L' histoire peut elle justifier le mal ?
Extrait du document
«
Le terme d'histoire, ambigu, désigne deux ordres de réalité différents : d'une part, les événements, actes, les faits du
passé qui constituent la réalité historique, d'autre part, la recherche historique et la science du devenir des hommes.
Ce
que Raymond Aron affirme : " le même mot, en français, en anglais, en allemand s'applique à la réalité historique et à la
connaissance que nous en prenons".
Il semble qu'ici le sujet prenne en compte les deux sens, il s'agit de savoir si le
passé nous donne des raisons de croire que l'utilisation du mal peut être bénéfique.
Au premier abord, l'histoire semble
être constituée de guerres sanglantes, de coups d'état.
Elle semble nous apprendre que l'homme est mauvais et qu'il ne
faut pas lui faire confiance.
Mais l'histoire peut-elle nous servir d'exemple? Si le passé ne se reproduira plus, ne faut-il pas
plutôt chercher à écrire l'histoire sans faire le mal? Le sens de l'histoire n'est-il pas subjectif?
1.
L'histoire n'est qu'une suite ininterrompue de méfaits
L'étude des faits passés permet pour beaucoup, éclaire le présent et permet d'agir plus efficacement.
C'est pourquoi
Machiavel explique que "Les hommes marchent presque toujours dans les traces laissées par les autres et font leurs
actions par imitation.
L'homme sage doit toujours s'engager sur la voie des grands hommes."
L'histoire n'est constitué que par des évènements qui relèvent la violence et le mal.
Rousseau admet que l'étude de
l'histoire est nécessaire parce qu'elle nous donne à connaître les hommes mais affirme que l'histoire nous montre le plus
mauvais côté de l'homme : du passé, "nous ne savons donc que le mal"( Émile)
Machiavel, dans le Prince, donne des conseils à un individu pour arriver au pouvoir et le conserver.
Or, il est clair qu'un
prince ne doit pas être moral et n'accomplir que des bonnes actions.
L'histoire enseigne en effet, que les hommes ne
tiennent pas leur parole, qu'il ne faut pas leur faire confiance et que ceux qui ont réussi, sont ceux qui n'ont pas eux de
scrupule et accomplit des mauvaises actions.
Il prend ainsi l'exemple de César Borgia, qui a usé de la violence et de la
cruauté.
Ainsi, l'histoire nous donne une vue mauvaise de l'homme et nous met sous les yeux un monde, où seul le mal peut être
efficace.
2.
Il n'y a pas de leçon dans l'histoire
Hegel affirme en effet, que les peuples et les gouvernements n'ont jamais rien appris
de l'histoire, même si on leur recommande de s'instruire par l'expérience de l'histoire.
Mais cela ne vient pas des hommes mais du caractère même du passé.
"Chaque
époque, chaque peuple se trouve dans des conditions si particulières, forme une
situation si particulière, que c'est seulement en fonction de cette situation qu'il doit
se situer." Le présent est donc unique et ne peut être instruit pas le passé.
En effet, l'histoire ne se répète pas.
Nous ne pourrons jamais en effet revivre
exactement deux fois la même situation.
Supposer donc que l'histoire ne se répète
laisse l'espoir à l'homme que s'accomplisse dans l'histoire un progrès de l'humanité,
progrès auquel il est amené à contribuer.
Kant affirme qu'un tel progrès n'est pas
une connaissance ou une certitude absolue, il doit cependant être pensé comme
hypothèse utile.
Penser que l'histoire a un sens présente ce que Kant appelle un
intérêt "pratique", c'est-à-dire moral.
Ainsi chaque homme doit refuser de voir son
histoire lui échapper et oeuvrer en vue d'un état futur et meilleur de l'humanité.
La connaissance du passé, même fait de barbaries, ne doit pas nous empêcher
d'oeuvrer en vue du bien.
Le devenir historique n'est pas encore joué, c'est à chacun
qu'il revient de l'écrire.
3.
L'histoire est subjective, elle justifie ce que l'on veut
L'homme qui cherche à tout prix des enseignements dans le passé, risque fort de se
tromper.
En effet, la lecture d'un livre d'histoire, comme celle d'un document, peuvent
donner lieu à des interprétations totalement différentes.
En effet, chacun cherche à infléchir l'histoire- à lire comme à
l'élaborer- dans un sens qui soit conforme à ses aspirations.
AInsi Paul Valery déclare que "l'histoire est le produit le plus
dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré." En effet, elle conduit des peuples dans des grands délires, les enivre.
Mais "l'histoire justifie ce que l'on veut.
Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout et donne des exemples
de tout."( Regards sur le monde actuel) Il n'y a donc pas en histoire de signification purement objective d'un fait et c'est
donc en fonction d'un présent que nous donnons à tel fait passé telle ou telle signification.
De plus, comme le dit Rousseau, les peuples heureux n'ont pas d'histoire.
Nous "avons fort exactement celles des peuples
qui se détruisent; ce qui nous manque est celle des peuples qui [...] sont assez heureux et assez sages pour qu'elle n'ait
rien à dire d'eux."
Pour Nietzsche aussi, l'excès d'histoire est dangereux.
En effet, dans son travail, elle met à jour "tant de fausseté, de
grossièreté, d'inhumanité, d'absurdité et de violence" que l'illusion indispensable à tout individu se dissipe.
L'histoire ainsi
"finit par faire de ses instruments des êtres blasés qui n'ont plus rien de naturel."( Considérations intempestives)
Il faut donc faire attention avec l'étude du passé.
Elle ne rapporte pas objectivement ce qui a été, elle est dirigée par la
vue subjective de l'historien et peut justement empêcher l'homme d'agir avec amour dans le monde.
Ainsi, l'histoire nous rapporte une barbarie incessante de l'homme et nous enjoint à ne pas être moral si l'on veut réussir
dans notre monde.
Mais pourtant, le devenir de l'homme est original et ne se répète pas.
L'avenir est donc à créer et
l'homme peut agir selon le bien pour construire un monde meilleur.
Il faut en effet bien comprendre que l'étude du passé
n'est jamais objective, qu'elle peut justifier autant le bien que le mal.
Il faut donc parfois se détourner de l'étude des faits
anciens pour tourner les forces vitales vers le futur..
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