La Bruyère écrit dans la Préface des Caractères : « Je rends au public ce qu'il m'a prêté; j'ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage. » En concluriez-vous que l'ouvrage de La Bruyère est un livre d'observation rigoureusement impersonnel et que rien
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La manière même dont le sujet est formulé vous montre qu'il ne peut pas être question de voir dans les Caractères des sortes de confessions où La Bruyère exposerait ouvertement ses opinions et ses goûts. Ces lignes que La Bruyère met en tête de son ouvrage montrent bien que ses intentions sont conformes à l'esprit classique : il veut peindre l'homme et non pas l'homme qu'il est lui-même. Il conviendra donc de rappeler que la plus grande partie de ses observations sont celles d'un moraliste qui parle au nom de la raison et de la morale éternelles et non pas de ses idées et de ses goûts à lui. C'est même parce qu'il est resté trop étroitement fidèle à cet idéal de morale abstraite et universelle que La Bruyère est assez souvent banal dans le fond et parfois même dans la forme de ses observations.
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La Bruyère écrit dans la Préface des Caractères : « Je rends au public ce qu'il m'a prêté; j'ai emprunté de lui la
matière de cet ouvrage.
» En concluriez-vous que l'ouvrage de La Bruyère est un livre d'observation rigoureusement
impersonnel et que rien n'y trahit le caractère de l'auteur ?
La manière même dont le sujet est formulé vous montre qu'il ne peut pas être question de voir dans les Caractères
des sortes de confessions où La Bruyère exposerait ouvertement ses opinions et ses goûts.
Ces lignes que La
Bruyère met en tête de son ouvrage montrent bien que ses intentions sont conformes à l'esprit classique : il veut
peindre l'homme et non pas l'homme qu'il est lui-même.
Il conviendra donc de rappeler que la plus grande partie de
ses observations sont celles d'un moraliste qui parle au nom de la raison et de la morale éternelles et non pas de ses
idées et de ses goûts à lui.
C'est même parce qu'il est resté trop étroitement fidèle à cet idéal de morale abstraite
et universelle que La Bruyère est assez souvent banal dans le fond et parfois même dans la forme de ses
observations.
Mais il est original par les raisons que développeront les sujets suivants, et que vous pourrez rappeler en quelques
mots, hardiesse sociale, nouveauté de l'expression — et par un certain ton, un certain accent personnel qui est
votre sujet.
Où trouve-t-on cet accent? Essentiellement dans deux sortes de réflexions : La Bruyère est roturier; il
n'a qu'une toute petite fortune.
La conséquence en est qu'il tient une toute petite place, obscure, malgré son
génie, même après la publication des Caractères, dans la société du temps.
Sans doute ce dédain des
contemporains pour tout ce qui n'est pas la naissance ou la fortune lui aurait été moins sensible s'il était resté dans
son milieu.
Mais il vit à la cour du prince de Condé, dans un milieu aristocratique et mondain.
Par surcroît, il est
gauche et timide ; il n'a aucune des qualités brillantes qui font « l'honnête homme » et qui pouvaient faire le
prestige d'un Voiture, d'un Lulli.
Il est donc traité avec une désinvolture dédaigneuse par des gentilshommes souvent
bornés et grossiers.
Sa rancœur se trahit clairement, notamment dans les chapitres Du mérite personnel et Des
grands.
Enfin on devine par certains traits de sa biographie qu'il n'était pas indifférent aux avantages de la fortune;
il est resté plus ou moins pauvre et contraint par là aux servitudes de son métier de précepteur, de « domestique »
(c'est-à-dire d'attaché) dans la, maison de Condé.
Autour de lui il voit des riches dont la fortune a été conquise par
l'audace malhonnête, par l'exploitation impudente des pauvres; le plus souvent ces financiers, ces traitants tiennent
dans la société un rang éclatant.
Contre eux La Bruyère exprime non pas seulement les colères de l'honnête homme,
mais ses rancœurs d'homme resté pauvre parce que l'honnêteté n'enrichit pas.
Enfin d'une façon générale c'est
parce que La Bruyère a souffert de l'ordre social, des vices d'une société injustement organisée que ses critiques
ont souvent leur ton amer.
Après avoir constaté cet accent des Caractères, vous pouvez en expliquer non pas les causes que nous venons de
donner, mais la portée.
Rien de semblable chez La Rochefoucauld, Nicole ni même chez Pascal.
Ils n'attaquent que
les vices et travers les plus généraux de l'homme.
Ils concluraient même qu'il vaut mieux être humble et pauvre
parce qu'on est ainsi exposé à moins de tentations.
La Bruyère est le premier à avoir revendiqué les droits de
l'intelligence, opposé le « mérite personnel » aux privilèges de la noblesse et de l'argent..
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