la banalité du mal
Publié le 03/06/2023
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«
VI.
La banalité du mal
Terminales ES et S
Avril 2015
Table des matières
A.
Notion de « banalité du mal »
1)
2
Définition des mots banal et banalité .
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2
a)
Le mot banal .
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2
b)
Le mot banalité .
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2
2)
Sens de l’expression chez Hannah Arendt .
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2
3)
Quelle leçon cherche-t-elle à nous donner avec cette expression ?
3
B.
Distinction entre tyrannie, dictature et totalitarisme
5
C.
Transcription d’une partie de son interview de 1973
5
1)
Sur la distinction entre tyrannie, dictature et totalitarisme .
.
5
a)
L’objectif de son livre Eichmann à Jérusalem .
.
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6
b)
Sa réponse à la controverse que son livre a entrainé .
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7
c)
Ce qu’elle pense des œuvres qui essaient d’humaniser
les personnes nazies .
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1
8
État et Violence, VI.
Philosophie
A.
Notion de « banalité du mal »
Hannah Arendt introduit son concept de banalité du mal dans son
livre Eichmann à Jérusalem qu’elle a écrit en 1962 à l’exception du postscriptum écrit en 1964.
C’est d’ailleurs dans ce post-scriptum qu’elle revient
sur la controverse qu’a entrainée son livre.
Elle y explique plus précisément ce
qu’elle pense sur la banalité du mal.
Elle reprendra cela dans l’introduction
de son livre : La vie de l’esprit.
1)
Définition des mots banal et banalité
a)
Le mot banal
— Au départ le mot banal qui vient du latin bannalis est un terme
de féodalité qualifiant une personne soumise au droit d’usage fixé
par le seigneur et une chose appartenant à une circonscription seigneuriale.
— Avec la disparition de la féodalité, le mot s’est maintenu comme
synonyme de communal, par exemple dans l’expression four banal.
— Par extension, l’adjectif est resté dans notre vocabulaire actuel dans
le sens figuré désignant ce qui est sans originalité, sans personnalité, à force d’être utilisé, vécu, regardé.
b)
Le mot banalité
— Au départ, c’est un terme de féodalité qui désigne le droit du seigneur d’assujetir ses vassaux à l’usage d’objets lui appartenant, par
métonymie, l’étendue de territoire soumise à cette juridiction.
— Puis, en relation avec l’évolution de l’adjectif banal, le mot exprime
le caractère de ce qui est trop commun, sans originalité.
— Par métonymie, il se dit aussi d’une parole, d’un écrit, devenu vulgaire à force d’être répété.
2)
Sens de l’expression chez Hannah Arendt
Hannah Arendt désigne par banalité du mal, le fait qu’Eichmann
ne se sentait pas affecté par ce qu’il faisait, et refusait de juger la valeur
morale de ces actes et de leurs conséquences.
Il obéissait simplement aux
ordres qui lui étaient donnés sans questionner leur moralité.
Plus encore, il
mettait tout son zèle à bien exécuter ces ordres.
Cela révèle une absence
d’empathie pour les personnes concernées par ces actes.
Il ne semblait pas
avoir l’aptitude à se mettre à leur place.
Voilà ce qu’elle dit dans Eichmann
à Jérusalem :
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« Plus on l’écoutait, plus on se rendait à l’évidence que son incapacité à parler était étroitement liée à son incapacité à penser
— à penser notamment du point de vue de quelqu’un d’autre.
Il
était impossible de communiquer avec lui, non parce qu’il mentait, mais parce qu’il s’entourait du plus efficace des mécanismes
de défense contre les mots et la présence des autres, et, partant,
contre la réalité en tant que telle.
»
On peut donc déduire les conséquences suivantes :
1.
Son comportement était banal au sens premier du mot, Eichmann se soumettait volontairement et avec zèle à la règle de son
seigneur, son Führer, Adolf Hitler.
D’ailleurs, il va même jusqu’à
désobéir à Himmler en 1944 quand celui-ci lui donne l’ordre d’arrêter l’extermination des juifs parce qu’il veut obéir jusqu’au bout
à son Führer.
Eichmann se comportait donc comme un vassal
d’Hitler.
2.
Son comportement était aussi banal dans le deuxième sens du mot,
puisqu’il était devenu commun par les lois nazies mises en place
que la majorité respectait.
3.
Enfin, elle le précise à différents moments, elle veut montrer qu’Eichmann n’était pas un homme extraordinaire, une grande figure du
mal, bien qu’il n’était pas non plus stupide.
