La connaissance de l'inconscient est-elle nécessaire à la connaissance de l'homme ?
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Que peut vouloir dire "connaître" l'inconscient et/ou l'homme ? La connaissance de l'inconscient est-elle possible
(n'est-ce pas par nature ce qui nous reste inconnu) ? Pourquoi introduire une nécessité dans cette connaissance ?
Quelle définition de l'homme peut alors être ici supposée ? Que deviennent les idées de volonté, responsabilité,
maîtrise de soi ? Qu'est-ce que "se connaître" ? Il faut discuter la place de l'inconscient dans la définition de l'homme
: est-elle possible, nécessaire, inutile, négligeable ? Au nom de quoi ne serait-il pas nécessaire de tout expliquer ?
N'est-ce pas par exemple quand il s'agit de juger les conséquences d'un acte et non plus de s'interroger sur ses
motivations ?
Introduction
Les résistances qu'ont provoquées les débuts de la psychanalyse ont été interprétées par Freud comme la preuve
de l'importance de sa découverte.
Au contraire, de nombreux philosophes se sont efforcés de limiter la portée des
théories psychanalytiques relatives à l'inconscient.
Il faut essayer de cerner l'enjeu du débat.
1 - Freud et l'inconscient
On connaît le texte de Freud où ce dernier présente la psychanalyse comme
la troisième révolution dans l'histoire de l'humanité, après celles de Copernic
et de Darwin.
Elle inflige à l'orgueil humain un nouveau démenti : après avoir
dû renoncer à sa prétention d'être au centre de l'univers, puis d'appartenir à
une espèce privilégiée dans le monde naturel, l'homme doit abandonner l'idée
d'être maître de lui-même.
Aux yeux de Freud, la connaissance de l'inconscient remet donc en cause la
liberté de l'homme.
Elle fait dépendre ses actes de motivations qui échappent
à la pensée consciente et à la volonté.
L'inconscient devient l'instance
gouvernant le sujet, qui se trouve dans un rapport fondamental de
méconnaissance par rapport à ses actions.
La clé des comportements
humains est à rechercher, non plus dans la saisie directe que peut en avoir
l'individu, mais dans une instance sur laquelle il n'a pas de prise.
Un tel «
décentrement » du sujet, pour reprendre l'expression de certains
psychanalystes contemporains, modifie radicalement l'idée que les hommes se
faisaient de leur propre identité.
Le sujet n'est plus unifié, mais morcelé en
plusieurs instances, dont l'une, au moins, l'inconscient, lui est étrangère.
Lacan symbolisera cette attente du sujet à lui-même en désignant
l'inconscient comme l'instance de l'autre.
Chaque individu est ainsi traversé
par un ensemble de données qu'il ne contrôle pas, mais qui le constitue.
La
traditionnelle unité du moi autour de la conscience se trouve ruinée et la
notion même d'identité est mise en doute : révolution assez radicale de notre conception de l'homme.
2 - Limites de l'inconscient
L'instance de l'inconscient, telle que tente de le cerner Freud, n'est pas claire.
Elle se présente tantôt comme l'une
des composantes de l'appareil psychique, tantôt comme sa donnée fondamentale.
Les limites exactes de
l'inconscient ne sont pas définissables à partir de ce que dit Freud.
Dès lors, il n'est pas possible de préciser quelle
est l'importance exacte de la découverte psychanalytique.
L'homme est-il tout entier sous
l'emprise de l'inconscient, ou peut-il le dominer et canaliser ses pulsions ? Les orientations multiples de la
psychanalyse aujourd'hui sont autant de preuves de cette hésitation.
Plus fondamentalement, certains philosophes, comme Alain, ou Jaspers dans une perspective existentialiste,
reprochent à la théorie de Freud ses imprécisions ou son inconsistance.
Ainsi, Jaspers reproche à la psychanalyse de
privilégier en l'homme tout ce qui vient des pulsions, au lieu de mettre l'accent sur sa dignité, et de prolonger les
réflexions sur l'homme.
Dans cette perspective, la « découverte » de l'inconscient ne serait que le dévoilement, sous un aspect nouveau,
plus précis, mais non essentiel, de la part inférieure de l'homme.
Rien de ce qui est fondamentalement « humain » ne
serait ici révélé ; au contraire, ce serait une régression par rapport à la réflexion antérieure qui s'efforçait
d'arracher, toujours davantage, l'homme à sa condition première pour le faire accéder à un degré supérieur.
Cette
double perspective critique, insuffisance de la notion d'inconscient et abandon de la dimension métaphysique de
l'homme, peut d'une certaine manière, valoir pour toutes les sciences humaines.
Elles nous apprennent sur les
individus un certain nombre de faits, objectivement vérifiables, mais elles ne permettent pas de cerner l'homme dans
son essence.
C'est pourquoi, sans doute, les philosophes gardent à leur égard une distance.
En traitant les individus
comme des objets susceptibles d'être connus selon des méthodes scientifiques, les sciences humaines renoncent à
poser les questions fondamentales sur l'homme lui-même.
Elles abandonnent le terrain à la philosophie, mais se
condamnent par là même à ne connaître des hommes que certains aspects extérieurs.
Conclusion
La connaissance de l'inconscient a permis aux individus de mieux comprendre leur appareil psychique.
Elle a montré
que tout un pan de notre personnalité échappe à notre contrôle tout en déterminant nos actions.
Elle a détruit, au
moins partiellement, l'illusion de l'unité du sujet autour de la conscience.
Mais, si la psychanalyse a balayé une vision
trop simple de l'individu, elle n'a pas vraiment renouvelé la réflexion sur l'homme, sauf à identifier ce dernier à l'idée.
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