurée par Galilée, qui remet en cause tous les
fondements du savoir et fait de la Terre, jusqu'ici considérée comme le centre
d'un univers fini, une planète comme les autres.
L'homme est désormais jeté
dans un univers infini, sans repère fixe dans la nature, en proie au doute sur sa place et sa fonction dans un univers
livré aux lois de la mécanique.
Or, Descartes va entreprendre à la fois de justifier la science nouvelle et
révolutionnaire qu'il pratique, et de redéfinir la place de l'homme dans le monde.
Pour accomplir cette tâche, il faut d'abord prendre la mesure des erreurs du passé, des erreurs enracinées en soimême.
En clair, il faut remettre en cause le pseudo savoir dont on a hérité et commencer par le doute :
« Je déracinais cependant de mon esprit toutes les erreurs qui avaient pu s'y glisser auparavant.
Non que j'imitasse
en cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter ; car, au contraire, tout mon dessein ne tendait qu'à
m'assurer, et à rejeter la terre mouvante & le sable, pour trouver le roc & l'argile.
» (« Discours de la méthode »,
3ième partie).
Ce qu'on appelle métaphysique est justement la discipline qui recherche les fondements du savoir & des choses, qui
tente de trouver « les premiers principes & les premières causes ».
Descartes, dans ce temps d'incertitude et de
soupçon généralisé, cherche la vérité, quelque chose dont on ne puisse en aucun cas douter, qui résiste à l'examen
le plus impitoyable.
Cherchant quelque chose d'’absolument certain, il va commencer par rejeter comme faux tout ce
qui peut paraître douteux.
« Parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensais qu'il fallait […] que je rejetasse
comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point
après cela quelque chose […] qui fut entièrement indubitable.
»
Le doute de Descartes est provisoire et a pour but de trouver une certitude entière & irrécusable.
Or il est sûr que les sens nous trompent parfois.
Les illusions d'optique en témoignent assez.
Je dois donc rejeter
comme faux & illusoire tout ce que les sens me fournissent.
Le principe est aussi facile à comprendre que difficile à
admettre, car comment saurais-je alors que le monde existe, que les autres m'entourent, que j'ai un corps ? En
toute rigueur, je dois temporairement considérer tout cela comme faux.
A ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes réplique par l'argument du rêve.
Pendant que je
rêve, je suis persuadé que ce que je vois et sens est vrai & réel, et pourtant ce n'est qu'illusion.
Le sentiment que
j'ai pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai & réel n'est donc pas une preuve suffisante de la réalité du
monde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant mes rêves.
Par suite je dois, si je cherche la vérité : «
feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que l'illusion des.
»
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