Ce n’était pas pour elle
une sorte de démon, mais plutôt un personnage relativement médiocre bien qu’intelligent.
Le mot banal peut donc le caractériser
dans son troisième sens de sans originalité.
3)
Quelle leçon cherche-t-elle à nous donner avec cette expression ?
Hannah Arendt a été profondément choquée par ce qu’elle a vécu :
on la comprend.
Elle écrit pour éviter que cela ne se reproduise à nouveau.
Je
pense que c’est pour cette raison qu’elle utilise cette expression de banalité
du mal alors même qu’avec la controverse qu’elle a traversée, elle aurait pu
revenir sur cette expression, la modifier voire même y renoncer.
Au contraire,
jusqu’à la fin de sa vie, contre vents et marées, elle reviendra sur l’importance
de cette notion pour elle.
Je ne pense pas que c’est par manque de compassion vis-à-vis des
victimes qu’elle maintient cette expression.
Au contraire, je pense que c’est
par souci réel des futures générations : elle essaie de faire en sorte de marquer
suffisamment les consciences pour que ce genre de choses ne se reproduisent
pas.
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On peut être choqué qu’elle dise qu’Eichmann n’était qu’un clown,
mais c’est pour nous faire prendre conscience que ce n’était pas un personnage extraordinaire et que nous pouvons voir à nouveau le retour de ce genre
de personnages.
Pire encore, si nous n’y prenons pas garde, nous pouvons
nous-mêmes, nous transformer en ce genre de clown, qui d’ailleurs ressemble
plus au personnage le Joker dans les comic books Batman qu’à Pierrot, le
clown blanc des cirques.
Nous pouvons nous-mêmes oublier d’écouter la voix de notre conscience
morale, ce que Thomas d’Aquin désignait sous le nom de syndérèse.
Cela
peut se faire quand nous ne prenons pas le temps de réfléchir à nos actes, ou
alors quand nous le faisons par obéissance aux ordres, ou encore, par tactique
pour monter dans l’échelle sociale.
Cela peut se faire tout simplement aussi
par pur mimétisme.
Une règle devient commune, les autorités la valident,
voire en font la promotion, et au lien d’écouter notre syndérèse nous écoutons
les autorités, soit par peur de leur déplaire, soit par souci de leur plaire, soit
parce qu’elles flattent notre égoïsme ou notre soif de plaisir, etc.
Cela peut
se faire aussi parce qu’on suit simplement le comportement d’une majorité,
le comportement de la foule.
C’est le comportement du mouton qui suit le
troupeau même si celui-ci est dirigé par un loup déguisé en bélier !
Pour Hannah Arendt, la banalité du mal, c’est l’absence de pensée,
et penser, c’est juger si nos actions sont bonnes ou mauvaises, cela revient
à dire que penser c’est justement écouter sa syndérèse.
Cette expression
ne disculpe pas la personne du mal qu’elle a fait, parce qu’elle n’aurait pas
pensé.
Pour elle, l’absence de pensée, est de l’ordre du refus et de la
démission.
C’est donc un choix volontaire de la personne qui reste donc
totalement responsable de ce choix, et donc coupable.
Nous pouvons, en effet,
refuser d’écouter notre syndérèse.
En ce sens, non seulement nous pouvons
faire le mal ou participer au mal, mais nous en sommes aussi totalement
responsables.
Voilà quelques citations à ce sujet d’Hannah Arendt que nous rappelle
la philosophe Aurore Mréjen dans l’article que je vous ai indiqué en ligne :
« Le débat sur la culpabilité d’Eichmann a permis de mettre à
jour l’effondrement moral qui a affecté dans sa totalité le cœur
de l’Europe, dans toute son effroyable réalité factuelle.
»
« Tout s’est passé comme si la morale, au moment même de son
écroulement total au sein d’une vieille nation hautement civilisée,
se révélait au sens original du mot comme un ensemble de mores,
d’us et de coutumes, qu’on pouvait troquer contre un autre ensemble sans que cela cause plus de difficultés que de changer les
manières de tables de tout un peuple.
»
« À cet égard, l’effondrement moral total de la société respec-
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table sous le régime de Hitler peut nous enseigner qu’en de telles
circonstances, ceux qui chérissent les valeurs et tiennent fermement aux normes et aux standards moraux ne sont pas fiables :
nous savons désormais que les normes et les standards moraux
peuvent changer en....
»
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