La beauté est elle nécessaire à la vie ?
Extrait du document
«
O n p e n s e g é n é r a l e m e n t q u e la beauté est une chose pour le seule plaisir esthétique, mais on mesure mal son importance pour la vie
courante et ses affres.
Cette nécessité de l'art pour la vie tiendrait à de véritables besoins artistiques inhérents à l'homme, besoins qui
tiendraient à s a nature même.
Mais l'époque contemporaine avec l'apparition de la consommation de m a s s e d e s biens culturels et le
kitsch tend à diminuer ce besoin de beauté pour le remplacer par un besoin d'images, d'informations, de divertissement.
La beauté a-telle encore un sens pour nos vies ?
1) L'art est nécessaire pour supporter la vie.
L'œuvre d'art, qui communique à un large public cette connaissance, vaut donc non pas en tant que
création (qui ne serait qu'exaltation de la volonté), mais comme la possibilité d'une expérience métaphysique
qui nous délivre momentanément de la « roue d'Ixion » de la causalité phénoménale.
Qu'il s'agisse d'un
spectacle naturel, d'un monument, d'un tableau peint, d'un poème, le plaisir pur, désintéressé, est à la
fois affranchissement du sujet connaissant et jouissance intuitive de la chose même.
D'ailleurs, il existe
un art capable d'atteindre directement la volonté elle-même, sans passer par l'objectivation de l'idée :
« La musique nous donne ce qui précède toute forme, le noyau intime, le cœur des choses.
» Elle est le
plus profond , le plus puissant de tous les arts.
Nul mieux que Schopenhauer n'a justifié la signification
universelle du génie de Mozart et de Beethoven.
Bien au-delà d'une sentimentalité individuelle, c'est le
m o n d e m ê m e , c o m m e volonté, qui est répété dans s e s harmonies et ses dissonances.
En dehors de
tout concept, le langage immédiat de la musique est « un exercice métaphysique inconscient ».
2) On ne peut se passer de l'art pour des raisons métaphysique.
La naissance de la tragédie se donne pour but une redéfinition fondamentale de l'art, ce dernier étant
l'activité proprement métaphysique d e l'homme.
Rappelons q u e pour Nietzsche, l'existence du m o n d e
n'a d e justification que c o m m e p h é n o m è n e esthétique C e livre ne
reconnaît qu'un dieu purement artiste, dénué de scrupule et de moral, à qui bâtir comme détruire, faire
le bien comme le mal, procure le même plaisir et sentiment de toute-puissance.
Un dieu qui : « qui se
débarrasse, en fabriquant des mondes, du tourment de sa plénitude, de son excès de plénitude .
» Il se
délivre en s o m m e d e la souffrance des contraires accumulés en lui-même.
Le m o n d e n'est qu'une
libération à chaque instant obtenue d e d i e u en tant que vision éternellement changeante de celui qui
supporte les plus grandes souffrances, les contraires les plus opposés« et qui ne sait se libérer que dans
l'apparence.
»Cette métaphysique d'artiste prend la partie d e s'opposer à u n e interprétation, à une
signification, morale de l'existence.
Elle correspond donc à ce que Schopenhauer décrit comme étant une
perversité d'esprit qui consiste à voir du monde que les phénomènes, comme dépourvus de sens moral.
Mais que pensait au juste Schopenhauer de la tragédie ? « Ce qui donne au tragique un élan particulier
vers le sublime c'est la révélation d e cette p e n s é e q u e le m o n d e , la vie, ne peut nous satisfaire
vraiment, et par conséquent n'est pas digne de notre attachement : c'est e n c e l a q u e consiste l'esprit
tragique - il nous met ainsi sur la voie d e la résignation.
» Le monde comme volonté et comme
représentation I, 3, 51)
3) L'art sert à supporter un quotidien morose.
.
L'éclosion de style artistique comme le réalisme, le naturalisme ont permis de représenter des scènes
qui n'ont rien d'héroïque.
L'apparition progressive d'anti-héros dans la littérature à l'aune de Flaubert.
La
médiocrité est mise au grand jour.
Bouvard et Pécuchet sont le symbole même de l'échec.
La banalité provinciale de Madame Bovary est
insignifiante.
Sous cette pauvreté se cache aussi l'absurde.
Il y a le réalisme d e Zola qui décrit la vie humaine qui proche d e la vie
animale dans toutes ses turpitudes, et la description de l'ennui par Musset dans Confession d'un enfant du siècle.
On n'hésite plus à décrire
le mal du siècle, l'absence d'événement, la platitude.
On retrouve ce vide dans l'art moderne.
Les pièces de théâtre de Samuel Beckett
décrivent souvent une pure attente sans espoir, En Attendant Godot illustre cette représentation de l'insignifiance.
L'art de la récupération
du Nouveau Réalisme, qui récupère les objets d e la vie quotidienne pour en faire des œuvres d'art tente d e sauver le m onde de
l'insignifiance.
L'univers d e la standardisation, d e la mécanisation, des villes modernes, des cités industrielles grises réclame un
supplément d'âme et d'art pour acquérir une nouvelle vie.
4) L'homme moderne peut se passer de beauté.
C e p a s s a g e d'un Saison en enfer écrit en 1872 par Rimbaud montre en partie l'amour qu'il peut exister pour l'art de seconde zone :
« J'aimais les peintures idiotes, dessus d e porte, décors, toiles d e saltimbanques, enseignes, enluminures populaires, littérature
démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographes, romans de nos écoles, conte de fées, petit livre de l'enfance, opéras vieux,
refrain niais, (…).
» C'est ainsi que le sous- art se fait l'inspirateur des grands poètes qui y trouvent un charme désuet et le support d'une
nostalgie d e l'enfance.
Aussi, le kitsch est l'expression d'une paresse intellectuelle qui ne regarde pas à la source certains styles
artistiques et se contente de copies.
L'homme moderne est pressé, il travaille dans les usines, se déplace en train, il est dans l'action et
non dans la contemplation.
Il n'a pas le temps d'étudier l'histoire de l'art, et se souvient des images d'Epinal de son enfance imprimées
en série.
Le kitsch ne peut exister que dans un monde où règne la vitesse sous toutes ses formes.
On est capable de produire en série
un nombre presque infini d'objets, on peut se déplacer aisément d'un pays à un autre.
On duplique en masse les œuvres d'art grâce à la
photographie et à l a lithographie.
Dans cet univers de vitesse, il n'y a p l u s d e place pour l'étude attentive, la contemplation, le travail
minutieux de la pierre et du bois.
L'homme moderne peut s e p a s s e r d e b e a u esthétique, l'homme moderne peut vivre sans l'art et la
beauté et se contenter du kitsch ou de l'art de seconde zone.
Conclusion.
Notre modernité met en cause cette nécessité pour la vie humaine d'avoir recours à la beauté pour bien vivre.
Le pessim isme d e
Schopenhauer et le renouveau de la tragédie nietzschéenne ne semblent plus être d'actualité.
La douleur de l'existence a fait place à la
recherche du confort, du design.
Aussi ce souci de rendre tout ou presque artistique a laissé place à un monde vide d'œuvre d'art et de
beauté.
L'aseptisation de notre monde est y peut être pour quelque chose..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La beauté est-elle nécessaire a la vie ?
- l'art est-il nécessaire a la vie ?
- Pensez vous que connaître la vie des auteurs est nécessaire pour comprendre et appréciez leurs oeuvre
- Le remords est-il nécessaire à la vie morale ?
- Stephen Jay Gould : La vie est belle (résumé et analyse)