La beauté exclut-elle l'utilité ?
Extrait du document
«
• En posant que la beauté est liée au désintéressement, Kant n'écarte pas la possibilité qu'un bel
objet puisse être aussi utile ; simplement cet objet ne pourra être dit beau parce qu'il est utile ;
l'idée de beauté n'enveloppant aucunement celle d'utilité.
Mais ne pourrait-on aller plus loin et
avancer que la beauté exclut l'utilité, que l'une et l'autre sont incompatibles ? C'est, semble-t-il, ce
qu'implique l'esthétique bergsonienne.
• A la question «Qu'est-ce que l'artiste ?», Bergson répond en effet que c'est quelqu'un qui «voit
mieux que les autres car il regarde la réalité nue et sans voiles».
Voir avec des yeux d'artiste, c'est
voir un objet en lui-même, débarrassé des conventions que nous interposons habituellement, pour
des raisons pratiques, de commodité, d'efficacité, entre cet objet et nous (cf.
sujet suivant).
• Dans ces conditions, l'utilité devient antinomique de la beauté : si un objet nous apparaît comme
utile, il ne peut nous apparaître comme beau, puisque la beauté d'une chose, c'est la qualité de
cette chose telle que nous la saisissons dans la perception pure, dans l'intuition pure, où se dissout
toute idée d'utilité.
L'utilité appartient en effet à la sphère de l'action, la beauté à celle de la
contemplation.
Ainsi donc, si je saisis un objet comme beau je ne puis le saisir en même temps
comme utile, et inversement, si j'appréhende un objet comme utile je ne puis l'appréhender
simultanément comme beau.
• Dira-t-on alors qu'un objet peut m'apparaître tantôt beau, tantôt utile, selon le regard que je
tourne vers lui, et être, ainsi, à la fois utile et beau ? Car enfin, je vois bien que ce pont est beau,
mais je vois aussi qu'il est utile ; j'admirais tout à l'heure la beauté de cette voiture, et maintenant,
en la conduisant, je constate combien elle m'est utile : ce pont, cette voiture sont donc bien pour
moi à la fois beaux et utiles.
Mais cela est-il sûr ? N'y a-t-il pas là une illusion dans la mesure où ce n'est pas exactement le
même objet qui m'apparaît dans l'un et l'autre cas : il n'y a pas, en effet, d'objet sans un sujet, sans
une conscience pour qui il est objet ; c'est donc mon regard, ma pensée, qui découpe les objets
dans une réalité qui les ignore, puisque la réalité n'est pas une suite d'objets séparés, mais une
continuité fluide et mouvante.
Ainsi cet objet que je saisis comme beau n'est nécessairement pas le
même que celui que je saisis comme utile..
»
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